Il n’a pas de boule rouge au nez. C’est un clown quand-même. Il est apparu un beau matin venant de nulle part. Il n’avait pas de canne mais il claudiquait à la manière de Charlot. Sur sa vielle veste élimée, se lisaient des slogans creux, artificiels comme les fleurs du même nom: «l’opposant historique!», «le premier président démocratiquement élu !», «le Mandela de la Guinée !».

Démocratiquement élu, mon œil ! 18% au premier tour ! Cinq mois entre deux tours ! Le fichier électoral ravagé par un incendie venu de nulle part ! Mais bon, passons !

Il ne portait pas de chapeau mais un immense édifice en carton-pâte. Un édifice en forme de temple du changement. On allait voir ce qu’on allait voir ! L’histoire allait s’accélérer, la géographie, changer de forme. Seulement, quand les portes du temple furent ouvertes, son plancher étaient couvert de poussière, son plafond, de toiles d’araignées. Le changement que ce monsieur nous apportait avait déjà changé; l’avenir qu’il nous proposait avait déjà viré au passé. On attendait des ponts nouveaux, des écoles nouvelles, des gestes nouveaux, des discours nouveaux. Mais, non ! Très vite, notre clown reprit à son compte, les vieux trucs et les tics de ses prédécesseurs. Ce qui fait que nous avons eu 5 présidents en un : la cruauté de Sékou Touré, la gabegie de Lansana Conté, l’hystérie de Dadis Camara, la sournoiserie de Sékouba Konaté plus ses propres travers et défauts, ce qui fait beaucoup pour un petit pays comme le nôtre.

Faut-il vraiment les citer, ses travers et défauts à lui ? Cela pourrait faire tout un livre ! Contentons-nous d’en citer deux ou trois, juste à titre indicatif. L’arrogance, la cupidité, cela saute aux yeux ! L’amateurisme, bien sûr ! Alpha Condé est un politicard ! Cela se sent à mille lieues que, comme Sékou Touré et Mugabe, cet homme ne comprend rien aux affaires de l’Etat. Allez, deux autres petits défauts en guise de rab: l’égoïsme, la rancune ! Comme Mugabe et Sékou Touré, cet homme peut utiliser tous les moyens de l’Etat pour vous démolir, à cause d’une offense que vous lui avez faite lorsqu’à sept ans, vous jouiez aux billes. Passons sur ses vieux réflexes tribalistes : «La Guinée appartient aux Malinkés, aux Soussous et aux Forestiers». Passons sur ses amitiés douteuses : François Soudan, Bernard Kouchner, Denis Sassou Nguesso, Jacob Zuma, Eduardo Dos Santos, Vincent Bolloré, l’ambassadrion Bregadze, etc.

Et voilà que cet homme qui ne nous a apporté que la misère et la haine, veut tripoter notre constitution pour s’octroyer un troisième mandat. Encore cinq ans d’Alpha Condé. Encore cinq ans de «tè mouna, yé mouna!». Encore cinq ans de pillage et de corruption ! Cinq ans de routes défoncées, cinq ans d’hôpitaux infestés de rats, d’écoles délabrées ! Cinq ans de mensonges et de démagogie, d’injustice et de ségrégation !

Amoulanfé !

Et voilà que cet homme que tous les démocrates du monde avaient soutenu quand les sbires de Lansana Conté (ironie, du sort, ce sont ses ministres, au- jourd’hui !) l’emprisonnaient et tiraient à vue sur ses partisans, fait encore pire que ses tortionnaires d’hier. Sous le règne de notre président-professeur (quel titre ridicule, mon dieu !), le manant est arrêté manu militari pour le moindre éternuement, les paisibles passants traqués, les opposants confinés chez eux comme au temps béni de Verwoerd. Les flics envahissent les quartiers et tirent sur tout ce qui bouge. Les Guinéens ne sont plus des citoyens, ils sont devenus des biches à abattre.

Reprends tes esprits Alpha, respecte la vie humaine, respecte la constitution de ton pays, retire ton fumeux projet de referendum, libère Sano, Bill de Sam, Koundouno et les autres !

Amoulanfé !

Alpha, tu n’es pas le plus fort ! Ne provoque pas le peuple de Guinée. Il t’en cuirait, je te le jure !

Tierno Monénembo