Alpha Condé en meeting

En Guinée, le premier tour de l’élection présidentielle s’est achevé ce 18 octobre. Tribune Ouest a recueilli de premières estimations auprès des différentes parties grâce à ses correspondants locaux, qui semblent recoupées par celles de l’ONG Stand for Life and Liberty (S2L) mobilisée face aux craintes d’atteintes à la bonne tenue du scrutin. La situation reste volatile dans un pays où le Président, candidat à un nouveau mandat, Alpha Condé, est affaibli par son âge avancé (82 ans) et, surtout, un bilan personnel très contesté. Son principal opposant, Cellou Dalein Diallo, semble en situation favorable pour le second tour, même si l’hypothèse d’une victoire au premier tour n’est pas exclue. Bien qu’ils semblent refléter une dynamique, ces premières estimations restent partielles et seules la CENI et la Cour constitutionnelle sont habilités à proclamer les résultats officiels.

Dans les quatre régions naturelles de la Guinée, la Basse-Guinée, la Haute-Guinée, la Guinée forestière et la Moyenne Guinée, les premiers résultats tendent à montrer un recul massif du RPG, parti du camp présidentiel, au profit de plusieurs de ses principaux opposants, dont Cellou Dalein Diallo, président de l’Union des Forces démocratiques de Guinée.

Fragilisé par son passage en force pour un troisième mandat et l’imposition d’un référendum constitutionnel jugé illégal, Alpha Condé fait l’objet de critiques massives des organisations internationales et d’une partie des pays de la Région, qui évoquent un raidissement autoritaire. En effet, dans le pays, les manifestations se sont multipliées depuis un an, entraînant une forte répression de la part des forces de police et l’indignation généralisée des ONG, qui dénoncent des atteintes récurrentes aux droits humains. Les élections restent entachées de suspicion. En effet, un couvre-feu a été décrété lundi 18 octobre à partir de 18 heures, heure de fermeture des bureaux de vote.

En Basse-Guinée, région à majorité soussou, Abdoul Kabélé Camara, lui-même d’ethnie soussou et à la tête du Rassemblement guinéen pour le développement, sortirait favori avec 35 % des voix, devant Alpha Condé et Ousmane Kaba, qui recueilleraient respectivement 31 % et 18 % des suffrages. Un véritable coup de massue pour Alpha Condé, qui perdrait ainsi la région soussou, l’une de ses alliées naturelles et pourvoyeur traditionnel de voix.

En Haute-Guinée, territoire à majorité malinkè, c’est l’économiste Ousmane Kaba à la tête du Parti des démocrates pour l’Espoir qui, avec 37 %, sortirait en tête juste devant Alpha Condé, lui-même malinkè, qui recueillerait « juste » 35 % des voix. Ancien proche d’Alpha Condé et cadre du RPG, parti présidentiel, Ousmane Kaba est passé dans l’opposition, en faisant campagne sur l’unité nationale, les infrastructures, l’électrification ou encore l’accès à l’eau. Cellou Dalein Diallo arriverait troisième, avec 14 %. Un véritable camouflet pour Alpha Condé dans ses bastions traditionnels des pays malinkè et soussou, alors même qu’il avait pourtant tenté de positionner sa campagne sur des problématiques ethniques, déclenchant la colère de l’opposition qui craint un retour aux années noires pendant lesquelles les violences civiles ont engendré des milliers de morts.

Les chiffres recueillis sur place affirment que Cellou Dalein Diallo serait largement en tête en Moyenne-Guinée, avec un score estimé à 90 % des voix. Un résultat déjà atteint en 2010, entre Mamou et Labé. En Guinée forestière, où l’argument du vote utile « anti-Alpha » semble avoir été entendu, Cellou Dalein Diallo recueillerait 43 % des voix.

Si, dans cette configuration, Cellou Dalein Diallo pourrait l’emporter dès le premier tour, l’hypothèse d’un second tour face au Président sortant semble la plus probable. En cas de second tour, Cellou Dalein Diallo devrait compter sur le ralliement, tacite ou affirmé, de la dizaine d’autres candidats de l’opposition qui, dans leur immense majorité, ont fait front commun contre le troisième mandat d’Alpha Condé. Un mois sépare le premier et le deuxième tour, une période propice à l’embrasement au vu de la tension actuelle régnant en Guinée.

(www.pressafrik.com)