Cinquante-trois pays demandent des comptes aux dirigeants de l’OMS après une affaire d’agressions sexuelles. A la mi-mai, de nouvelles accusations d’agressions sexuelles ont été portées contre des travailleurs humanitaires, notamment de l’Organisation mondiale de la santé, en République démocratique du Congo. Une cinquantaine de pays se sont dits « inquiets » vendredi 28 mai, au regard des allégations selon lesquelles des dirigeants de l’Organisation mondiale de la santé ont omis de signaler des cas d’agressions sexuelles par des membres du personnel de cette organisation et « frustrés » devant la lenteur et le manque de transparence de l’enquête.
A la mi-mai, de nouvelles accusations d’agressions sexuelles avaient été portées contre des travailleurs humanitaires, notamment de l’OMS, en République démocratique du Congo : « Nous avons exprimé notre inquiétude après des informations de médias suggérant que la direction de l’OMS était au courant de cas d’exploitation sexuelle, d’agressions et de harcèlement sexuel et a omis de les rapporter comme l’exige le protocole de l’ONU et de l’OMS, tout comme les allégations selon lesquelles des membres du personnel ont tenté d’étouffer ces affaires », est-il écrit dans une déclaration lue par le Canada au cours de l’Assemblée mondiale de la santé. Elle est signée par 53 pays dont les 27 Etats membres de l’Union européenne, les Etats-Unis mais aussi le Japon, l’Australie et le Brésil.
Des emplois en échange de relations sexuelles
Les pays membres et le secrétariat de l’OMS – y compris son directeur général, Tedros Adhanom Ghebreyesus – ont « débattu de ce sujet de façon vigoureuse et transparente » la semaine dernière, souligne la déclaration commune. Ce vocabulaire diplomatique traduit en général de vifs échanges. Les engagements pris par la direction de l’OMS au cours de cette réunion « doivent être le début d’un nouveau chapitre, qui reposera sur la célérité, la transparence et la prise des responsabilités », a mis en garde la déléguée américaine, Stephanie Psaki.
Selon une enquête rendue publique le 12 mai, menée conjointement par l’agence de presse spécialisée dans l’humanitaire The New Humanitarian et la Fondation Thomson Reuters, « 22 femmes de la ville de Butembo ont déclaré que des travailleurs humanitaires masculins intervenant dans le cadre d’une crise d’Ebola (…) leur ont offert des emplois en échange de relations sexuelles ».
En 2020, une enquête similaire avait fait état de 51 cas dans la ville de Beni, également en République démocratique du Congo. Quatorze de ces femmes « ont déclaré que les hommes s’étaient identifiés comme étant des travailleurs de l’OMS », ont souligné les enquêteurs, à propos de faits remontant à 2019.
Au total, six organisations et un ministère sont mis en cause dans ces agissements présumés de leurs employés : l’OMS, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), l’organisation caritative médicale Alima, l’International Rescue Committee (IRC), l’International Medical Corps (IMC) ainsi que le ministère de la santé de la République démocratique du Congo.
Une enquête de l’agence de presse Associated Press (AP) s’appuyant sur des courriels internes mettait en cause deux médecins travaillant pour l’OMS, dont l’un qui se vantait de ses liens avec le docteur Tedros. Ces deux médecins ont rejeté ces accusations. Selon AP, l’enquête a révélé que, « en dépit de leurs dénégations publiques, de hauts dirigeants de l’OMS étaient non seulement au courant de ces accusations d’agressions sexuelles en 2019 mais qu’on leur a aussi demandé comment réagir ». L’agence de presse cite nommément le docteur Tedros et Mike Ryan, le responsable des interventions d’urgence.
Un rapport attendu fin août
Vendredi 28 mai, le docteur Tedros a pris la parole avant la publication du texte et a rappelé qu’il avait mis en place une commission indépendante qui a commencé ses travaux sur ces allégations et qui doit rendre un rapport à la fin d’août. « Les enquêteurs ont le pouvoir de suivre les preuves où qu’elles les mènent », a promis le directeur général, reconnaissant que de nombreux pays membres sont « frustrés » par la lenteur des procédures et le manque de transparence. « Je sais que je parle au nom de tous mes collègues et de l’organisation quand je dis que nous prenons ces accusations très au sérieux. Y répondre et rectifier le tir sont l’essence même de ce que nous sommes », a ajouté le directeur général, qui vient seulement de lancer sa campagne pour sa réélection.
Mais clairement, les choses ne vont pas assez vite aux yeux des signataires. Stéphanie Psaki a exigé des informations trimestrielles et substantielles, sur l’état de l’enquête, mais aussi sur les actions concrètes entreprises par l’OMS.
Le Monde avec AFP