Ce jeudi 8 octobre, à dix jours de la présidentielle en Guinée, La Petite Cellule Dalein Diallo était l’invité de RFI et France 24. Dans le bavardage, l’opposant affirme, entre autres, que le prési sortant Alpha Grimpeur est trop vieux, pour briguer un troisième mandat. L’entretien !

Rfi et France24: M. Cellou Dalein Diallo, bonjour. C’est votre troisième duel avec Alpha Condé. Alors vous affirmez à l’longueur des meetings qu’il a trahi ses promesses.  Et aujourd’hui en Guinée, il faut quand-même constater qu’il y a des barrages, il y a des routes, le pays a subi Ebola, subi Covid-19. Que feriez-vous de mieux que lui ?

La Petite Cellule Dalein Diallo : Beaucoup plus. Il faut dire que même si, comme le disait le Sotikémo de Faranah, vous  construisez partout des châteaux, des autoroutes, des barrages, si vous semez la haine dans les cœurs des Guinéens, s’ils ne détruisent pas ces infrastructures, leurs enfants le feront. Alpha Condé a divisé la Guinée, c’est le premier point noir de son bilan. Ensuite, vous avez dit qu’il y a des routes, mais il n’y a pas de routes du tout. Je viens de traverser une dizaine de villes et de villages, mais il n’y a pas de routes du tout. Le réseau routier est laissé pour compte, il n’y a pas d’entretien, il n’y a pas eu un kilomètre de route  bitumé entre les préfectures depuis que monsieur Alpha Condé est là. Donc, son bilan est négatif sur tous les plans. Il a fait reculer la démocratie, il a fait reculer les droits humains dans ce pays.  Je rappelle qu’il y a eu plus de 203 personnes qui ont été tuées à bout portant pendant les manifestations et qui n’ont jamais eu droit à la justice. Il n’a jamais organisé à bonne date les élections. Il a fallu, chaque fois, que l’opposition manifeste et des manifestations qui ont été toujours réprimées dans le sang. Son bilan est négatif, et c’est pourquoi aujourd’hui il est rejeté même dans ses fiefs traditionnels.

Alors, Cellou Dalein Diallo, vous aussi vous avez un bilan. Alpha Condé vous accuse d’avoir été le Premier ministre d’un dictateur (Lansana Conté) pendant plus de deux ans et d’avoir été un fossoyeur de l’économie guinéenne…

En 2010, c’était le même discours. En 2020, c’est le même discours. Mais il a l’opportunité de présenter son bilan au lieu de s’attaquer à un Premier ministre. Il se réserve d’attaquer le général Lansana Conté, il attaque les anciens ministres et les anciens Premiers ministres. Or, la moitié des ministres du général Lansana Conté sont ses collaborateurs aujourd’hui. Ceux-ci sont considérés comme des cadres vertueux, et ceux qui s’opposent à lui sont considérés comme des délinquants. Il n’a jamais, jamais rien prouvé. Il n’a jamais apporté de preuve à ce qu’il affirme. Il a fait des audits, depuis qu’il est là il ne fait que des audits, jamais il n’a pu établir la responsabilité de Cellou Dalein dans un détournement ou dans une mauvaise gestion.

Il y a six mois, vous avez décidé de boycotter les législatives, vous avez perdu votre siège de député à cette occasion et aujourd’hui contre l’avis de vos partenaires du Front national pour la défense de la Constitution, vous allez à la Présidentielle. N’est-ce pas  une incohérence ? Et n’allez-vous pas perdre les voix de vos amis Sidya Touré, eux qui appellent au boycott ?

Pour l’UFDG, pour ses dirigeants, pour ses militants, cette élection était une opportunité de lutter contre le troisième mandat et montrer que le peuple de Guinée est contre ce troisième mandat. Pour nous, les urnes constituent une voie jumelle de la rue pour s’opposer au troisième mandat. Nous empruntons cette voie aussi sans renoncer à la voie jusque-là utilisée par le FNDC. Nous sommes conscients que le peuple de Guinée aura l’opportunité de montrer qu’il est opposé au troisième mandat en administrant un vote sanction à Monsieur Alpha Condé. Aujourd’hui comme je l’ai dit, il est décrié partout. D’abord, parce qu’il a un bilan catastrophique auquel j’ai fait allusion, mais ensuite parce qu’il a trahi son serment, il a violé la Constitution sous laquelle il a prêté serment. Le peuple de Guinée n’a pas apprécié son obstination à se maintenir au pouvoir. Avec son âge, il n’a pas la capacité physique et intellectuelle d’exercer cette fonction exigeante de Président de la République. Vous l’avez vu lors de votre interview. Et puis, il vous a dit qu’il fait campagne par visioconférence.

Vous dites qu’il n’est pas en état physique d’exercer la Présidence ?  

Vous avez vu, il est fatigué. Avec ses 83 ans, il ne peut plus, la fonction de Président est exigeante. Il a choisi de faire sa campagne par visioconférence, voilà parce qu’il n’a pas la capacité d’aller rencontrer les populations pour présenter son bilan et de demander leurs  préoccupations. Donc, il doit accepter de partir dignement à la retraite, nous allons lui réserver tous les honneurs et toute la sécurité due à un ancien président.

Est-ce que vous ne tombez pas dans des attaques personnelles qui ne sont pas peut-être dignes dans cette campagne ?

