Je suis désolé de l’avouer, je suis jaloux. Je suis jaloux du Sénégal, du Burkina Faso, du Niger, du Ghana, de la Sierra Léone, du Libéria, du Cap Vert, quasiment de toute la région ouest-africaine, même la Côte d’Ivoire et le Bénin. Je le sais, l’avouer est un synonyme, que dis-je un syndrome de faiblesse et d’impuissance. Dans ce tourbillon du désespoir, la date du 13 mars s’est imposée comme l’inverse du «point culminant» que le 25 août 1958, Sékou Touré avait développé devant le Général de Gaulle au siège actuel de la HAC.
Ce 13 mars, le Mouvement pour la Défense de la Démocratie, nouvellement constitué pour contrer les dérives dictatoriales de Macky Sall, a trouvé un consensus national pour annuler sa marche. Pour y arriver, il aura fallu écouter tout le monde. En écoutant «ce tout le monde» la jalousie m’est montée au nez. La Palice le sait, on n’écoute quelqu’un que s’il parle. L’affaire Macky-Sonko a obligé le Sénégal à retourner à ses valeurs fondamentales pour interpeler tous ses fils. Alors tous.
Avant de recevoir Serigne Bassirou Mbacké Porokhane, émissaire du Khalife général des mourides, Serigne Mountakha Mbacké, et annuler sa marche du 13 mars, le M2D avait entendu successivement le président de la république, toute la classe politique de gauche, de droite, du centre et d’ailleurs, toute la société civile, toute la civilisation des anciens et des modernes, toute la profondeur de l’histoire du Sénégal profond. Parmi les exigences du M2D pour avoir sursis à sa marche, nous ne citerons que les trois premières:
1. Libérer immédiatement et sans condition tous les prisonniers politiques incarcérés et annuler toutes les poursuites contre eux.
2. Mettre en place une commission nationale indépendante, inclusive et ouverte à la société civile, à l’opposition et aux leaders religieux, entre autres, pour évaluer les réparations et les indemnités à accorder aux familles des victimes et évaluer leur bonne exécution.
3. Mettre fin immédiatement au complot politico-judiciaire fomenté contre Ousmane Sonko et s’abstenir de toute nouvelle charge contre lui: restituer son immunité parlementaire.
Puisque tout ceci a pu se réaliser quasi spontanément, je n’ai pu m’empêcher de me rendre à l’évidence que ma pauvre Guinée, «fière et jeune» depuis le 28 septembre 1958, reste le pays le plus avancé dans la décrépitude. Nous n’avons plus de valeurs historiques. La mort de Niane Tamsir Djibril le prouve largement. Quand Alpha parle, il s’adresse à des tortues. L’incompréhension est le seul facteur qui en émerge. Naturellement, il n’a encore appris ni la langue ni le langage des animaux qu’il a l’honneur de diriger. Répéter qu’il n’a aucun état d’âme ne règlera aucun problème parce qu’il s’adresse à une espèce d’êtres sans âmes.
On peut le dire: la Guinée n’est pas le seul pays en crise dans la sous-région ouest-africaine. La Côte d’Ivoire est en passe de mettre un terme à sa guerre civile par le dialogue des urnes. Derrière le Burkina, le Cap Vert, le Niger, le Ghana, le Nigeria, la Sierra Léone. Même le Bénin et la Guinée-Bissau sont sur la piste. C’est le comble. Non, je suis jaloux. Tant pis pour moi. Peut-être.
Diallo Souleymane