Lancées, le 21 novembre dernier, les opérations d’établissement et de révision des listes électorales se poursuivent dans la plupart des localités du pays. Mais depuis le lancement, le nombre de problèmes ne cessent d’aller crescendo. Après la grogne des agents recenseurs et des superviseurs suite à la modification de certaines clauses de leur contrat, c’est au tour des citoyens qui cherchent à se faire enrôler de trimer. A Conakry comme à l’intérieur du pays, les opérations sont fortement perturbées. C’est notamment le cas dans les communes de Ratoma et de Dubréka où l’on constate un fort déficit de kits de recensement. Sur les 34 quartiers de Ratoma par exemple, c’est dans une dizaine que le processus fonctionnerait normalement. « On ne parle même pas de manque, on parle d’absence totale. Cela fait 5 jours maintenant que les opérations tournent au ralenti. Tantôt ils disent que les fiches d’identification sont finies, tantôt les récépissés, tantôt c’est la machine qui a chauffé et qu’on doit éteindre. Tout est au ralenti. Dans certains quartiers même, le processus est à l’arrêt. Ces deux derniers jours, on démarche les commissaires qui avaient des machines défectueuses pour pouvoir travailler un peu. Mais cette opération est un chaos » dénonce un président de CAERLE de Ratoma. Dans des quartiers comme Sonfonia, Foula-madina ou encore Hamdallaye, c’est le même constat. Une à deux machines pour un quartier, si grand qu’il soit. Un situation planifiée, expliquent des citoyens, pour empêcher des militants de l’opposition de s’enrôler dans ses fiefs.

Dans la préfecture de Dubréka, les électeurs sont sur le qui-vive. Au quartier Curricula, les opérations n’ont pu démarrer que le 24 novembre, soit trois jours après le lancement officiel. Mais le calvaire des citoyens ne faisait que commencer. Curricula qui compte 5 secteurs et près de 5 000 habitants, n’a qu’une seule CAERLE. Une seule machine qui ne pourrait enrôler qu’une cinquantaine d’électeurs maximum par jour. Et pour y arriver, il faut avoir la chance de s’enregistrer deux ou trois jour plutôt. Ce centre, placé dans l’enceinte de la Gendarmerie de Keïtaya, le brouhaha est total. Les citoyens qui cherchent à se recenser depuis des jours, accusent les agents recenseurs et la cheffe du quartier d’enrôlement sélectif. « Je me suis fait enregistrer, mais je fais des va-et-vient depuis une semaine, je n’y arrive pas. Le chef de quartier crée toutes les conditions pour empêcher les gens de se recenser normalement. D’abord, elle sélectionne ses proches et tous ceux qu’elle connait. Elle s’arrête à la porte et dit qu’elle connait telle personne ou telle autre. Elle identifie les gens selon leurs noms de familles et rejette souvent ceux qu’elle estime être de l’opposition. C’est révoltant !», explique un candidat à l’enrôlement. Et le responsable d’un parti politique d’ajouter : « Les membres du quartier exercent un poids énorme sur les membres de la CAERLE. Ils sont partout et ceux qu’ils ne connaissent pas n’ont aucune chance de s’enrôler, alors qu’ils ne peuvent pas connaitre 5 000 personnes qui vivent dans un quartier ».

L’autre grief, le manque (volontaire ?) de récépissés et d’attestations de résidence. Sur le terrain, les agents recenseurs sont confrontés à un manque criard de récépissés. Une situation qui les amène à stopper les travaux pendant des heures voire des jours. Pour ce qui est des attestations de résidence délivrées par la CENI, des responsables de quartier auraient commencé à les revendre, notamment au quartier Curricula : « Nous avons bataillé pendant toute une journée qu’ils arrêtent », déclare un autre citoyen.

Contactée, la cheffe de quartier a refusé de répondre à ces allégations. Elle a tout de même pris le temps d’affirmer « qu’ils racontent ce qu’ils veulent moi je reste sereine ». Michel Kamano, président de cette CAERLE, rejette les accusations : « Celui qui vient ici à 4h ou 5h du matin n’est pas là pour se faire enrôler. Nous travaillons de 8h à 18h. Nous ne privilégions personne, les gens s’inscrivent dans une liste, c’est à avec cette liste que nous travaillons. Nous avons des difficultés comme tous les autres centres, mais il y a aussi beaucoup d’allégations ».

Au quartier Keïtaya, secteur 3, le centre se trouve carrément dans la cour de la cheffe de quartier. Dans la journée du dimanche, les citoyens ont voulu s’attaquer à la CAERLE, quand les agents ont affirmé qu’ils ne recenseront qu’une vingtaine de personnes. Dans le centre, les attestations de résidence sont vendues à 10 000 francs guinéens. Elle enregistre ceux qui doivent s’enrôler.

Yacine Diallo