Décédé le 8 mars à Dakar, le Professeur Djibril Tamsir Niane a été inhumé ce lundi 15 mars, au cimentière de Kameroun après un symposium national organisé au Chapiteau, près du Palais du peuple de Conakry. Une cérémonie mise à profit pour lui rendre un dernier hommage, au regard de son inestimable contribution à l’enrichissement de la mémoire universelle.
En qui me concerne et à mon humble avis, la préface du livre «Pour une réconciliation nationale en République de Guinée» du professeur Ibrahima Sano publié en 2017 aux éditions SAEC, représente un vade-mecum pour les autorités en charge de la réconciliation nationale. J’en publie donc ci-dessous de larges extraits: «On assiste depuis quelques temps, et il faut s’en réjouir, à une approche plus poussée de la question de réconciliation nationale en Guinée. On sait enfin que de simples déclamations ne guérissent pas le mal dont souffre le pays. Il s’agit bien d’un problème de fond, qui oppose à la fois les hommes, les ethnies et les partis politiques. Dès la chute de la 1ère République, le problème de la réconciliation nationale a été posé après le coup d’Etat qui a mis fin à la Révolution. On entendit alors les enfants des victimes du Camp Boiro et autres prisons crier dans les rues de Conakry : Plus jamais ça ! Ils manifestaient, brandissaient les photos de leurs parents morts en prison. Le problème était ainsi posé à la face des Guinéens, à la face de l’opinion internationale. La 2ème République, en fin de compte, n’a pas su marcher vers cette réconciliation ; la Transition démocratique non plus n’a pas su s’y engager ; bien au contraire, d’autres crimes et dénis de justice s’ajoutèrent aux tueries et autres crimes de la 1ère République. Il faut dire que des entreprises ont été envisagées pour poser officiellement le problème. Et même un Ministère de la Réconciliation Nationale a été créé par la 2ème République. Mais aucune mesure n’a débouché sur la réconciliation des Guinéens, opposés les uns aux autres à travers les ethnies et les partis politiques.
Ainsi, peut-on dire que la réconciliation nationale était devenue un thème galvaudé ? Cependant, on assiste aujourd’hui à un approfondissement de la question. C’est ce qu’a entrepris la 3ème République sous la direction du Président de la République, Professeur Alpha Condé, par la création d’une Commission Provisoire de Réflexion sur la Réconciliation Nationale (CPRN). Celle-ci devait en fait plonger hardiment dans une mer ténébreuse, à la recherche de la vérité, de la vérité historique, pour que tout le monde l’appréhende. Cette commission est provisoire et la réflexion est placée en avant. Elle doit analyser des complots et autres dénis de justice, elle doit défricher la question et procéder à une critique profonde montrant tous les aspects de la question, à travers les régimes successifs que le pays a connus. Soulignons que la Présidente de la FIDH, Madame Souhayr Belhasssen, écrit : En créant le 15 août 2011 la Commission provisoire chargée de la réconciliation nationale, le Président de la République s’est engagé dans cette voie sans en changer l’avenir, tout au moins en laissant ouvertes les différentes portes qui mènent à cette réconciliation. Ce fut une sage décision tant la réconciliation ne se décrète pas, mais se construit par un processus tel que l’ont appris les peuples du monde ayant déjà parcouru ce chemin ardu mais essentiel pour la construction d’une Nation et d’un Etat respectueux de ses citoyens et de leur droit. Chacun est demandeur de la réconciliation en Guinée ; deux ou trois générations se sont succédé pendant que des frustrations et crimes se suivais au fil du temps. La réconciliation est la réponse de multiples maux.
– Il s’agit singulièrement de rompre avec la traditionnelle et rassurante opinion de ceux qui pensent que de simples discours et slogans suffisent à soigner le mal.
– Il s’agit également d’analyser les faits, les crimes et autres forfaitures et complots du passé, et tirer la conclusion qui s’impose. Pour cela, il faut procéder à une enquête ; créer un dialogue.» Fin de citation.
Il est donc loisible de constater que le défunt avait su camper et fixer la démarche devant aboutir à une véritable réconciliation entre les Guinéens. Il revient, encore une fois, aux autorités de prendre à bras le corps cette problématique essentielle.
Thierno Saïdou Diakité