Se déplacer en Guinée par voie terrestre, le seul moyen pour le moment qui s’offre aux vrais gens, est un parcours de combattants. Pas besoin de citer les tronçons impraticables, il n’y a que ça. Les chiffres du gouvernement grimpeur simplifient la tâche. En octobre 2016, le Conseil des ministres avait fait le constat que des routes nationales revêtues, seuls 402 km sont en bon état, soit 16, 33% ; Etat moyen : 815 km, soit 33, 10% ; mauvais état : 1 245 km, soit 50, 53%. Des routes nationales en terre, seulement 710 Km sont en bon état soit 14%, état moyen : 1 149 km, soit 22% ; et 33 371 Km en mauvais état soit 64%.
Voici un carnet de route qui se focalise essentiellement sur le pont Mbagou au PK 56 à partir de Labé pour Mali, construit en 1950 par l’administration coloniale. Depuis des années, il a montré des signes d’épuisement, tenant tant bien que mal. Il a fini par céder en septembre 2018. En mai dernier, le ministre des TP, Mousto Naité s’y est rendu pour lancer le chantier. Caractéristiques du nouveau pont : 16 mètres linéaires en 2 traversées, béton armé. Les travaux exécutés par l’entreprise Petroman Ingénierie pour un montant d’environ 2 milliards 777 millions sur un délai de 2 mois.
Fin juillet, le pont devait être opérationnel. Sauf que rien n’en est. Colère, frustrations, tristesse, impuissance, frayeur … aucun superlatif ne peut exprimer ce que ressentent les ressortissants de la préfecture de Mali du fait de l’arrêt du chantier. L’entreprise Petroman Ingénierie en charge des travaux a arrêté le chantier à mi-chemin faute de moyens. Aucun contrat n’aurait été signé avec le ministère des TP. Le peu qui est fait a été financé par l’entreprise. Les piliers du pont sont faits, il ne reste qu’à couler la dalle. La manne promise étant indisponible, l’entrepreneur a mis fin aux travaux. Dans ce micmac, c’est la population de Mali qui en paie les frais. Tout le monde se souvient du drame survenu à Linsan l’an passé. Il se passe le même à Mbagou. Si à Linsan il y a là une localité, boutiques, magasins, où manger et se reposer en attendant de passer pour ceux qui venaient de Cona-cris, à Mbagou il n’y a rien. La consigne de sécurité est donnée dès le départ dans les gares routières. Pains, sardines, eau au moins.
Arrivés à Mbagou, les véhicules se placent par ordre d’arrivée. Les 4×4 et les camions traversent plus facilement que les autres catégories telles que les Minibus, Peugeot 505 ou Renault 21. Donc on leur cède le passage à condition qu’ils tirent deux à trois véhicules. La règle s’applique des deux côtés de la rive. Toute une corvée.
Si le colosse remplit son contrat, il peut s’en aller. La corvée reprend pour les autres. Les véhicules sont tirés par des gaillards que les chauffeurs paient des milliers de francs guinéens. Les prix sont fixés à la tête du client, 50 000 ou plus. Les motos sont transportées par les mêmes gaillards à 15 000, les personnes sans bagages à 5 000. Si tu n’as pas ce montant, tu te jettes à l’eau. A tes risques et périls. Les courants sont si forts qu’on a l’impression que quelqu’un t’attire vers le fond. Mais avant de te lancer, de « bons samaritains » plantés là donnent gracieusement quelques conseils, pour profiter au mieux de la traversée : ne pas regarder l’eau, mais l’autre rive, ne pas soulever les pieds mais les trainer, ne pas avancer à grands pas, en cas de chute s’accrocher à un bloc de pierre, ne pas céder à la panique, ne pas essayer de rattraper un objet perdu… Et généralement ça marche.
Si vous traversez, vous attendez votre véhicule. Pour la plupart des véhicules, le capot est immergé. La consigne est de tout faire pour ne pas arrêter le moteur. Sinon, il prend l’eau et bonjour les dégâts.
Lueur d’espoir
Après les protestations et les indignations, le ministère des TP s’est dépêché de signer le contrat, avec Petroman Ingénierie, confie le préfet de Mali, Harouna Souaré. Joint au téléphone, l’entrepreneur, M. Touré n’a pas voulu commenter. Si M. Noba le directeur technique de l’entreprise a confié que les travaux reprendront ce jeudi 1er août 2019, lui non plus n’a pas confirmé la signature du contrat : « Je ne parle pas de la signature ou non d’un contrat, cela relève de l’administration de l’entreprise ». Sur la réouverture du chantier, il a confié qu’il est en route Yembéring. Tous les matériaux sont sur place. En attendant, « on va améliorer la déviation pour faciliter le passage des engins avant la mise en service du pont. Nous assurerons le passage à tout engin ».
Cependant, les populations de mali pourraient attendre près d’un mois et demi avant de voir le pont mis en service. « Quand on va couler la dalle, cela va nous prendre peut-être 2 semaines. Mais après, il faut attendre encore 28 jours avant de l’utiliser. On ne doit pas charger le pont avant expiration de ce délai sinon, il ne va pas tenir longtemps. Si vous avez un pied cassé et qu’on a mis le plâtre, cela ne signifie pas que vous êtes en état de marcher ». Il demande aux usagers de respecter ce délai, et de comprendre qu’un pont n’est pas comme une passerelle.
Du groupe de jeunes qui ont fait de cette galère leur business, il les accuse d’avoir contribué à dégrader davantage la déviation et a promis de les chasser dès son arrivée. Mais le mal est déjà fait.
Oumar Tély Diallo