Le Ministre des Travaux Publics, Moustapha Naïté, se retrouve, certainement malgré lui, dans une tempête devant sa piscine de Nongo. Il le dit lui-même dans une très longue déclaration qui inonde à présent bon nombre de réseaux sociaux. Extraits : « Depuis quelques heures, circulent sur Internet, des photos d’une maison en aménagement avec un texte d’accusation contre lequel je ferai, le moment venu, une action en justice.J’ai beaucoup réfléchi avant de décider de vous parler et d’évoquer le sujet publiquement. Je ne viens pas me justifier ni m’excuser de construire, pour moi et ma famille, une maison de mon idéal au prix de mes efforts. Je viens leur dire, à ceux qui se cachent derrière, qu’ils n’ont pas besoin de cela pour prendre ma place au Ministère des Travaux Publics.
Mes chers amis, cette maison est effectivement ma maison. Elle est en aménagement. Et tout comme ma famille, j’en suis fier et qu’Allah soit remercié !
Cette maison dont le gros œuvre du bâtiment principal était déjà réalisé, a été acquise en 2010 avant la prestation de serment du Président Alpha Condé via mon beau-père El Hadj Alseni Barry. Je le redis, le bâtiment principal était construit à l’état brut avant acquisition.
Cette maison, je l’ai acquise au prix de mon travail assidu et de nombreux sacrifices.
Depuis près de 10 ans, petit à petit, j’ai initié des travaux de rénovation, d’extension et d’aménagement sur le bâtiment existant et l’ensemble du terrain.
Peu à peu donc, j’investis mes fonds dans cette maison qui pour moi, est le fruit de tout l’effort et du sacrifice consenti depuis mon retour des Etats-Unis en 2002 avec la création de mon entreprise MouNa Group Technology en 2003.
Grâce à Dieu, MouNa Group Technology a grandi et continue de grandir en étant la seule entreprise locale, guinéenne, actionnaire de la GUILAB au même titre que les grandes multinationales de la place.
Depuis 2003 à ce jour, je vis avec ma famille, dans ma résidence contiguë à l’hôtel Palm Camayenne. En ma qualité de père de famille et au vu des efforts et sacrifices fournis, j’ai la responsabilité et le devoir de construire la maison idéale pour que ma famille puisse y vivre convenablement.
Depuis 2011, j’ai la confiance du Président de la République à des postes de responsabilités publiques. J’essaie de les assumer au mieux.Du Ministère de la Jeunesse entre 2014 et 2018 et depuis 2018, à la tête des travaux publics, les attaques se sont multipliées. Je vous épargne des détails…»

D’accord avec M. Moustapha Naïté, il peut nous épargner les détails. Il aurait même fallu économiser de l’espace pour répondre aux questions qui, malgré la longueur du texte, n’en finissent pas de persister. Pour plus d’un motif que le Ministre des Travaux Publics aura lui-même suscité. Il s’est décrit comme le Guinéen idéal, un parfait exemple de réussite. C’est largement suffisant pour faire des jaloux, entrainer commérage, diffamation et que sais-je encore ? Il a choisi d’écrire pour se justifier, c’est déjà beaucoup, mais nettement insuffisant. Compte tenu de l’ampleur des accusations et sa longévité ministérielle, il est tenu de justifier l’origine des fonds. Ce n’est pas lui, l’homme d’affaire, c’est son beau-père. Pour paraphraser Renouvier, on pourrait lui rappeler que l’homme d’affaire, c’est l’homme d’affaire ; le haut fonctionnaire, le haut fonctionnaire. Le premier brasse des fonds privés ; le second, ceux de l’Etat. Celui-ci, c’est vous, c’est moi, ce sont les autres là-bas. Toute manipulation, toute jalousie mises à part, le Guinéen lambda voudrait bien connaître si M. Naïté n’a pas mélangé les genres dans une Guinée où les contrôleurs ne courent pas les rues. Il faut prouver, mais alors prouver que « cette maison, je l’ai acquise au prix de mon travail assidu et de nombreux sacrifices.» Il a déjà perdu une excellente occasion de le faire, pour avoir omis de déclarer ses biens quand il est entré au Gouvernement. Mais, ce ne sera là qu’une bataille, non la guerre.

D’ailleurs, le fait est connu. Moustapha Naïté ne sera ni le premier ni le dernier haut cadre d’un État, surtout africain, à être accusé de détournements de fonds publics. En 1990, Alassane Ouattara, nouvellement nommé Premier Ministre de Félix Houphouët-Boigny de Côte d’Ivoire, a essuyé les foudres des mécontents, nombreux à l’époque, qu’il a trouvés sur place. La presse a étalé en manchettes, les documents notariés de la villa de quatre cent millions de francs CFA qu’il venait d’acheter. Avec un sang-froid remarquable, M. Ouattara a convoqué une conférence de presse pour prouver qu’il avait tiré de sa poche les quatre cent millions CFA que la villa a coûté et qu’il allait encore en tirer quatre cent autres millions pour la rénover. Tout cela, dit-il « pour éviter que la Côte d’Ivoire ne se saigne pour loger son nouveau Premier Ministre. Parce qu’il est de notoriété publique que la crise économique frappe déjà à nos portes. » Le chapitre a été clos sans incident.

A Naïté de jouer, que dis-je d’agir ! Juste pour éviter une tempête dans sa propre piscine.

DS