L’opération de déguerpissement  des emprises à Conakry continue de plus belle. Le 9 février vers 21 heures, le bulldozer était dans la zone de Coronthie, commune de Kaloum. Selon des témoins, le bulldozer était accompagné d’une horde des forces de l’ordre prête à dégainer sur toute personne qui tenterait de résister. Si certains citoyens se réjouissent de cette opération de déguerpissement, de nombreux autres  désapprouvent l’opération  à cause de la pauvreté qui frappe le pays de plein fouet.

Maimouna Sylla, habitante du quartier Coronthie, assise devant les débris de sa terrasse,   raconte  ses souffrances. C’est là qu’elle étalait sa marchandise. Hélas, tout est cassé.  « Nous avons trop souffert, il n’y a pas de travail en Guinée, c’est nous les  femmes qui nous débrouillons pour  subvenir aux besoins de la famille.  Nos maris sont à la retraite, nous n’avons rien. Aujourd’hui, ils ont cassé nos places, une partie de la maison de mon mari a été touchée. Nous souffrons. Nous demandons au Président Alpha Condé de  nous aider, nous les femmes. C’est nous qui payons la scolarité de nos enfants. Nous n’avons pas mis  Alpha Condé  au pouvoir pour faire du mal aux Guinéens. Eux qui sont au pouvoir, leurs enfants sont en Europe. Nous, les pauvres, souffrons sous le soleil. Même les parasols que nous utilisons, ils nous demandent de les enlever, parfois même les policiers viennent les enlever de force. Au moins, laissez-nous avec nos parasols pour que nous puissions nous débrouiller. Les forces de l’ordre ont fait une descente musclée hier nuit pour casser tout, y compris nos biens. Nous n’osons pas parler au risque d’être violentés. Impuissants, nous les avons regarder faire ».

Assise au milieu des débris de sa maison cassée en train de faire la cuisine, Maimouna Camara  accuse les autorités de casser les lieux qui ne sont pas aux bords  des routes. « Comme chez moi, ici, nous ne sommes pas au bord de la route. D’ailleurs, ils ne peuvent rien arranger. La fois dernière, ils sont venus casser, ils n’ont pas arrangé. Quand nous plaçons nos parasols, ils viennent gâter. Ils n’ont qu’à nous aider à avoir de la place. Je suis en train de faire la cuisine sous le soleil, si jamais la saison des pluies nous trouve ici ce sera plus grave. L’eau va rentrer chez nous. Nous souffrons beaucoup, nous demandons à l’Autorité de nous aider, nous avons vraiment souffert ».

D’un ton ironique,  Keita Alhassane demande à ses semblables de se résigner. Comme on a l’habitude de dire, c’est Dieu qui donne le pouvoir « Je demande aux Guinéens de ne pas se fâcher les uns contre les autres. C’est nous qui avons dit qu’il faut que le président Alpha Condé finisse son travail. Personne ne doit se fâcher quand il casse tout. Normalement, il devait casser les maisons pour reconstruire. Surtout nos mamans qui avaient porté Alpha au dos, elles n’ont qu’à se concentrer.  Si tu habitues un enfant au dos, dès que tu le descends, il pleure. Alors courage à nos mamans ! Le train a bougé, celui qui s’arrête devant lui,  il va l’écraser ».

Même si le déguerpissement se passe la nuit, Keita Mohamed Lamine, directeur communal de la jeunesse de Kaloum  ne trouve pas cela mauvais. Il estime que les gens sont déjà avertis, donc pas de péril en la demeure. « Le développement a un prix, les grandes nations sont passées par cette étape. Donc, il faut qu’on passe par cette étape pour que la Guinée émerge. La jeunesse n’a pas réagi, tout le monde a apprécié l’acte parce que tout simplement ça va dans l’intérêt de tout le monde. Désormais, il y aura des espaces de parking »

Fatou Cissé non plus n’est pas contre  ce que l’Etat est en train de faire. « La manière dont se trouve la capitale, ce n’est pas normal. Nous encourageons l’Etat à continuer le travail et nous population, devrions l’accompagner. Personne ne doit se fâcher pour cela. Nous sommes déjà avertis, donc ce n’est pas grave quand ils viennent à  n’importe quel moment ».

Ibn Adama