Les présidentielles promesses non tenues font boomerang. Après les manifs de Kankan contre le manque de courant électrique, c’est Siguiri, autre fief traditionnel du chef de l’Etat, qui broie du noir contre l’obscurité. A Kankan, on réclame l’électrification de la ville. Là, les jeunes qui ont toujours défendu bec et ongles le RPG, vont un peu plus loin, ils dénoncent toutes les « promesses non tenues d’Alpha Condé » au pouvoir depuis 2010. Le 14 juillet, des centaines de juniors ont défilé à travers la ville pour exiger eau, courant, routes et autres infrastructures, toutes choses qui manquent à Siguiri. Cette manifestation est l’initiative du mouvement ‘’Siguiri avant tout’’. Les jeunes ont commencé à se faire entendre la nuit du lundi, tandis qu’un jeune se réclamant du mouvement prenait sur lui d’annoncer à la radio rurale que la manif n’avait pas lieu. La marche démarrée peu avant 9h, est partie du quartier Kourakoro 2 pour Fodéba Keïta. Un défilé paisible scandé de slogans hostiles au pouvoir en place : ‘’Pas de courant, pas d’eau’’ ; ‘’Pas de 3e mandat’’ ; ‘’ A bas le 3e mandat’’ ; ‘’Plus de RPG à Siguiri’’. Cheick Sidiki Bérété, le haut-parleur du mouvement : « Les gens sont sortis massivement. Ils ont fait sortir tous les corps, des gendarmes, des policiers et des militaires. Nous avons réclamé nos droits. Nous avons réitéré que si nous n’avons pas de courant, d’eau, de routes, il n’y aura pas de 3e mandat. Pendant 10 ans, Siguiri n’a bénéficié d’aucune infrastructure majeure. Ils sauront que nous avons ouvert les yeux ». Les manifestants ont été stoppés net à la gare routière Combada par un groupe de contremanifestants. S’en suivent des heurts : « Ce sont des gens qui ont été armés par des cadres de Siguiri tapis dans l’ombre à Conakry qui ne veulent pas que la manifestation ait lieu. Ils ont des couteaux, des gourdins et d’autres armes. Nous avons enregistré plusieurs blessés. Des téléphones et des motos ont été emportés » assure un autre meneur de la manifestation.

Les forces de l’ordre ont profité de cette altercation pour disperser les manifestants. Pierres contre gaz lacrymogène. Au moins quatre sont interpellés, disent les organisateurs.

Le clan présidentiel a tout fait pour empêcher la manifestation du juillet. La veille, préfet, imams, Sotikèmo, directeur préfectoral de la jeunesse et Djély Tomba, réunis au bloc administratif de Siguiri n’avaient pu faire fléchir les jeunes. Jusqu’aux chefs des forces de défense et de sécurité se seraient impliqués. Cheick Sidiki Bérété n’en démord pas : « Ils ont réussi à débaucher deux de nos éléments. Ils sont allés dire à la radio que la manifestation est reportée pour deux semaines. C’est vrai qu’on a parlé avec le Sotikèmo, le grand imam, les commandants de la gendarmerie, de la police et du camp hier soir. Nous leur avons dit que nous ne pouvons pas continuer à accepter l’inacceptable. Les manifestations vont se poursuivre la semaine prochaine ». Au moment où nous écrivions ces lignes, un calme précaire régnait à Siguiri.

Yacine Diallo