Le président de la République de Guinée affirme, réaffirme et confirme qu’il a hérité d’un pays sans État. Le président de la République affirme qu’il ne connaît pas les Guinéens. Le porte-parole du gouvernement de Monsieur Alpha Condé avait écrit et crié sur tous les toits que le président Alpha «n’a exercé aucune fonction dans l’administration, dans l’Etat. Donc c’est un homme sans expérience de l’Etat, de l’administration, de la gestion des hommes qui se retrouvent à la tête de l’Etat guinéen. Cela en soi-même constitue une menace et un risque majeurs pour la stabilité du pays» (Extrait de Alpha Condé est un danger pour la Guinée et une menace pour la sous-région, 20 septembre 2011. Signé Tibou Kamara). L’actuel chef de file de son opposition, choisi et trié sur le volet, affirme sans ambages qu’il n’a jamais été chef d’un quartier avant d’accéder à la Présidence…

Aujourd’hui et sous le magistère du président ci-dessus décrit par des proches collaborateurs, la présidence de la République de Guinée a plus de ministres conseillers, conseillers chargés de missions, et autres personnes aux fonctions non évidentes mais à la présence permanente et forte auprès du président de la République. Cet état de fait crée un désordre administratif dans le fonctionnement de l’administration qui est censée être le socle de l’Etat qui est inexistant, comme le reconnaît le chef du pays. Ce désordre se traduit par une absence de règles de fonctionnement des institutions et pouvoirs publics. Il se traduit également par la non spécification du rôle de ceux qui gravitent autour du président mais assument des rôles de premier plan. Cette situation est illustrée par des personnages dont les Guinéens ne connaissent ni le rôle ni la fonction mais qui ont une présence avec une préséance protocolaire mise en évidence auprès du chef du pays.

Tous ceux qui se hasardent à suivre les journaux de la RTG ont dû s’étonner de voir le président guinéen visiter des fermes en Ouganda avec, comme guide, le ministre ougandais de l’Agriculture, mais accompagné par un certain Mohamed Kagnassy qui n’est sur aucun organigramme de l’administration alors que le ministère de l’Agriculture en Guinée est rattaché au président de la République. Ce ministre délégué à la Présidence chargé de l’agriculture était aux abonnés absents dans cet élément. Être nommé ministre ne confère pas les attributs de la fonction chez Alpha Condé. La fonction est exercée par qui il veut selon son humeur. Il en est de même de la dame Chantal Colle qui apparaît aux côtés du président à des audiences où les ministres concernés sont parfois absents.

Nous assistons à un désordre administratif lié d’une part à l’absence de l’Etat, à l’informel qui caractérise le fonctionnement de l’administration, mais d’autre part et en réalité :

– à l’ignorance manifeste par le chef du pays, comme l’avait prévenu son actuel porte-parole, du fonctionnement des pouvoirs publics ainsi que des règles et procédures de gestions de l’administration publique.

– à ce qui peut apparaître comme un manque de confiance à l’élite nationale lorsque, sans nous voiler la face, nous observons ceux qui constituent la crème des conseillers de la présidence qui sont les vrais collaborateurs, il est aisé de constater que la préférence nationale n’est pas mise en évidence. Espérons !

Le désordre administratif est manifeste par un mélange des genres que vient de nous servir le Secrétaire Général aux Affaires Religieuses, rattaché à la Présidence, qui lance un appel à faire des sacrifices. C’est surprenant, étonnant et désespérant. Les affaires du culte relèvent de l’administration du territoire dans les structures étatiques. Dans ses obligations régaliennes, l’Etat, là où il existe, porte secours aux indigents, mais ne verse pas dans un charlatanisme théâtralisé par des actes administratifs référencés et archivés. C’est un précédent regrettable.

Il faut au Président deux conseillers :

-un pour lui rappeler ses cours de droits surtout administratif

-un pour lui dire ce qui ne va pas. Jean Louis Debré a dit que lorsqu’il entrait dans le bureau de Chirac, celui-ci lui disait «Dis-moi ce qui ne va pas car tous ces gens qui viennent me voir me disent que tout va bien».

Le chef qui est soucieux de son ministère, de sa gouvernance, devrait se préoccuper des anormalités et s’éloigner des courtisans ou les réduire à leur simple expression s’ils lui permettent d’exister autrement. Il est urgent d’amnistier les condamnés pour «délits d’envergure et de compétence» et chasser les flagorneurs qui encombrent les allées du palais de la République. C’est une urgence nationale.

Lansana Bangoura