Dans la réalité, presque tous les « grands » partis politiques guinéens sont construits sur des bases ethno-régionalistes. Au temps du régime Conté, le PUP était le parti de la Basse-Côte. Mais comme c’était le parti au pouvoir, il est devenu par la force des choses, le parti politique de l’Administration. Les agents de l’État qui désiraient obtenir ou garder une fonction intéressante étaient obligés de militer au sein de cette formation. Ainsi, on y trouvait en majorité des personnes qui étaient mues plus par des intérêts que par des convictions politiques. Des personnes appartenant à toutes les régions, à toutes les communautés. Ce qui conférait à ce parti un semblant d’assise nationale. Il y avait certes des hommes et des femmes de conviction au sein du PUP. Mais ils n’étaient vraiment pas les plus nombreux. Quand le PUP entrait en campagne électorale, c’est toute l’Administration et les moyens de l’Etat qui étaient mobilisés.
Le RPG était considéré comme le parti de la Haute-Guinée, le parti du Manding. Le PRP et l’UNR étaient les partis du Fouta. Et pour que cette région ait un parti plus fort et éviter une dispersion des énergies « foutaniennes », ces deux formations politiques ont fini par fusionner pour donner naissance à l’UPR. L’UPG était quant à lui considéré comme le principal parti politique de la région forestière.
À l’arrivée de Sidya Touré à la tête de l’UFR qui, il faut le noter, avait pour leader Bakary Goyo Zoumanigui et était quasiment inconnue sur l’échiquier politique, de très nombreux Guinéens prétendaient que c’était le parti le plus transversal en ce sens qu’il avait en son sein toutes les ethnies et était représenté sur l’ensemble du territoire. Mais, c’était une simple illusion. Dans les faits, beaucoup de « cadres » et » intellectuels » affirmaient publiquement leur appartenance à cette formation politique parce qu’ils éprouvaient une certaine gêne à être perçus comme des « ethnos » en affichant leur affiliation à l’un des « grands » partis régionalo-ethniques. Il n’est pas certain que certains de ces » cadres » aient voté une seule fois en faveur de l’UFR au détriment du « parti de leur région ». C’est en quelque sorte le parti dont beaucoup se disent membres en public mais auquel très peu pensent une fois dans l’isoloir. Par ailleurs, bien que son leader soit très charismatique et pétri d’expérience dans la gestion de la chose publique, il est confronté au fait qu’il partage avec d’autres formations politiques, principalement le parti au pouvoir et le principal parti de l’opposition, ce qui est considéré comme son véritable fief.
Aujourd’hui, c’est le RPG qui est au pouvoir avec une étiquette de « parti national », de parti qui transcende les clivages ethniques. Mais il ne faut pas oublier que jusqu’au deuxième tour de l’élection présidentielle de 2010, il était resté un parti bâti sur un socle ethnique comme tous les autres. Les choses ont changé à l’entre- deux- tours avec cette stratégie de « 3 contre un » qui a été savamment montée par les esprits retors et maléfiques qui peuplent le milieu politique guinéen.
Et lorsque son candidat a été porté au pouvoir, l’on s’est retrouvé dans le même schéma que celui du PUP dans les années Conté, c’est- à- dire qu’il est devenu véritablement » le parti de l’Administration « . De nos jours, pour pouvoir accéder à une fonction étatique ou obtenir des marchés publics, il faut s’affilier de manière sincère ou non au RPG ou le soutenir. En plus, il faut mouiller le maillot pour le parti lors des compétitions électorales dans l’espoir d’obtenir une récompense.
Puisque le PUP n’était pas bâti en réalité sur des convictions mais sur des intérêts, il s’est effondré comme un château de cartes à la mort du Général Conté, la plupart de ses « dirigeants » ayant migré vers le nouveau parti de l’Administration. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il faut attendre de voir ce que l’avenir nous réserve quant au sort du RPG après Alpha Condé. En tout cas, il n’est pas très objectif de traiter un seul parti de » parti communautariste ». Tous les partis sont fondés en grande partie sur l’ethnie ou la région de son ou de ses fondateurs. C’est lorsque, par un concours de circonstances, un parti accède au pouvoir, qu’il » s’achète » le label de « parti national » grâce au pouvoir décrétale dont dispose son élu à la tête du pays.
Me Mohamed Traoré