La commune rurale de Banora, préfecture de Dinguiraye, était en ébullition dimanche 9 mai. Vers 17h, les jeunes et femmes de la localité étaient dans la rue pour protester contre ce qu’ils ont appelé les tracasseries des forces de défense et de sécurité dans cette ville minière. Tout a commencé par une opération de chasse aux étrangers, notamment les Burkinabés qui pulluleraient dans la zone. Ils sont soupçonnés d’exploiter illégalement des mines d’or, en complicité avec certaines autorités locales, éventuellement préfectorales. Mais au lieu d’interpeller « les étrangers », que l’on dit en fuite pour la plupart, les militaires sont accusés de tomber sur des fils du terroir pour les frapper avant de les transférer à la préfecture.
Dimanche 9 mai, un groupe d’hommes en tenue a mis la main sur deux jeunes de Banora qu’ils soupçonneraient d’être de mèche avec les Burkinabés. Ces jeunes détenaient du cyanure, produit que les Burkinabés utilisent dans les mines. Mais en réalité, c’est l’accumulation de plusieurs frustrations qui aurait fait déborder le vase. Bala Moussa Condé explique : « Ils ont arrêté mes deux jeunes frères et des filles qui vivaient avec les Burkinabés. Les militaires m’ont dit que les enfants leur ont montré de l’impolitesse. Je leur ai demandé de les libérer, le chef de mission dit que je peux appeler le Président de la République, qu’il s’en fout. Ils les ont amenés vers Léro. Les jeunes ont alors érigé des barricades, puis se sont attaqués au Point d’Appui, connu sous le nom de PA. Ce n’est ni la première ni la deuxième fois que ces militaires se livrent à ces bavures. Ils ne font aucune différence entre Guinéens et Burkinabé. Nous nous demandons d’ailleurs pourquoi ils en veulent à ces gens, ils n’ont rien fait de mal. En une semaine, ils ont frappé deux personnes. La population était en colère, elle cherchait un motif pour se révolter ».
Finalement, les manifestants ont affronté les forces de défense et de sécurité pendant une bonne partie de la soirée : jets de pierre contre gaz lacrymogènes. Ils ont saccagé le PA, le poste de police et la gendarmerie. Un adolescent a été tué par balle. « Il y a des tirs, et le jeune a été abattu. Un autre d’une trentaine d’années a été grièvement blessé. Il a été évacué sur Conakry ».
Le calme est revenu dans la localité ce lundi 10 mai. Les jeunes interpellés ont été libérés après une médiation des autorités préfectorales de Faranah, de Dinguiraye et du député uninominal de Dinguiraye. La victime a été enterrée après la prière de 14h. Mais selon Hassane Diallo, maire de la commune rurale de Banora, les populations sont encore terrées dans la brousse : « Le députés nous a assurés que les choses vont entrer dans l’ordre, mais les gens ont peur. Beaucoup sont encore dans la brousse, ils craignent des représailles. Nous avons appris hier nuit que des renforts venaient de Diguiraye. Nous avons appelé le ministre de l’Administration du territoire et le Gouverneur de Faranah, ils ont agi. Pour le moment, les renforts ne sont pas arrivés ici ».
Yacine Diallo