Le président biélorusse, Alexandre Loukachenko, réélu pour un sixième mandat à l’issue d’une élection frauduleuse, a trois fils et potentiels dauphins. Sa préférence va au plus jeune : Kolia.
Des trois, c’est le petit dernier qu’il préfère. Le dictateur biélorusse Alexandre Loukachenko, 65 ans, réélu avec 80 % des voix à l’issue de fraudes massives, s’épanche rarement sur ses fils. Mais son attitude en dit long sur les sentiments qu’il porte à sa progéniture.
Le petit dernier s’appelle Nikolaï, dit Kolia. Il a 16 ans et suit son père depuis son plus jeune âge dans tous ses déplacements. En avril, il allumait encore un cierge à ses côtés dans l’église de l’Annonciation, non loin de Minsk., la capitale. Costumé et soigneusement cravaté, le garçon affiche toujours un air las avec ses paupières basses et sa lèvre inférieure légèrement avancée. Il ne sourit pas. Sauf lorsqu’il pose avec les camarades de son équipe de hockey, le sport fétiche de son papa. Le reste du temps, il voyage. Et rencontre les grands de ce monde. On le voit aux côtés de Michelle et Barack Obama en marge d’une réunion de l’ONU ou au Vatican lorsque son père le présente au pape Benoît XVI puis à son successeur, le pape François. On le remarque aux côtés de Poutine lors de manœuvres militaires communes auxquelles assistent le chef du Kremlin et Loukachenko. Il figure aussi sur les photos officielles à la gauche du dirigeant chinois Xi Jinping et de sa femme. En février 2018, il s’assoit même devant un piano pour accompagner une chanteuse chinoise célébrant le Nouvel An. Ce jour-là, il tapote laborieusement les touches du clavier sans regarder la cantatrice qui dessine des vagues avec ses mains.
Des trois rejetons, Nikolaï est le seul blond. Sa mère, il est vrai, est une ancienne maîtresse et l’ancien médecin personnel de Loukachenko. Elle a beaucoup lutté pour obtenir la garde de son enfant. En vain. Loukachenko lui a concédé le droit de le voir le dimanche. Les deux autres fils, Viktor et Dmitri, sont nés d’une liaison légitime : le mariage de Loukachenko avec Galina Zhelnerovitch, une ancienne camarade de classe. Aucune photo ne circule de la mère, séparée (mais non divorcée) du dictateur depuis 1994 et retournée vivre dans son village dans la région de Moguilev.

Un fils aîné « trop faible »

Viktor, 44 ans, moustachu, comme son père, et d’une ressemblance frappante, est celui qui occupe les plus hautes fonctions. Nommé en 2005 assistant chargé de la sécurité nationale puis, deux ans plus tard, membre du Conseil de sécurité, il opère au cœur de l’appareil répressif. Et s’emploie actuellement à mater la révolte née du scrutin frauduleux du 9 août. Son influence ne fait aucun doute dans un pays qui compte un agent des renseignements pour 750 habitants. Au point d’apparaître comme l’héritier que garderait en réserve Loukachenko.
Sauf que le père éprouve une confiance limitée à l’égard de son aîné. « Il est faible et le restera », a-t-il déclaré un jour. La valse des têtes au sommet des organes de sécurité, régulièrement décidée par Loukachenko, l’empêche d’asseoir son pouvoir. Au lendemain de la dernière élection présidentielle, il a même balayé l’état-major du KGB, le service de renseignements du pays, au grand dam du fiston qui y avait placé ses hommes.
Lorsqu’il n’emprisonne pas les opposants, Viktor enfourche sa Harley-Davidson, « plus qu’une passion, l’un des sens de sa vie », dit-il. Ou bien gère les ventes d’armes du pays. Ou encore s’occupe de politique sportive. Depuis l’an passé, il dirige le comité national olympique et rend visite aux athlètes biélorusses. C’est lui qui trinque en 2019 avec les footballeurs du Dinamo Brest, vainqueurs du championnat national. « Ces verres sont la vodka personnelle du président. Elle n’est à vendre nulle part », leur lance-t-il.

Un cadet dans les affaires

Le cadet Dmitri, lui, ne goûte pas à la politique et se contente de s’enrichir à travers les affaires. Parmi ses propriétés, des chaînes de supermarchés et des concessions Porsche. Il gère aussi le complexe sportif présidentiel destiné à l’organisation d’événements et représente parfois à l’étranger les intérêts de BelAZ, l’entreprise nationale de camions et de tracteurs. « Je me sens à la maison quand je suis dans la cabine d’un BelAZ », dit-il volontiers.
S’il avait à choisir un dauphin, Loukachenko opterait sûrement pour le plus jeune, Kolia. « C’est ma croix, mon talisman », a-t-il l’habitude de dire. En 2012, lors d’une visite au Venezuela, il n’avait pas pu s’empêcher de porter aux nues son fils, alors âgé de 8 ans, face à un Hugo Chavez prêt à tout entendre. « Voici quelqu’un qui pourra prendre le relais de notre coopération dans 20 ou 25 ans », avait-il fanfaronné.
Depuis, il s’emploie à étouffer la rumeur. « C’est absurde, lâche-t-il en 2015 à un journaliste russe, notre Constitution exige un âge minimal de 35 ans pour se présenter à l’élection présidentielle. Ça voudrait dire que je dois encore rester au pouvoir 20 années supplémentaires ? Je vous promets que je ne mourrai pas dans mon fauteuil présidentiel », martèle-t-il. Il est sans doute le seul à y croire.