Les prévisions de croissance n’augurent rien de bon pour l’économie mondiale, celle des pays en voie de sous-développement surtout. De nombreux pays ont limité les dégâts grâce à un vaste programme de soutien budgétaire et monétaire. Cela ne suffit pas, le revenu par habitant  devrait diminuer dans toutes les régions émergentes ou en développement, ce qui replongera sans doute des millions de personnes dans la pauvreté. Justin-Damien Guénette, économiste senior, Groupe des perspectives de développement à la Banque mondiale parle de la pire récession depuis la seconde guerre mondiale.

Les dernières Perspectives économiques mondiales publiées par la Banque Mondiale prévoient une contraction de 5,2 % de l’économie mondiale en 2020. « L’activité économique dans les économies avancées devrait décliner de 7 % en 2020, sous l’effet des graves perturbations qui ont frappé l’offre et la demande intérieures, ainsi que les échanges et la finance. Le groupe des économies de marché émergentes et en développement devrait connaître sa première contraction en 60 ans, avec une baisse globale de son PIB de 2,5 % en 2020. Il en résultera une diminution de 3,6 % des revenus par habitant, ce qui fera basculer des millions de personnes dans l’extrême pauvreté cette année ».

Si la pandémie était maîtrisée avant le milieu de l’année 2020, les projections prévoyaient un rebond mondial à 4,2 % en 2021, avec un taux de croissance de 3,9 % à 4,6 %. La pandémie a plutôt grimpé, pendant ce temps, alors que même ces perspectives étaient incertaines, dit-il.

Confrontées à une crise sanitaire aiguë, beaucoup d’économies émergentes et en développement sont aujourd’hui moins bien préparées à surmonter une récession mondiale, explique Justin-Damien Guénette. En raison de leur plus grande vulnérabilité, « il est absolument essentiel que les économies émergentes et en développement renforcent leurs systèmes de santé publique, qu’elles répondent aux problèmes posés par la prédominance du secteur informel et le manque de protection sociale et qu’elles engagent des réformes qui permettent d’assurer une croissance vigoureuse et durable une fois la crise sanitaire endiguée ». Pour ce faire, il exhorte les responsables publics à encourager les investissements dans des technologies qui favorisent la productivité en instaurant un climat d’affaires efficace, une gouvernance solide et des réglementations simplifiées.

Scénario pessimiste

Si l’épidémie dure plus longtemps que prévu, Justin-Damien Guénette pense que les pays pourraient être contraints de maintenir ou réintroduire des mesures de restriction des déplacements et des interactions sociales. Trois mois supplémentaires de confinement, « la production mondiale pourrait chuter de près de 8 % en 2020. Même avec des mesures supplémentaires de relance budgétaire, les entreprises fragiles devront mettre la clé sous la porte, tandis que les ménages vulnérables réduiront fortement leur consommation et que le secteur des voyages restera fortement déprimé ». Ces graves perturbations sont susceptibles de s’accompagner d’interruptions de la production et un désordre des marchés financiers durable et sévère provoquera une faillite dans le monde entier et plongera nombre d’économies émergentes et en développement dans de graves difficultés financières.

Scénario optimiste

Malgré les risques accrus de détérioration qui pèsent sur les projections de croissance et la gravité de plus en plus évidente, l’hypothèse de résultats plus favorables que prévu n’est pas exclue. Pour cela, il faudra une suppression des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus avec une riposte mondiale susceptible d’entraîner le retour de la confiance et la reprise de l’emploi, avec à la clé un rattrapage de la demande. Mais Justin-Damien Guénette reste tout de même prudent, parce que dit-il, même ce scénario positif, la contraction de la production mondiale atteindrait 3,7 % en 2020, soit un déclin près de deux fois supérieur à celui observé pendant la récession mondiale de 2009, tandis que les économies émergentes et en développement connaîtraient une croissance négative.

Oumar Tély Diallo