Au plus fort de la révolution du PDG-RDA, Sékou Tyran se réveille un beau matin pour interdire toute forme de commerce en Guinée. Il met en place ce qu’il avait  appelé la police économique. Une milice qu’il avait chargée de réprimer tous ceux ou toutes celles qui ne se conformaient pas à sa diète. Cette « police » n’a pas fait dans la demi-mesure, le harcèlement et la répression auront été tels que des nounous se sont vues dans l’obligation de sortir de leurs gonds. Un après-midi du 27 août 1977, elles battent le pavé, notamment au marché de Madina, pour dénoncer les exactions et la tyrannie. 

Cette révolte des femmes, Dr. Mariama Djélo Barry, médecin, aujourd’hui à la retraite, ancien ministre des Affaires sociales, l’a vécue de près. 
« Moi, j’ai vécu le 27 août 1977. Ce jour-là, les manifestations ont commencé dans l’après-midi à partir du marché de Madina. C’étaient les conséquences prévisibles de l’interdiction du commerce sur l’ensemble du territoire. Une police économique veillait sur tout, elle confisquait toutes les marchandises des femmes. Il y a eu un accrochage entre un policier et une femme, une certaine Nabé de Banko, au marché de Madina à cause d’un paquet de sucre. Elle a perdu son pagne au cours de la bagarre. Cela a amené les femmes à se révolter. Elles ont répété « À bas la police économique« . Il y a eu un mouvement général, elles se sont dirigées vers la Présidence de la République. Elles ont été rejointes par toutes les personnes indisposées par l’absence du commerce » 

Sékou Tyran aurait d’abord envoyé son Premier Ministre, Lansana Béavogui, quand les nounous ont atterri à la présidence. Elles n’ont rien voulu entendre de ce dernier. C’est ainsi que Sékou lui-même était dans l’obligation de sortir rencontrer les manifestantes. « À bas la police économique ! À bas la police économique !’’ aurait-il crié pour calmer les femmes. Il leur a donné rendez-vous le lendemain, 28 août, au palais du peuple. Là, les choses se sont mal passées. 

« Les femmes sont allées avec des foulards et des chemises rouges. Lorsque Sékou a lancé ses slogans révolutionnaires,  les femmes n’ont pas répondu. Elles ont foncé vers la tribune, ils l’ont fait sortir, semble-t-il. Je dis,  semble-t-il, parce que, quand le cortège a démarré, on a ordonné de tirer sur les gens. Les semaines qui ont suivi étaient très difficiles. Comme la révolution savait le faire, elle a transformé cela en complot. Il y a eu beaucoup d’arrestations et des pertes en vies humaines ».

La répression, les arrestations les jours qui ont suivi la révolte du 27 août ont poussé cette dame à se battre pour la cause féminine après la mort de Sékou Touré, au point de convaincre, en 1985, Lansana Conté, alias Fory Coco et son CMRN (Comité militaire du redressement national) de faire de cette date la fête de la femme guinéenne.
« Lorsque la deuxième république est arrivée, j’ai eu en charge les Affaires sociales. J’ai estimé, pour la mémoire de ces femmes, qu’il fallait réhabiliter la date du 27 août. C’est comme ça que j’ai proposé au CMRN cette date, elle a été acceptée et célébrée. J’ai réhabilité le 8 mars qui avait été supprimée par la révolution comme fête internationale des femmes et le 27 août comme fête nationale des femmes ».

Aujourd’hui, les événements du 27 août sont pratiquement méconnus de la couche juvénile, celle féminine en particulier. Pour Dr. Mariama Djélo Barry, le 27 août reste dans les mémoires. « Ce qui comptait, c’est la revendication d’ordre économique, mais le 27 août n’est pas encore effacée. Le 27 août de cette année,  il y a eu des rencontres entre  la ministre de l’Autonomisation des femmes, Hawa Béavogui, et l’ensemble des cadres, anciens ministres et anciens parlementaires pour discuter de l’organisation de la prochaine fête ». 

Mais l’ancienne ministre des Affaires sociales est consciente que la situation de la femme guinéenne n’a pas beaucoup évolué au fil des années. « Lorsqu’on parle de la pauvreté en Guinée, la femme est la plus atteinte. Le manque d’emploi et la paupérisation touchent sévèrement la femme guinéenne. La situation n’est pas reluisante. Les femmes doivent continuer à se battre et j’espère qu’un jour, on verra l’une d’elles Présidente de la République ». 

Yacine Diallo