Les deux organisations de défense des droits de l’homme ont dénoncé, ce jeudi 4 juillet 2019, une nouvelle loi qui met les membres des forces de l’ordre encore plus à l’abri de poursuites judiciaires lors d’opérations de maintien d’ordre. Le texte, relatif à l’usage des armes par la gendarmerie, a été voté par l’Assemblée nationale de Guinée le 25 juin dernier. Cette loi établit plusieurs justifications de l’usage de la force, notamment pour défendre des positions occupées par les gendarmes mais le texte ne souligne pas clairement que les armes à feu ne peuvent être utilisées que lorsqu’il existe une menace de mort ou de grave blessure.
Le prési Alpha Grimpeur ne devrait pas promulguer cette loi qui réduit les restrictions aux gendarmes quant à l’usage de leurs armes, en les mettant à l’abri de toute éventuelle poursuite judiciaire, ont déclaré conjointement Human Rights Watch et Amnesty International. « Le président Alpha Condé devrait inviter l’Assemblée nationale à réviser cette loi, afin de la mettre en conformité avec les obligations de la Guinée aux termes du droit international et du droit africain en matière de droits humains ». Surtout que les forces de sécu guinéennes sont réputées pour leur usage « excessif » de la force lors des manifestations de rue, qui elles-mêmes souvent violentes. La note explicative qui accompagne la loi souligne une nécessité de protéger les gendarmes qui ont recours à la force contre des poursuites en justice revanchardes, ce qui suscite des inquiétudes sur la possibilité que la loi puisse être invoquée pour empêcher la supervision des responsables de l’application des lois par le système judiciaire.
« Alors que la tension politique monte à l’approche de l’élection présidentielle de 2020, la dernière chose dont la Guinée a besoin est une loi aux termes vagues qui semble donner aux gendarmes le pouvoir discrétionnaire de décider de recourir à la force létale », souligne Corinne Dufka, directrice pour l’Afrique de l’Ouest à Human Rights Watch.
Aladji Cellou, Directeur de l’information et des relations publiques des forces armées guinéennes, a affirmé à Human Rights Watch que la loi était « nécessaire pour fournir davantage de directives sur les circonstances dans lesquelles les gendarmes sont habilités à recourir à la force, en particulier compte tenu de la menace croissante de terrorisme à laquelle la Guinée est confrontée. La notice explicative qui accompagne la loi fait référence au terrorisme, mais souligne également que les forces de sécurité connaissent depuis un certain temps des moments marqués par des interventions intenses et répétées sans précédent », allusion apparente aux manifestations de rue.
« Alors qu’approche l’élection présidentielle de 2020, ce n’est pas le moment d’affaiblir les règles d’opération des forces de sécurité », a déclaré Francois Patuel, chercheur sur l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International. Le gouvernement guinéen, dit-il, devrait plutôt renforcer sa capacité à enquêter effectivement sur les allégations de mauvais comportements de la part de membres de ses forces de sécurité et à poursuivre leurs auteurs en justice.
Oumar Tély Diallo