Le 25 mai à Minneapolis, aux Etats Unis, un certain George Floyd a été atrocement assassiné par étouffement, sous les bottes d’un agent de police nommé Derek Chauvin. Assisté de trois de ses complices apparemment sains d’esprit. La scène a été filmée. Les images, abondamment distribuées sur les réseaux sociaux à travers tout le pays de l’Oncle Sam. Ce qui devait arriver arriva.

La vidéo s’est mise à renvoyer la face grimaçante de l’Amérique, dans toute sa nudité, dans toute sa laideur et paradoxalement, dans toute sa grandeur. Et les questions de fuser de partout, instantanément : « Peut-on tuer un être humain de cette façon-là ? Un agent de police, fût-il blanc, peut-il, les mains dans les poches, étouffer à mort, un suspect, même noir, qu’il est censé interpeller ? Un suspect noir, interpellé de la sorte, appartient-il encore au genre humain ? Un suspect noir américain, traité de cette manière, est-il américain ..?

Les premières réponses sont venues de l’Amérique elle-même, des noirs-américains, des fameux américains-noirs, des afro-américains, ces africains-américains de Stockly Karl…Michaël. Ça aurait bien dû être Stockly Karl Marx, on n’en mourrait pas ! Tout le monde s’accorde pour montrer que George Floyd est un être humain. Un Américain. Un noir américain. Un américain noir. L’Amérique blanche est unanime que Floyd est américain. Qu’il est noir américain. C’est un être humain que Derek Chauvin a tué. Finalement, toute l’Amérique se lève comme un seul homme, le Président controversé presque excepté, pour bourdonner, bouillonner, crier non pas vengeance, mais justice. C’est là aussi la grandeur de l’Amérique. Indéniable !

La justice arrive au galop. « Escortée de démocratie. Responsabilité suivait d’un pas grave,» pour parler comme Djibril Niane Tamsir. Aucun chauvinisme n’autorise Derek à tuer Floyd impunément. Rien ne lui permet de mettre sa godasse de bidasse à la gorge de George pendant presque neuf minutes et s’en tirer à bon compte. Il est inculpé d’assassinat, en même temps que ses trois complices de flics, par le Procureur Keith Ellison. Ils n’ont peut-être pas fini d’être inculpés pour au moins deux raisons. La première, Floyd et Chauvin se connaissaient parfaitement. Voilà qui change tout. On est certainement devant un meurtre prémédité. La seconde raison semble encore plus solide. Inhumé le 9 juin à Houston, au Texas, Floyd est aujourd’hui lavé de tout soupçon d’avoir voulu écouler un faux billet de 20 dollars.

C’est toute l’Amérique qui crie au scandale, du Nord au Sud, d’Est à l’Ouest. Le Canada entre dans la danse. Suivi de très près par l’Australie, la Nouvelle Zélande, l’Amérique Latine, l’Europe Occidentale. La France en profite pour faire remonter à la surface l’affaire Traoré, quasi identique qui avait défrayé la chronique depuis deux ans. Partout la violence policière est sur la sellette. Sauf en Afrique. En Afrique noire. Paradoxalement. L’Afrique, mon Afrique, l’Afrique des savanes ancestrales de David Diop, l’Afrique, fière et jeune, de la Guinée indépendante a préféré la fermer comme une carpe.

Ce vaste continent noir n’a connu de marches de protestation qu’en Tunisie, peuplée d’Arabes, souvent taxés de racistes. Originaires de Sfax, levez la main ! L’Egypte n’a pas bronché le moindre chichi. Nasser est libre de se retourner dans sa tombe. Tiens, l’on a protesté en Afrique du Sud, le berceau de l’Apartheid ! Originaires de Soweto et de Sebokeng, s’abstenir ! Ado au mur, le Ghana du président Akufor a balancé une petite note de protestation en direction de Washington. Quelle audace !

Il n’a pas dû consulter beaucoup de ses homologues de la sous-région avant de prendre la décision. Ils lui auraient carrément dit que noir peut ne pas être noir dans les circonstances actuelles. On lui aurait même recommandé la prudence et la solidarité de corps. D’autant plus que plus d’une capitale africaine use des mêmes méthodes que Chauvin pour cadrer les avancées démocratiques dans leurs pays respectifs. Sûr que Bafoé ne dira pas le contraire. Les axes du mal ne se gèrent pas avec des agneaux dans la police.

Diallo Souleymane