Alpha Condé a été définitivement proclamé samedi 7 novembre, président de la Guinée pour un troisième mandat consécutif à l’âge de 82 ans, après des mois d’une contestation qui aura coûté la vie à des dizaines de civils. La Cour constitutionnelle a rejeté les recours du principal challenger de M. Condé, Cellou Dalein Diallo, et de trois autres des 12 candidats à la présidentielle du 18 octobre. Elle a validé les résultats proclamés par la commission électorale nationale qui décerne la victoire à Alpha Condé dès le premier tour. La Cour juge le scrutin “régulier” et affirme que M. Condé “a recueilli 2.438.815 voix, soit 59,50%, supérieurs à la majorité absolue”, a annoncé son président Mohamed Lamine Bangoura en audience solennelle.

  Elle “déclare en conséquence que M. Alpha Condé est élu au premier tour de l’élection présidentielle du 18 octobre président de la République de Guinée”. M. Diallo a obtenu 33,5% des suffrages, selon les chiffres officiels. Au moment de la proclamation de la Cour constitutionnelle, les forces de sécurité ont mis en place de lourds camions anti-émeutes et des pick-up pour bloquer les accès à la maison de l’opposant, dans la banlieue de Conakry, où il comptait s’adresser aux journalistes en début d’après-midi. Cellou Dalein Diallo s’était déjà dit sans illusion quant à la décision de la Cour constitutionnelle, inféodée au pouvoir selon lui. Cette décision est sans appel et M. Condé va pouvoir commencer un nouvel exercice de six ans, éventuellement renouvelable une fois.

“Coup d’Etat” constitutionnel

  L’ancien opposant historique, emprisonné et même condamné à mort avant de devenir en 2010 le premier président démocratiquement élu après des décennies de régimes autoritaires, rejoint aux yeux de ses adversaires et de maints défenseurs de la démocratie les rangs des dirigeants africains se maintenant au pouvoir au-delà du terme initialement prévu, de plus en plus souvent en usant d’arguments légaux. Alpha Condé a fait adopter en mars 2020, malgré une contestation déjà vive et la réprobation d’une partie de la communauté internationale, une nouvelle constitution pour, dit-il, “moderniser (les) institutions” et, par exemple, accorder une plus grande place aux femmes et aux jeunes. Comme la précédente, la nouvelle constitution limite le nombre de mandats présidentiels à deux. Mais, pour le pouvoir, son adoption a remis les compteurs à zéro et Alpha Condé, élu en 2010 et réélu en 2015, était fondé à briguer sa propre succession le 18 octobre.

  L’opposition dénonce un “coup d’Etat” constitutionnel. Depuis un an, ce pays parmi les plus pauvres du monde malgré des ressources minières et hydrologiques considérables, est le théâtre de manifestations à plusieurs reprises durement réprimées, et de violences qui ont fait des dizaines de morts, des civils dans leur quasi-totalité. Dans un pays coutumier des confrontations politiques sanglantes, les craintes que la présidentielle ne soit synonyme d’une nouvelle éruption se sont confirmées après que Cellou Dalein Diallo eut unilatéralement revendiqué sa victoire et à mesure que le dépouillement dessinait les contours de celle de M. Condé. Alors que les observateurs africains ont jugé régulier le déroulement du vote, le camp de M. Diallo a dénoncé une “fraude à grande échelle” au moment de la comptabilisation.

Pas “un dogme”

  Les Etats-Unis, la France et l’Union européenne ont émis des doutes sur la crédibilité du résultat. Au moins 46 personnes de 3 à 70 ans ont été tuées dans la répression des manifestations post-électorales a indiqué, vendredi 6 novembre, l’UFDG, le parti de Cellou Dalein Diallo. Ces morts s’ajouteraient aux 90 comptabilisés antérieurement par l’opposition depuis octobre 2019. Les autorités ont fait état jusqu’alors de 21 morts depuis la présidentielle, dont des membres des forces de sécurité. Elles refusent que ces morts soient globalement imputées aux forces de sécurité et invoquent la responsabilité des leaders d’opposition qu’elles accusent d’appeler à la violence.

  L’opposition a promis de poursuivre la protestation. Des défenseurs des droits humains fustigent une dérive autoritaire observée ces dernières années et remettant en cause les acquis des premières années de la présidence Condé. Alpha Condé, lui, se targue d’avoir fait avancer les droits humains et d’avoir redressé un pays qu’il dit avoir trouvé en ruines, à coups de grands chantiers et de réformes. Il disait en octobre que la limite des deux mandats n’était pas “un dogme”, mais se défendait de vouloir instaurer une “présidence à vie”. La nouvelle Constitution lui permet théoriquement de se représenter dans six ans, une éventualité sur laquelle il s’est gardé de se prononcer dans la même interview accordée à Radio France Internationale et France 24.

Avec AFP