Politique : Qu’avons-nous fait de nos indépendances ?
Politique : Qu’avons-nous fait de nos indépendances ?

«Indépendance cha-cha to zuwi ye!» Ces premières paroles du succès des années 1960, œuvre de l’artiste, Le Grand Kallé et l’African Jazz, n’a pas pris une ride, faisant toujours le bonheur des nostalgiques de cette période de grand chamboulement politique pour nombre de pays africains. Ils prenaient, pour la plupart, notamment ceux qui étaient sous colonisation française, leur indépendance. Des événements qui se sont succédé à un rythme bien orchestré par l’ancien maître. C’était la fête, de grandes réjouissances, dont les Africains ont le secret, même si, pour le plus grand nombre, les populations ignoraient tout du contenu de cette émancipation bien organisée par le colon qui était conscient qu’il pouvait continuer à gouverner ces pays et à gérer leurs ressources naturelles et humaines.

Les valets locaux de service étant encore plus zélés que le «chef blanc» dont ils font et devinent même la volonté. Les missionnaires ayant préparé le terrain et surtout l’esprit qui a été façonné par la suite par l’école, les indépendances ne pouvaient qu’être factices. Du reste, tout est resté en l’état, et les Etats africains sont restés dépendants dans la dépendance. Le cordon ombilical n’a jamais été totalement coupé avec les anciens colons. Les matières premières, pillées sur le continent reviennent aux populations en produits manufacturés, à un coût parfois hors de l’entendement.
Rien n’a changé car, si économiquement, la monnaie coloniale, le CFA,reste sous contrôle occidental, politiquement, les décisions concernant l’Afrique sont prises à Londres, Bruxelles ou Paris. Les objets de culte et autres qui portent l’histoire des Africains sont dans les musées ou dans les collections privées de l’Occident. Même les archives écrites, visuelles ou sonores de l’Afrique sont prêtées aux noirs, quand ils en ont besoins, par les anciens «maîtres». Certes, le retour des objets culturels africains, décidé par Emmanuel Macron, et qui a connu un début de concrétisation, constitue une avancée notoire mais reste peu de chose à côté de l’Africain nu, dépouillé de sa mémoire, en sus de ses biens. Tout se passe comme si les indépendances ne valent pas plus que ces miroirs, bonbons et autres pacotilles offerts en son temps aux rois contre des livraisons d’esclaves. Aujourd’hui, la colonisation a mué en coopération et assistance technique, système savamment élaboré pour maintenir les Africains sous tutelle.

C’est dans cette indépendance de dépendance que les dirigeants africains, qui crient la souveraineté de leurs pays sur tous les doigts, mangent vite leur chapeau, habitués qu’ils sont à tendre la sébile, pour financer les élections, lutter contre l’insécurité, financer la campagne agricole, lutter contre la faim, etc. Et cela dure maintenant 60 années! Et toute honte bue, ces dates d’indépendance sont fêtées dans un faste indécent pour des pays pauvres, pudiquement appelés «pays en voie de développement». Heureusement, le Covid-19 est passé par là cette année, imposant une sobriété logique aux commémorations dans les différents pays.

Fort heureusement, tous les Africains ne sont pas logés à la même enseigne. Le Rwanda par exemple, malgré ces années sanglantes de génocide, est bien un pays africain émergent qui fait non seulement la fierté de ses populations, mais des Africains. C’est le cas de bien d’autres pays, notamment anglophones, qui ont résolument emprunté les sentiers du développement, débarrassés des liens tutélaires encombrants avec l’occident. Pour les dirigeants de l’ancienne Afrique occidentale française, le chemin pour aller à Addis-Abeba, siège de l’Union africaine, passe par Paris et peut-être bientôt passera par Pékin, avec l’influence de plus en plus forte de la Chine sur le continent noir.

A quand la réelle indépendance qui remplacera celle octroyée pour mieux diviser une Afrique cloisonnée dans des micro-Etats où chaque chef de l’Etat se contente d’être tête de rat que queue de lion? Le continent est peut-être sur la bonne voie, avec l’émergence d’une société civile et d’une opinion, qui luttent véritablement pour l’intérêt national, option aux antipodes des intérêts égoïstes et très personnels des dirigeants.

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