Alpha Condé s’est obstiné à changer la Constitution du 7 mai 2010 par un projet taillé sur mesure et, selon la CENI et la Cour constitutionnelle, adopté par plus de 90 % des Guinéens. Cette « nouvelle Constitution » a été changée à son tour par un texte sorti de nulle part, promulgué, publié au Journal officiel et qui a surtout plongé la Guinée dans une impasse.

Même si Alpha Condé n’a pas l’habitude de s’encombrer de forme, la nouvelle Constitution est en passe de devenir pour lui un problème sans fin. Elle était censée, selon ses promoteurs, résoudre tous les problèmes de la Guinée et des Guinéens : impulser le développement économique et surtout améliorer la gouvernance politique par la légitimation des lois et des pouvoirs institutionnels. Que nenni !

Depuis quelques jours, la version de la nouvelle Constitution publiée au Journal officiel fait la risée de l’opinion publique. Elle est passée au crible par les juristes depuis que l’avocat, Pépé Antoine Lamah, en a décelé des différences fondamentales, loin d’être des erreurs anodines, tendant, comme par hasard, à accroître les pouvoirs déjà jugés exorbitants du président de la République et de son gouvernement. Là où la mouture, adoptée au forceps, devait rendre le pouvoir à son propriétaire naturel : le peuple. Ainsi, c’est à se demander à quoi aura servi la consultation référendaire du 22 mars dernier.

Alpha Condé veut tout le pouvoir

Depuis l’arrivée au pouvoir de celui qui s’est battu, un demi-siècle durant, pour la démocratie et les libertés, celles-ci se retrouvent constamment menacées. Le paradoxe ! Au jour le jour, les droits des Guinéens se réduisent comme peau de chagrin : refus d’agréer des partis politiques; arrestations et emprisonnement pour des délits d’opinion, sans procès ; justice sélective ; liberté de la presse menacée…Désormais, les Guinéens jouissent de leurs droits avec la permission du chef !
Alpha Condé n’a jamais fait mystère de ses véritables intentions. Il avait déjà annoncé les couleurs dans le projet de nouvelle Constitution : mandat présidentiel passé de cinq à six ans, renouvelable à vie ; désignation du président de la Cour constitutionnelle pour éviter à l’avenir les contraintes auxquelles feu Kèlèfa Sall l’avait soumis, entre autres. Opposant, Alpha Condé voulait le pouvoir. Président depuis une décennie, il le veut pour lui seul ! Montesquieu ne nous avait-il pas suffisamment prévenus ?

Poursuites pénales

Au lendemain du fameux référendum du 22 mars, le chef de l’Etat s’est rendu compte que sa nouvelle Constitution ne le rendait pas assez fort. Il a dû corriger « l’erreur» par un sacré bricolage : au total, 21 dispositions du texte soumis au référendum ont été retouchées entre sa promulgation et sa publication au Journal officiel de la République ! Les droits et libertés des Guinéens ont été réduits,  les pouvoirs de l’Exécutif, accrus.
Cet acte de falsification tombe sous le coup de l’article 585 du code pénal qui dispose : « Constitue un faux, toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d’expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques ».
L’article suivant du même code renchérit : « Tout fonctionnaire ou officier public qui, dans l’exercice de ses fonctions, commet ou tente de commettre un faux par l’un des modes énumérés à l’article précédent, est puni d’un emprisonnement de 3 à 10 ans et d’une amende de 1.000.000 à 10.000.000 de francs guinéens ou de l’une de ces deux peines seulement ».

Vide constitutionnel

Outre les conséquences pénales pour ses auteurs et commanditaires, cette falsification a une portée vis-à-vis du peuple au nom duquel, pour lequel et contre lequel on a agi : le vide constitutionnel. Même si le FNDC souscrivait au troc proposé par le très inspiré président de l’INIDH, Alia Diaby, qui consiste à reconnaître la nouvelle Constitution contre la libération de ses militants, on serait dans une impasse inextricable. Le texte constitutionnel, supposé avoir été approuvé par le peuple lors du référendum du 22 mars, n’est pas celui qui est promulgué par Alpha Condé et entré en vigueur. Tel un prestidigitateur qui met un mouchoir dans sa poche pour en sortir une colombe. Celui qui a obtenu un « Oui à 91 % » n’est ni promulgué ni publié. Il ne saurait donc s’appliquer. Celui qui l’a été n’a pas été soumis au référendum. Manquement que les sirènes révisionnistes reprochaient à la Constitution du 7 mai 2010 qui, au moins, avait été écrite et adoptée par un CNT composé de toutes les sensibilités sociopolitiques. Et non concoctée par un groupe de personnes qui refusent encore de sortir de l’ombre et répondre à l’avalanche de critiques soulevées.

Diawo Labboyah Barry