Le procès de Boubacar Diallo alias “Grenade” s’est ouvert ce lundi 11 février au tribunal de première instance de Dixinn. Ce célèbre militant de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), un temps présenté comme l’un des potentiels auteurs des meurtres des militants de l’opposition, incarcéré depuis juin 2018, n’est finalement accusé que de tentative de meurtre et de détention illégale d’armes de guerre. Devant le juge, Boubacar Diallo, médicaments en main (asthmatique), tendu, parfois en larmes, a nié en bloc ces accusations : « On m’a arrêté à Bambéto alors que j’étais allé prendre mon argent. J’ai été envoyé à la Gendarmerie de Kénien, torturé pendant quatre jours par le commandant Lancey et ses hommes. Ils attachaient mes yeux et mon nez à l’aide d’une serviette et versaient 3 bidons d’eau sur moi. Quand je crie, ils me mettent une décharge électrique sur le cou. C’est à partir de là que j’ai attrapé cette maladie… Je n’ai même pas été auditionné, on m’a tendu un procès verbal dans une chemise et on m’a dit de le signer pour ne pas pourrir en prison. On m’a demandé d’accuser Ousmane Gaoual Diallo et Hadja Halimatou Dalein Diallo, quand j’ai refusé les tortures ont continué ».

Concernant le port illégal d’armes dont se serait rendu coupable le prévenu, les questions du procureur, Sidy Souleymane N’diaye ont tendu l’atmosphère : « Le ministère public va emmerder considérablement monsieur Boubacar Diallo. Pourquoi portez-vous une arme? », « Je n’ai jamais porté une arme » répond l’accusé sur un ton ferme. « Si vous vous montrez offensif vos avocats ne pourront rien pour vous. Leurs services vous seront futiles » enchaîne Sidy Souleymane N’diaye. Et maître Salifou Béavogui de saisir la balle au rebond : « C’est une menace, votre dossier est vide, c’est une simple prise d’otage ». Il argue d’ailleurs que le mystère public s’accroche à une accusation qui ne tient pas : « L’infraction de détention illégale d’armes tombe d’elle même puisque dans le dossier il n’y a ni scellé ni récépissé délivré par le greffe qui pourrait justifier l’existence d’une quelconque arme ».

De la tentative de meurtre

Pendant les débats, Grenade s’est évertué à montrer au tribunal qu’il n’est pas le criminel qu’on diabolise, mais la victime. Cette histoire de tentative de meurtre remonterait à plusieurs mois avant son arrestation. C’est-à-dire le jour de l’enterrement du garde de corps du patron de l’UFDG, Mamadou Saidou Bah. Après l’inhumation, des échauffourées ont éclaté entre jeunes militants et les gendarmes postés au siège du RPG arc-en-ciel. Boubacar Diallo est blessé par balle à l’épaule. Et c’est là que des gendarmes affirment l’avoir vu avec un PMAK. Pourtant, après cet incident, le prévenu, après un séjour à Dakar a continué à se promener tranquillement dans Conakry : « J’ai porté une tenue d’un de mes cousins et je demande pardon. Mais je n’ai jamais tiré sur un gendarme, je n’ai pas ce cœur, au contraire. J’ai sauvé des gendarmes à plusieurs reprises. C’est sont eux qui ont tenté de me tuer. Ils devaient être à ma place aujourd’hui, mais hélas ».

Les contacts avec Sékou Souapé

Récemment, Sékou Souapé Kourouma, influent membre du RPG a dans une interview affirmé que Grenade lui aurait demandé de l’aide. Selon Sékou Souapé ils auraient également discuté des rôles de certains cadres de l’UFDG dans les manifestations. Boubacar Diallo lui a sa propre version : « Sékou Souapé m’a appelé et m’a demandé de rejoindre le RPG comme l’ont fait Korbonya et Intello (ex militants de l’UFDG, ndlr). J’ai refusé et j’ai mis son numéro sous renvoi. Après, un certain Zoumanigui m’a appelé pour me dire que de toutes les façons je ne peux pas m’échapper. Et quand j’ai été arrêté, un certain Keira est venu avec plein de mes photos. Mes problèmes ont commencé avec ces personnes ».

De ses conditions de détention

Après son arrestation, Grenade a été isolé pendant plusieurs semaines à la Maison centrale de Conakry, sans recevoir la visite des parents ou de ses avocats. Il est par la suite transféré à la prison civile de Kindia et mis dans les mêmes conditions pendant plus de quatre mois : « J’ai été torturé, isolé et transféré à Kindia avec deux véhicules de Bérets-rouges et deux autres de la Gendarmerie, comme si j’étais le plus grand criminel de la république. Je suis traumatisé, aujourd’hui je ne souhaite que recouvrir ma liberté pour aller me soigner ».

Après l’audience, maitre Salifou Béavogui en a remis une couche : « Ceux-là qui ont monté ce dossier de toute pièce ont pensé qu’à travers ce jeune militant de l’UFDG qu’ils pouvaient atteindre certains cadres du parti. C’est le procès de la honte, le procès du non droit. Dès son arrestation, nous avons attaqué la procédure et elle a été annulée, mais on a continué à le garder. Les gendarmes qui l’ont accusé n’ont jamais été entendus dans cette procédure, ils n’ont jamais été confrontés à notre client. Ce qui signifie qu’ils ont inventé une histoire pour neutraliser le jeune et atteindre d’autres cibles ». Le procès se poursuivra demain mardi 12 février avec les plaidoiries et réquisitions.   

Yacine Diallo