Reporters sans frontières (RSF) demande la relaxe pour un journaliste d’investigation poursuivi après avoir dénoncé des faits de corruption dans l’importation du pétrole au Togo.

L’affaire est aussi emblématique qu’inédite et elle fait la Une de l’actualité togolaise depuis plusieurs semaines. Après des révélations fracassantes sur de présumés détournements massifs d’argent dans le secteur du pétrole impliquant des responsables publics de premier plan dont plusieurs ministres, Ferdinand Ayité, directeur de publication du bihebdomadaire d’investigation l’Alternative, comparaîtra ce mercredi 16 septembre devant le tribunal correctionnel de Lomé où son procès pourrait s’ouvrir sur le fond après plusieurs reports d’audience. Le journaliste et sa publication sont poursuivis pour diffamation par le coordinateur du Comité de suivi des fluctuations des prix des produits pétroliers (CSFPPP) après qu’ils ont publié, le 9 juin dernier, un dossier d’enquête révélant comment des responsables de cette structure chargée de négocier l’importation du pétrole au Togo seraient parvenus à détourner plusieurs centaines de millions d’euros à travers un système d’appel d’offres opaque.

Le journaliste risque jusqu’à 4500 euros d’amende selon le Code de la presse adopté en 2020 mais le plaignant exige également la destruction des exemplaires du journal contenant l’enquête, la suppression des versions publiées en ligne, la somme de 7600 euros au titre du préjudice moral et la publication du jugement avec obligation qu’elle occupe 50% de la couverture du média.

“Ce procès est un véritable test pour la justice togolaise et son issue donnera une indication très claire de la place qu’occupent aujourd’hui le journalisme d’investigation et le combat contre la mauvaise gouvernance dans le pays, estime Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Une condamnation enverrait un message désastreux à celles et ceux qui par leur travail d’information contribuent à lutter contre la corruption. Nous appelons à la relaxe et à la protection de ce journaliste contre toute forme d’intimidation et de harcèlement judiciaire dans ce dossier sensible.”

Joint par RSF, Ferdinand Ayité dit attendre que la justice “fasse son travail” pour “mettre fin à l’impunité et à la République des intouchables”. Réélu en début d’année pour un quatrième mandat, le président Faure Gnassingbé avait fait de la lutte contre la corruption un thème fort de sa campagne promettant notamment d’éviter “le gaspillage et le vol”.

Ce scandale dit du “pétrole-gate” a poussé les autorités à lancer un audit, toujours en cours, sur le processus d’importation du pétrole. Une note écrite par le ministère du commerce à l’intention de la présidente de l’assemblée nationale et consultée par RSF, reconnaît que le système actuel mis en place pour l’importation du pétrole est “perfectible” et que “toutes preuves sérieuses et suffisantes seront bienvenues pour faire toute la lumière sur cette affaire qui n’exclut pas une phase judiciaire si les faits sont avérés”.

Le Togo occupe la 71e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2020.

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