Alors que le pays est en proie à des affrontements armés qu’il est pratiquement impossible de couvrir pour les journalistes, Reporters sans frontières (RSF) demande aux autorités éthiopiennes de libérer tous les journalistes détenus sans délai. L’un d’entre eux vient d’attraper le coronavirus pendant sa détention.

 Détenu depuis le 10 novembre, Medihane Ekubamichael, rédacteur en chef à Addis Standard, l’un des quotidiens anglophones les plus importants d’Ethiopie, vient d’être testé positif à la Covid-19. “Il souffre de troubles de l’odorat et nous essayons d’obtenir sa remise en liberté provisoire”, a indiqué son avocat Woubshet Kassew joint par RSF.

Hier, mardi 1er décembre, le tribunal de première instance d’Addis Abeba, la capitale du pays, a accordé une remise en liberté provisoire au journaliste ainsi qu’à trois de ses confrères de l’agence de presse éthiopienne (EPA) : Haftu GebreegziabherTsegaye Hadush et Abreha Hagos, également arrêté le 10 novembre. Cette décision n’assure cependant pas leur remise en liberté immédiate. La police a fait appel et une nouvelle audience doit se tenir ce matin dans la capitale éthiopienne. Les quatre journalistes doivent par ailleurs s’acquitter d’une caution équivalent à 217 euros. Jointe par RSF Tsedale Lema, la directrice d’Addis Standard se voulait également prudente évoquant une “habitude” que la police “passe outre les décisions de justice” dans le contexte actuel.

Ces dernières semaines, de violents affrontements armés entre le parti au pouvoir dans la région du Tigré et les forces fédérales ont fait des milliers de morts et plusieurs dizaines de milliers de déplacés. Officiellement les autorités n’ont communiqué aucun bilan et le Premier ministre a affirmé que les opérations militaires étaient terminées. Mais la région du Tigré a été complètement coupée du reste du pays et il est pratiquement impossible pour les journalistes d’y accéder pour couvrir ce qu’il s’y passe de manière indépendante.

“Un an après avoir reçu le prix Nobel de la Paix, le Premier ministre Abiy Ahmed est à la tête d’un pays qui empêche les journalistes de travailler, en place certains en détention et les expose à l’épidémie de Covid-19, constate Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Le contexte actuel ne justifie ni la censure ni les représailles contre les journalistes. C’est aussi pour récompenser les mesures mises en œuvre pour sortir de ce schéma liberticide et destructeur que cette récompense lui avait été accordée. La désillusion est à la hauteur des espoirs suscités. Nous demandons aux autorités de libérer les journalistes emprisonnés et de laisser les médias travailler”.

L’arrivée au pouvoir d’Abiy Ahmed en 2018 s’était rapidement accompagnée d’un vent de liberté pour la presse. Plusieurs journalistes avaient été libérés et plus de 250 médias autrefois interdits avaient été autorisés à opérer. Malheureusement, aucune réforme d’envergure visant à améliorer les lois draconiennes qui régissent la presse n’a été menée à son terme et plusieurs atteintes à la liberté d’informer ont été rapportées à RSF ces derniers mois, faisant craindre un retour en arrière inquiétant et menaçant les progrès importants observés depuis deux ans.

L’Ethiopie a ainsi progressé de 51 places depuis 2018, passant de la 150e la 99e position au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2020.

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