Le Président-Grimpeur se serait beaucoup battu pour la liberté, la dignité, la justice et l’égalité en Afrique. Il en a été largement récompensé par cette Afrique-là, puisque c’est en partie elle qui l’a installé au pouvoir. L’ancien patron de l’Union Africaine, Jean Ping, ne l’a-t-il pas dit à haute voix ? L’ancien patron de la CENI d’alors, le Général malien, Toumany Sangaré, n’a pas encore définitivement ouvert son cœur. Sûr qu’il ne sera pas en mesure de contredire le féanfiste gabonais, le souhaiterait-il. L’évidence crève les yeux.

Les fruits des quarante ans de combat de notre ancien opposant historique ne sont pas visibles à l’œil nu. S’il s’est battu pour la dignité des Guinéens, c’est raté. On ne saurait vivre dans une gouvernance de honte dans « la dignité recouvrée.» A la limite, on pourrait reconnaître qu’en la matière, Alpha vient de loin. Il s’est certainement inspiré de la dignité du pauvre que Sékou a chantée, pour peaufiner sa propre stratégie de politicien-trompeur. La liberté ? Il l’a confisquée. En tirant la démocratie vers le bas, il a réussi à monter en épingle son petit clan de prédateurs pour lesquels tout est permis. L’égalité ? Un leurre ! Il lui a tordu le bras pour morceler un pays sans État et en faire une charrette à trois roues qui échappe totalement au sens. La justice ? Il s’en sert à merveille pour l’empêcher de fonctionner. Tout le pays en a ras l’obole. L’égalité ? C’est là qu’il a excellé. C’est là qu’il excelle. Nous allons y rester un moment parce que le concept a fini par faire de l’ancien opposant historique un président tout risque.

Sous Alpha Condé, les Guinéens ne sont plus égaux, même devant la mort. Ce n’est pas pour rien que dans Les animaux de la ferme, George Orwell a fait dire à Squealer que « Tous les hommes sont égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres. » Alpha a opéré un tri qu’il a perfectionné à merveille dans la distribution des larmes et des deuils à travers le pays. Il est allé jusqu’à inciter à nuancer les propos de David Diop pour le cas de la Guinée : « Les morts ne sont pas morts » selon qu’ils viennent de l’est, de l’ouest, du nord ou du sud du pays. Si tu veux mourir de balles réelles, exerce ton droit constitutionnel sur l’Axe du Mal. Tu n’auras le temps de connaitre ni la nature ni l’auteur du mal. Les générations futures s’en chargeront. Si tu ne veux voir des êtres chers ensevelis nuitamment dans des fosses communes, dissuade-les d’organiser « des manifestations pacifiques » à N’Zérékoré. On en meurt plus facilement à Bambéto, Cosa, Wanindra, Labé, Pita, Zogota…que partout ailleurs dans le pays.

Les cadavres, non plus, n’ont pas droit au même traitement dans nos morgues. Par-ci, on les séquestre, par-là, on verse la dîme, accompagnée d’une petite larme rebelle. On distribue des gaz lacrymogènes à certaines familles éplorées en guise de condoléances. A d’autres, on glisse quelques petits millions de francs pour récupérer le sourire. Finalement, la lueur d’espoir est venue tout récemment des ténèbres de Kankan. Là, les dernières manifestations contre l’obscurité n’ont enregistré aucun mort. Les tueurs n’étaient pas sortis pour encadrer la marche. Naturellement. Qu’il en soit toujours ainsi !

DS