C’est finalement le 3 juillet que les dépouilles mortelles des huit jeunes guinéens, tombés à Cona-crime entre janvier et mars sous les balles des forces de l’ordre lors des manifs du FNDC, ont rejoint leur dernière demeure au cimetière de Bambéto. Les corps avaient été bloqués à la morgue du CHU Ignace Deen. Le FNDC avait fait des mains et des pieds pour récupérer les corps de ces jeunes pour les enterrer. Sans succès. Le goubernement brandissant son argument favori des autopsies sur les corps pour justifier la confiscation. Les familles des victimes sont restées dans le chagrin jusqu’à ce que certains aient décidé d’évoquer publiquement le problème. Le pouvoir-grimpeur s’est alors empressé d’affirmer que les corps sont disponibles. Les autopsies étaient déjà terminées depuis des mois. Ils ont tenté, à travers le mystère de la Citoyenneté et de l’Unité nationale, ainsi que le parquet, de restituer directement les corps aux différentes familles, cela n’a pas prospéré. Ils se sont résolus à les laisser faire comme ils le souhaitent.
Ce vendredi 3 juillet, parents, ami des victimes et membres du FNDC se sont retrouvés à la morgue de l’hôpital de l’Amitié Sino-guinéen pour rendre un ultime hommage à Ibrahima Diallo, Ousmane Barry, Mamadou Hafiziou Diallo, Souleymane Barry, Idrissa Barry, Mamadou Baïlo Diallo, Mamadou Saïdou Bah et Mamadou Issa Bah. Les 8 corps, couverts du drapeau guinéen, ont été exposés devant la morgue de l’hôpital. L’émotion était vive : «J’ai enfin pu retrouver le corps de mon fils unique, je suis soulagée. Je lui pardonne et demande à Dieu de pardonner ses péchés. Mais, je ne pardonnerai jamais à ceux qui ont tué mon fils, je ne leur pardonnerai jamais. C’est ce seul fils que Dieu m’avait donné, donc que ceux qui ont fait ça sachent qu’ils répondront devant Dieu. Le gouvernement ne peut pas dire qu’il ne sait pas comment cela s’est passé. Mais je les attends devant Dieu», déclare Mariama Diouldé Bah, mère de Mamadou Saïdou Bah.
A 11h, le cortège funéraire a pris la direction du cimetière de Bambéto, Doux-Rat Sanoh et la Petite Cellule Dalein Diallo en tête, accompagnés de centaines personnes. Des slogans : ‘’Alpha zéro’’, ‘’Alpha assassin’’, ‘’Justice corrompue’’, ‘’ Policiers barbares ’’. Sur les banderoles, on pouvait lire : ’’Wo mou birin fakha, kono à Amoulanfé’’, en Soussou : ‘’Tuez nous tous, mais ça ne passera pas ‘’ ; ‘’Alpha règne, mais la liberté saigne’’. Tout le long du cortège, aucun incident majeur. Les flics du commissariat central de Kaporo, les agents de la BAC et de la BRB ont décidé cette fois-ci de se mettre en retrait ou de fermer carrément.
La Petite Cellule Dalein Diallo dénonce l’impunité garantie aux auteurs de ces crimes : «Je suis triste pour mon pays. Lorsqu’on sait que depuis qu’Alpha Condé est là, on a enterré 194 personnes. Des jeunes, pour la plupart, qui ont moins de 20 ans. Ils n’ont pas la compassion du gouvernement, à plus forte raison la justice. C’est plus que ce qui s’est passé au stade du 28 septembre en 2009 où il y a eu 157 morts. Aujourd’hui, nous sommes à près de 200 jeunes… Alpha Condé qui est censé être le Président de la République, a préféré garantir l’impunité aux criminels. La Guinée a besoin de réconciliation, mais il faut qu’on connaisse la vérité. Il faut qu’on lise les pages sombres de l’histoire».
Doux-Rat Sanoh, coordinateur du FNDC, lui, appelle à poursuivre le combat pour une Guinée libre : «Nous sommes là dans un état d’esprit de pure révolte pour dénoncer et rejeter la barbarie qui sévit dans notre pays. Ces jeunes sont des martyrs de la démocratie, des personnes arrachées à l’affection de leurs familles juste parce qu’ils exprimaient leur droit naturel… Cela est révoltant et indigne de tout pouvoir. Ce n’est pas le moment de pleurer, les vies de ces jeunes ont été sacrifiées pour que nous, nous vivions dans la dignité et dans la légalité. Ce que nous vivons aujourd’hui doit nous amener à lutter davantage. Il faut qu’Alpha Condé comprenne que la Guinée n’est pas sa propriété privée. Nous devons tenir bon pour que leurs âmes reposent en paix».
Après l’inhumation, des accrochages ont éclaté entre jeunes et farces de l’ordre. Jusqu’en fin de soirée, des tirs retentissaient dans les quartiers de Hamdallaye et de Bambéto. Trois personnes touchées dans ces affrontements ont été admises dans une clinique de la place.

Yacine Diallo