La pandémie de COVID-19 et la crise économique qui en découle risquent de faire basculer entre 71 et 100 millions de personnes dans l’extrême pauvreté. Carolina Sánchez-Páramo, Directrice mondiale de la Banque mondiale pour la pauvreté estime qu’il est indispensable de cerner qui sont ces populations, où elles vivent, le type d’activités qu’elles exercent et la manière dont elles subissent les effets de la crise.

La Banque Mondiale a mené des enquêtes auprès des ménages sur les dépenses par habitant, les attributs démographiques, leurs conditions de logement pour comparer la situation mondiale en 2020 avec et sans la pandémie dans 110 pays pour en tirer un profil mondial des nouveaux pauvres. « Alors que les projections établies avant le coronavirus prédisaient une baisse de la proportion de pauvres dans le monde, celle-ci est désormais appelée à augmenter ». Elle explique que la population des nouveaux pauvres est constituée de deux catégories : celles qui auraient dû sortir de la pauvreté en l’absence de la pandémie et celles qui basculeront dans la pauvreté à cause de cette pathologie.

C’est dans les villes que résideront probablement une grande partie des nouveaux pauvres, dit-elle, à cause des mesures de confinement qui ont entraîné l’arrêt d’une grande partie de l’activité économique, privant de leurs moyens de subsistance. « Nos travaux indiquent que 30 % des nouveaux pauvres dans le monde vivront en milieu urbain, contre un taux de 20 % parmi ceux qui sont déjà pauvres. Parmi eux, les adultes en âge de travailler sont plus susceptibles d’exercer une activité non agricole, avec un taux moyen de 44 % de l’emploi total, contre 32 % chez ceux qui sont déjà pauvres, et des écarts particulièrement marqués dans le secteur manufacturier (7,3 % contre 4,7 %) et la construction (6 % contre 2,8 %). Les nouveaux pauvres occupent aussi plus souvent un emploi rémunéré (30,7 % contre 17 % de l’emploi total) et sont moins susceptibles de travailler à leur compte (39,7 % contre 45,6 %) ou dans le cadre d’une entreprise familiale (20,3 % contre 27,4 %) ». Enfin, l’enquête constate que la proportion d’adultes en âge de travailler qui a fait des études secondaires ou supérieures est plus élevée chez les nouveaux pauvres, étant donné que les niveaux d’instruction ne sont généralement pas les mêmes entre zones urbaines et rurales.

Pour établir le profil des nouveaux pauvres à l’échelle mondiale, elle suppose que le revenu ou la consommation de tous les ménages d’un pays évolue au même rythme. Plusieurs simulations nationales (Afrique du Sud, Nigéria, Bangladesh, Mexique, Brésil…) confirment que la plupart des nouveaux pauvres vivront en milieu rural. Elles montrent aussi que les nouveaux pauvres auront tendance à être plus fortement concentrés dans des emplois non agricoles (industrie manufacturière, construction, et commerce de gros et de détail en Afrique du Sud, ou services au Nigéria et en Indonésie) et à exercer une activité indépendante ou rémunérée (Pérou). Par exemple, en Éthiopie, 60,5 % des ménages urbains déclarent avoir subi une perte de revenus en raison du coronavirus, contre une proportion de 51,6 % parmi les ménages ruraux. On constate des résultats comparables en Mongolie avec respectivement des taux de 81 %/19 % et 46 %/37 % (urbain/rural).

Pour protéger les ménages contre les répercussions de la pandémie, elle souligne qu’il faudra impérativement mettre en place des politiques et des programmes qui viennent en aide à la fois à ceux qui vivent déjà dans la pauvreté et aux nouveaux pauvres. Adapter les dispositifs de filets sociaux en recourant à des mécanismes de ciblage et de mise en œuvre innovants qui permettent d’apporter des aides à tous les pauvres, actuels et nouveaux, tout en favorisant une reprise économique qui intègre les travailleurs du secteur informel dans les zones rurales et urbaines.

Oumar Tély Diallo