A la fin de l’année 2016, le gouvernement guinéen, dans le cadre du PNDES, a réalisé avec le PNUD une « Evaluation de la Fragilité de la Guinée ». En se basant sur des critères universels en la matière déterminés par des TDR très précis. L’exercice avait abouti à des constats ayant donné lieu à des recommandations.

Extraits du Résumé exécutif. P. 7-10 du Document

  • «En matière de Politique légitime et inclusive (PSG1), il s’agit des sous-dimensions «Equilibre de l’Exécutif», et «Qualité et diversité des Organisations de la Société Civile»;

  • En matière de Politique de sécurité, les sous-dimensions «Surveillance civile et Responsabilité des institutions du secteur de la sécurité» et «Relation avec le système de sécurité et de justice » sont celles dans lesquelles des avancées sont notables ;

  • En matière de Justice (PSG 3), trois sous-dimensions sur neuf sont également en plein transformation. Ce sont : «Impunité de l’élite», «Codification, alignement et application des normes» et «Confiance des citoyens dans le système judiciaire»;

  • En matière de Fondements économiques (PSG 4), s’il y a quelques cas de résilience signalés notamment dans la sous-dimension «Distribution des ressources naturelles», ce PSG est encore en pleine phase de reconstruction;

  • En matière de Revenus et Services (PSG 5), en dehors de la sous-dimension «Accès et bonne distribution des services» qui a connu quelques avancées, l’ensemble du PSG demeure en pleine reconstruction.

Globalement, l’examen du spectre de fragilité de la Guinée révèle que le PSG3 (Justice) est celui qui a enregistré le plus de progrès. Il est en phase de Stabilisation. Ces progrès indiquent que les réformes de la Justice ont abouti à faire de la Guinée une démocratie où la séparation des Pouvoirs est devenue une réalité.
L’analyse de la fragilité révèle l’existence de causes profondes et de facteurs communs de fragilité ayant marqué l’évolution de la Guinée au cours des années qui ont suivi l’accession du pays à l’indépendance et qui restent aujourd’hui des causes et des facteurs sur lesquels il est indispensable d’agir pour permettre d’emprunter le chemin de la résilience.
Un classement par fréquence de ces causes et facteurs permet d’identifier la faible application ou la non application, voire même la violation des textes de lois et des mécanismes et procédures comme premier facteur de fragilité en Guinée.
Le deuxième facteur de fragilité observé pendant l’évaluation est la faiblesse des capacités à tous les niveaux : faiblesse des capacités des agents de la sécurité, faiblesse des capacités du personnel judiciaire, faiblesse des capacités des cadres chargés de la mobilisation des ressources publiques ou de l’exécution des projets, faiblesse des capacités des ressources humaines versées par les institutions de formation sur le marché de l’emploi, et manque d’expertise technique dans de nombreux domaines.
La corruption et l’impunité constituent le troisième groupe de facteurs importants de fragilité en Guinée. La corruption et l’impunité touchent tous les secteurs et en particulier les conditions et institutions de sécurité et de justice, la gestion des ressources publiques, notamment la collecte des impôts et taxes, la gestion des services publics ainsi que des ressources naturelles.
Un autre groupe de facteurs de fragilité d’égale importance que la corruption et l’impunité est constitué de facteurs économiques dont notamment : la faiblesse de la base fiscale imputable au caractère informel de l’activité économique en Guinée et au faible développement du secteur privé handicapé lui-même par les conditions d’accompagnement pas très favorables, le faible dynamisme des autres secteurs de croissance qui handicape aussi l’emploi, particulièrement l’emploi des jeunes.
La Guinée connaît aussi une situation de blocage dans le dialogue politique et des divergences permanentes entre acteurs politiques dans la gestion des affaires publiques du pays. Les acteurs politiques n’ont pas encore cette culture de recours aux institutions pour régler leurs différends : soit qu’ils n’ont pas confiance en ces institutions, soit qu’ils manquent de confiance réciproque.
Des inégalités/marginalisations sont observées qui touchent en particulier les femmes à cause des pesanteurs socioculturelles ou certaines couches socio-professionnelles dans la représentation au sein des institutions de l’Etat ou certains groupes ethniques ou régionaux dans l’accès à l’embauche. Ces inégalités sont des facteurs importants de fragilité à considérer.
Enfin, un certain manque de civisme est observé dans le comportement des Guinéens quand il s’agit du respect du bien public, du recours/application de la justice (certains ont tendance à se rendre justice eux-mêmes), du paiement des impôts et taxes, de la bonne gestion et utilisation des services publics en général et des services sociaux de base en particulier.
L’ensemble de ces facteurs de fragilité identifiés et leurs causes profondes devront être traités si l’on veut engager la Guinée dans la voie de la transition vers la résilience.
Les sous-dimensions du PSG4 (Fondements économiques) ci-après constituent des sources principales préoccupations pour la Guinée:

  • Base des ressources et infrastructures;

  • Economie informelle et illicite;

  • Inégalité;

  • Accès aux opportunités/ distribution;

  • Création d’un environnement favorable au développement du secteur privé;

  • Quantité et qualité du développement du secteur privé;

  • Cadre réglementaire pour la gestion des ressources naturelles;

  • Capacité pour la gestion des ressources naturelles et l’application des contrats;

  • Performance de la gestion des ressources naturelles.

En outre, le PSG5 (Revenus et services) mérite également un regard prioritaire, notamment en ce qui concerne:

  • Les conditions pour la collecte de l’impôt et des droits de douane;

  • La politique fiscale;

  • La reddition de comptes, transparence et intégrité dans la fonction publique;

  • Les ressources, compétences et installations adéquates pour la fourniture de services.

Viennent ensuite des sous-dimensions et des dimensions des PSG suivants qui sont situées dans la phase de reconstruction:

  • PSG 1 : Processus de paix et dialogue politique, Accord sur la division du pouvoir/Lutte pour le pouvoir, Présence territoriale de l’Etat (relations centre-périphérie), Environnement propice à la participation politique, Représentation inclusive dans les institutions d’Etat, Equilibre de l’exécutif, Relations parmi les groupes et Processus pour la réconciliation et la résolution des conflits

  • PSG 2 : Intensité de la violence, Fréquence de la déstabilisation transfrontalière et Réactivité des institutions du secteur de la sécurité

  • PSG 3 : Accès juste et égal à la justice, Relation entre les systèmes de justice traditionnelle et formelle, ainsi que Ressources et compétences adéquates des institutions judiciaires.

Sept catégories de recommandations majeures ont été tirées de l’exercice, qui doivent être adressées de façon intégrée car elles ont un impact sur les 5 PSG du New Deal. Il s’agit de:

  1. Renforcer les capacités en ressources humaines (voire même créer des capacités) à tous les niveaux;

  2. Assurer une meilleure connaissance des textes et leur application de façon que chaque Guinéen à son poste de travail considère les autres Guinéens comme des clients à satisfaire;

  3. Poursuivre et intensifier la lutte contre la corruption et l’impunité qui décourage tout investisseur voulant s’installer et travailler en Guinée et qui prive l’Etat des ressources nécessaires pour le développement du pays;

  4. Relancer la croissance économique et réduire la précarité par une offre suffisante d’opportunités d’emplois et de revenus à travers la diversification des sources de croissance, la création de conditions de développement du secteur privé en agissant en particulier sur les coûts des facteurs;

  5. Relancer le dialogue politique et la résolution des divergences politiques récurrentes dans la gestion politique et du développement économique et social du pays;

  6. Assurer l’éducation civique des citoyens afin de garantir le respect du bien public, le recours/application de la justice, le paiement des impôts et taxes, la bonne gestion et utilisation des services publics en général et des services sociaux de base en particulier;

  7. Garantir une reconnaissance des droits de chacun et de tous sans discrimination, à une représentation équitable dans les institutions, à vivre dans un environnement de sécurité, à une justice équitable, à des conditions de vie décentes et à un accès équitable aux services sociaux de base.»

Bah Mamadou Lamine