Non, je dis qu’il a fait ses deux mandats légaux constitutionnellement autorisés, il faut qu’il puisse partir dignement. Aujourd’hui, c’est vrai qu’il a choisi physiquement de faire sa campagne par visioconférence, c’est parce qu’il est fatigué, nous respectons en Afrique les personnes âgées. Je lui voue, en tant que grand frère, président de la République, tout le respect qu’il faut. Mais il faut qu’il prenne conscience de la nécessité de contribuer à instaurer la démocratie. Il ne suffit pas de revendiquer d’avoir été le président de la FEANF, d’avoir fait 40 ans de combat pour la démocratie et une fois au pouvoir, on oublie tout ça et on veut se maintenir à tout prix.

Cela veut dire que le risque d’un hold-up électoral par le président Alpha Condé était moins grand que par le passé ? Est-ce que vous êtes rassuré par le fichier électoral dont la CEDEAO dit qu’il est de qualité suffisante ?

Non, je n’ai jamais dit que le risque d’un hold-up était nul, qu’il n’existait pas ou que c’est moins important. Je dis que Monsieur Alpha Condé ne peut pas récolter les suffrages, suffisamment de suffrages pour pouvoir se proclamer vainqueur de cette élection. Alors est-ce que le fichier est bon ? Le fichier n’a jamais été consensuel. D’ailleurs, l’ensemble des partenaires techniques et financiers souhaitaient que nous ayons un fichier consensuel et sincère qui reflète le corps électoral, ce n’est pas encore le cas. Ici, l’avantage que nous avons, c’est que même si les élections étaient organisées dans ses fiefs, Monsieur Alpha Condé les perdrait, parce que personne ne veut de lui.

Est-ce que vous craignez des fraudes à grandes échelles ? Est-ce que vous êtes confiants ?

Oui, il va tenter de faire les fraudes. Alpha n’a pas d’électeurs aujourd’hui, mais il a les préfets, les sous-préfets, les ministres, l’administration… Tout le monde est à pied d’œuvre pour lui octroyer le maximum de suffrages alors que le peuple n’en veut pas. Mais, nous sommes vigilants et nous n’accepterons pas que nos suffrages soient volés.

Il a affirmé qu’un candidat de l’opposition allait se proclamer vainqueur pour se réfugier dans une ambassade… Evidemment, il vous visait. C’est ce que vous allez faire ?

Ce n’est pas moi ça, moi je n’ai jamais pensé me réfugier. Mais monsieur Alpha Condé a un défaut, lorsqu’il était opposant, alors tout ce qu’il faisait, il veut attribuer les actions qu’il menait à l’époque à son opposition. Il a passé son temps à organiser des rebellions, des complots, des tentatives d’assassinats, il a grimpé des murs, s’est réfugié dans les ambassades, ce n’est pas mon cas. Moi, si je gagne, je proclamerai mes résultats, mais je n’irai me réfugier nulle part. Quelqu’un qui veut assumer la fonction de Président de la République ne va pas se cacher quand-même. Ce n’est pas mon genre, ce n’est pas ma nature. Je suis un homme d’honneur.

Monsieur Cellou Dalein Diallo, vous accusez Alpha Condé d’instrumentaliser la question ethnique, mais lui, il nie farouchement et il accuse vos partisans d’avoir caillassé le convoi du Premier ministre (Ibrahima Kassory Fofana), c’était il y a quelques jours dans votre fief à Labé en Moyenne-Guinée. Est-ce que la CEDEAO n’a pas raison de mettre en garde les deux camps : le camp Alpha Condé mais aussi votre camp monsieur Cellou Dalein Diallo, contre la tentation de jouer cette carte ethnique ?

J’ai écouté Alpha Condé lorsque vous l’interrogiez, il a nié avoir parlé d’ethnie. Je vais vous envoyer l’audio, c’est récent, c’est moins d’un mois. Il n’a pas pu assumer cela, parce que ce n’est pas facile d’assumer, mais l’audio existe, il l’a fait publiquement, je vais vous l’envoyer. Alors les violences ce ne sont pas des choses que l’UFDG souhaite, nous avons toujours appelé au calme. Vous savez qu’en 2010, j’avais remporté les élections, j’ai renoncé à ma victoire au nom de la paix. Parce que les tensions ethniques créées par Alpha Condé et entretenues un peu par le gouvernement de la Transition à l’époque étaient telles que si je refusais les résultats proclamés par la Cour suprême, le pays risquait de sombrer dans des violences qui auraient pu aller vers la guerre civile. J’ai accepté. Comment expliquer qu’avec 44% au premier tour, Alpha Condé n’avait que 18% , ce rapport n’a pas changé, il a changé quand-même mais pas suffisamment pour lui permettre de me battre dans une élection. Aujourd’hui, Alpha Condé ne peut pas avoir 18%, les populations ne sont pas satisfaites de ce qu’il a fait.

Si vous jugez que le verdict des urnes n’est pas fidèle à la réalité, est-ce que vous allez appeler vos partisans à descendre dans la rue ou pas ?

Nous sommes en train de nous organiser pour avoir tous les résultats en temps réel. Nous allons déployer 32 000 délégués dans les bureaux de vote pour que dès que le dépouillement est terminé et le PV dressé, que nous ayons les résultats. Si nous avons les résultats qui confirment qu’on a gagné, on le dira. On publiera les résultats au fur et à mesure pour que le peuple de Guinée soit informé. Au cas où nous perdions, je serais le premier à féliciter monsieur Alpha Condé. Mais si nous gagnons et qu’il se proclame vainqueur, on ne l’acceptera pas.

C’est-à-dire, vous appellerez les gens à descendre dans la rue très clairement, on a besoin de clarification…

Nous appellerons à manifester pour nous opposer au hold-up électoral auquel on serait en train d’assister. La manifestation pacifique dans les rues et sur les places publiques est un droit constitutionnel en République de Guinée.

Propos transcrits par Ibn Adama