La Guinée est-elle en train de devenir une prison à ciel ouvert ? L’on est tenté de l’affirmer. Depuis que le Président Alpha Condé a été investi pour un 3e mandat, ses opposants subissent toutes les formes de persécutions. Alors que bien de ténors de l’UFDG, de l’ANAD et du FNDC croupissent en prison, d’autres qui sont encore libres sont empêchés de sortir du pays. Sidya Touré, son Chef de cabinet, Mohamed Tall (qui ont finalement pu sortir du territoire), Cellou Dalein Diallo, sa femme Hadja Halimatou Diallo, son vice-président Fodé Oussou Fofana, eux, sont toujours cloués à Conakry. Le président de l’UFDG, après avoir été bloqué deux fois à l’aéroport, voulait se rendre à Lomé pour participer à un colloque sur la monnaie ECO. Mais le procureur de la république près le tribunal de première instance de Dixinn vient implicitement de l’en dissuader. Sydy Souleymane N’Diaye, à travers un communiqué, a affirmé que les mesures d’interdiction qui frappent certaines personnalités de l’opposition restent maintenues. Il informe «l’opinion nationale et internationale que dans le cadre des procédures ouvertes à la suite de l’attaque et l’incendie du train minéralier de la compagnie RUSAL ayant entraîné des morts et de celles relatives aux violences avant, pendant et après l’élection présidentielle du 18 octobre 2020, que des dispositions sont en train d’être prises pour l’ouverture des procès. Il rappelle par ailleurs que, pour les nécessités de procédures, toutes les mesures d’interdiction de sortie du territoire ordonnées à l’encontre de certaines personnes en application de la législation en vigueur, sont maintenues et pourraient même s’étendre à d’autres, au besoin».
Mais le problème, c’est que cette mesure d’interdiction n’est ni écrite ni notifiée aux personnalités concernées. Pour Me Mohamed Traoré, un des avocats de l’UFDG, le parquet de Dixinn s’est emmêlé les pinceaux : «Le procureur n’indique pas à quelle date ces mesures ont été prises, il n’indique pas qui les a prises et ne donne pas les noms des personnes concernées par la procédure. Il ne dit même pas pour quels motifs il y a une interdiction contre ces personnes. Il y a juste simplement une volonté d’empêcher une personne déterminée ou ses collaborateurs de sortir du territoire, mais le procureur ne sait pas comment s’y prendre. Il y a quelques jours, on a dit que le procureur est au service du gouvernement…je pense que nous sommes en fin de compte obligés de reconnaitre que le procureur est effectivement au service du gouvernement».
Au tout début de cette affaire, c’est feu Lansana Sangaré, procureur de Mafanco, qui avait clamé publiquement avoir pris cette mesure contre Cellou Dalein Diallo. L’ancien bâtonnier, Me Traoré, fait des révélations : «Il n’y a aucune procédure pendante devant le TPI de Mafanco. Devant celui de Dixinn, certaines des personnes contre lesquelles une procédure a été ouverte, ont bénéficié d’un non-lieu, d’autres sont renvoyées devant la juridiction de jugement. Jusque-là, les personnes bloquées à l’aéroport ne font l’objet d’aucune poursuite pénale. C’est une volonté de donner une couverture légale à quelque chose d’illégale. Lorsque nous sommes allés voir le procureur de Mafanco, il nous a dit que la décision a été prise par le parquet de Mafanco. Quand nous avons insisté pour avoir une copie de cette décision…il a été obligé d’admettre qu’en réalité, une telle mesure n’existe pas et que c’est une situation qui lui tombe dans les mains sans qu’il ne sache réellement d’où est venue la décision ». C’est tout dire !
Yacine Diallo