Quelque 160 morts, hommes, femmes et enfants massacrés sans ménagement. Les terroristes ne se gênent plus d’aller et revenir à Solhan, dans le nord du Burkina Faso comme en territoire conquis. Les dernières attaques contre plusieurs détachements militaires dans la région du Sahel ne rassurent pas non plus les agents de police. Selon des sources locales, de nombreux policiers avaient décidé de quitter la ville de Djibo, chef-lieu de la province du Soum, semant la panique au sein des populations. Aux dernières nouvelles, le commissariat reste ouvert, même si une partie de l’effectif a déjà quitté la ville. «Dans un certain nombre de régions, la situation est inquiétante, il faut le reconnaître, estime le commissaire de police Rachid Palenfo, secrétaire général adjoint de l’Union police nationale. Cela nécessite que des mesures urgentes soient prises et nous avons arrêtés, à l’unanimité, trois résolutions que nous allons très rapidement ou soumettre au ministre de la Sécurité.» Les policiers dénoncent un manque d’équipement adéquat pour la lutte contre le terrorisme. «Les armes actuelles de la police sont inadaptées dans des zones de guerre», soulignent l’Unapol dans un communiqué. Pour le cas spécifique du Burkina, RFI a interviewé Mahamadou Sawadogo, un ancien gendarme qui ne mâche pas ses maux sur la situation sécuritaire dans le pays des hommes intègres :

Comment réagissiez-vous face à cette attaque d’une extrême violence ? 

D’abord, j’aimerais présenter mes condoléances au peuple éploré du Burkina et aussi lui dire que je suis affligé et presque sans mot face à ce drame lâche commis par des groupes armés terroristes. Et à l’heure actuelle, je suis convaincu que tous les Burkinabè sont meurtris dans leur âme face à un tel drame.

Maintenant, comment un tel drame a pu survenir ? Je pense que c’est lié à une succession d’événements et à une succession d’alertes pour lesquels les autorités n‘ont pas pris leurs marques, parce que Solhan et la zone du Mansila ont longtemps été abandonnés et étaient carrément sous le contrôle de ces groupes armés terroristes depuis déjà quelques mois, depuis le début de l’année 2021. Donc, ces derniers n’ont fait qu’agir en toute liberté, sans trop de compromis.

Pourtant à la mi-mai, le ministre burkinabè de la Défense, Chériff Sy, s’était rendu à Sebba, à une dizaine de kilomètres de Solhan, et à l’époque il avait estimé que la situation était revenue à la normale dans la région. Il faut croire que non ?

Oui, il faut croire que non. Parce que vue la proportion des personnes déplacées internes qui ont continué d’affluer de Solhan vers Dori depuis plus de trois mois, et vu aussi le nombre d’incidents qui continuent à avoir lieu dans ces zones, il est clair que la situation n’était pas sous contrôle.

Faut-il voir avec cette attaque une réponse adressée au gouvernement qui justement parlait de « retour à la normale » ?

Je ne dirais pas une « réponse ». Mais cela fait partie tout simplement de leur stratégie, de la stratégie des groupes armés terroristes, de frapper là où ils peuvent le faire.

Cela fait partie [de leur stratégie] de frapper en cette période, parce que c’est la saison des pluies. Le début de la saison des pluies coïncide avec une montée de la violence, parce qu’après, ils [les groupes armés] n’arriveront plus à se mouvoir comme il se doit. Donc le niveau de la violence monte, avant de baisser lors de la saison des pluies.

Un autre facteur qu’il faut prendre en compte, c’est le changement à la tête de l’Etat islamique. Cela peut aussi être un message du nouveau leader qui veut montrer qu’effectivement il a les mains solides et la poigne pour diriger ce nouveau groupe.

Selon nos informations en tout cas, les assaillants ont d’abord pris pour cible le poste des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) avant de s’en prendre au reste de la population. Est-ce que c’est un message adressé au gouvernement sur son « utilisation civile » dans la politique sécuritaire ?

Oui, on avait prévenu que l’utilisation des VDP allait exacerber la violence et aller orienter la violence vers les populations civiles. Donc effectivement, c’est l’une des conséquences. Et [le poste] des Volontaires pour la défense de la patrie est un des postes armés qui restait encore dans cette ville. Du coup, il suffisait tout simplement de déstructurer ce poste et la ville était à eux.

C’est aussi un message pour empêcher les populations d’adhérer massivement à cette dynamique-là qui a porté ses fruits, c’est vrai, dans certaines régions, mais qui dans d’autres, est en train d’exposer au maximum les populations civiles.

Concernant les faits : les premiers groupes armés sont aperçus aux alentours de Solhan vers 21 heures le vendredi et pour des premières confrontations pendant la nuit, vers 2 heures du matin. Est-ce qu’il n’y a pas un problème dans le temps d’intervention des forces de sécurité ?

Il faut remarquer que Solhan est à quelques encablures du Niger, dans une zone assez isolée et d’accès difficile, en tout cas pour les troupes à pied. Il ne restait plus à l’armée burkinabè que les aéronefs. Je ne suis pas dans le secret des dieux pour savoir de quels aéronefs dispose l’armée burkinabè, mais à mon avis, il y a peut-être un problème d’équipements, de logistique qui fait que l’armée n’arrive pas à intervenir à temps.

Mais par le sol, ça allait être difficile, au minimum il faut, pour les troupes, 4 heures de temps pour atteindre cette localité. Sans oublier qu’il y a des mines que ces groupes armés posent pour arrêter la progression des forces de défense et de sécurité. Apparemment, ils ont mis en place une stratégie imparable qui a permis de réussir leur coup.