Par Hawa Djan Doukouré, épouse de Fonikè Manguë,
Prisonnier personnel de M. Alpha Condé
Mon mari a été transporté trois fois à l’hôpital les jours passés. Il se plaint de douleurs abdominales certainement dues aux conditions de détention dans la prison d’Alpha Condé. Quand je suis allée le voir ce week-end, il a tenu à me donner un message pour les avocats qui suivent son dossier depuis le premier jour.
«Malgré que la procédure ne soit pas du tout une affaire de droit mais simplement une affaire politique; malgré que la justice soit aux ordres, malgré les risques financiers, certains avocats ont pris le courage de soutenir la vérité en restant du côté du peuple. Quand c’est comme ça, même le plus grand avocat du monde ne pourrait pas, à coup sûr, sortir son client de la prison car tout est téléguidé depuis le palais. Mais l’avocat pourrait montrer le caractère illégal et politique du procès afin de mettre à nu le machiavélisme qui se cache derrière cette justice de théâtre.»
Comme d’habitude, lors de cette visite à la maison centrale de Conakry, mon mari et moi avons abordé plusieurs sujets d’actualité socio-politique. Cette fois, il m’a spécialement parlé des avocats. Chérie, me dit-il, l’apport des avocats dans le combat que nous faisons est si titanesque que sans eux, notre lutte pour la démocratie serait presque impossible à mener en République de Guinée. Je te supplie de remercier ces avocats en notre nom, mais aussi celui du peuple de Guinée tout entier. Dis leur 1000 mercis pour tout ce qu’ils font pour notre pays, pour le bas peuple, pour les sans voix, pour la démocratie et pour l’avenir.
Dis-leur que l’histoire retiendra leurs noms dans le processus d’encrage et de consolidation de notre jeune démocratie et l’État de droit. Dis leur merci pour le temps de travail impayé, pour les frais de déplacement non remboursés, pour les risques pris dans une totale gratuité. Dis leur 1000 mercis d’avoir combattu le mensonge sans violence, d’avoir opposé l’argument à la barbarie, d’avoir essayé là où tout le monde a démissionné. C’est Dieu qui les paiera un jour à travers la reconnaissance populaire.
À mon tour de parler en ces termes: chérie, tu as vu juste, je confirme ce que tu dis et je le ferai volontiers, car je suis témoin de tout ce que ces patriotes font pour toi et pour le peuple de Guinée. Témoin comme tu le dis de leurs considérables apports pour la démocratie, droit de l’homme et l’État de droit en Guinée à travers des conférences, interventions dans les émissions et dans ces nombreux procès que le gouvernement guinéen t’a collés. Ils se sont battus lors des nombreuses arrestations accompagnées de fallacieux chefs d’accusations montés de toutes pièces par des procureurs au service du régime. D’ailleurs, j’ai ajouté que le porte-parole du gouvernement a confirmé la dernière fois dans une radio de la place que le procureur n’est pas au service de la justice, mais au service de la dictature en place.
De ta première arrestation au mois de juillet 2019 à la troisième, au mois de septembre 2020, en passant par celle du mois d’août 2020, j’ai compris réellement c’était quoi un avocat épris de valeur de justice car j’ai vu les apports considérables en termes de conseils et de défense déployés par ces hommes nobles. Comme quelques rares juges qui préfèrent leurs honneurs aux privilèges du régime, ces avocats n’ont jamais fait défaut dans le cadre de la défense de la vérité. On ne pourra jamais assez les payer pour tous les services rendus et tous les risques pris dans cette aventure.
Cette tribune serait l’occasion pour moi de rappeler à l’opinion nationale et internationale que ces avocats agissent au même titre que les activistes de la société civile, c’est-à-dire dans le plus grand bénévolat.
Pour cette raison, en notre nom et celui du peuple souverain de Guinée, je dis à leur groupe, Merci. Merci, Maitre Traoré, Maitre Salif Beavogui, Maitre Alseny Aïssata, Maitre Thierno Souleymane Barry et Baldé, Maître Pépé, Maitre Soumah, Maitre Salomon, Maitre Keita, Maitre Kouyaté, Maitre Abou et tous les autres dont je ne maîtrise pas les noms. Nous vous disons, main sur le cœur, 1000 mercis.
Hawa Djan DOUKOURÉ, épouse de Fonikè Manguë,
prisonnier personnel de M. Alpha Condé