Le 22 juin, Alpha Fodé Camara, employé de la société ODHAV, sise à Dubréka, a subi un accident de travail et a été gravement blessé par le liquide du fer fondu avant de succomber le 25 juin.
Dame Hawa Diabaté, l’inspectrice préfectorale de travail de Dubréka, est revenue sur les circonstances de l’accident sur FIM FM ce mercredi 30 juin, après avoir visité l’usine la veille. Selon elle, l’accident s’est produit le 22 juin aux environs de 21 heures. «Nous avons été informés de l’accident par la Direction générale de l’entreprise le 24 juin. C’était lors du transport d’une marmite qui contient du liquide de fer fondu destiné à la fabrication de lingots de fer. La marmite devrait être déposée par terre pour le nettoyage. C’est lors de la pose de la marmite qu’elle s’est déséquilibrée et le contenu du liquide de fer a éclaboussé Alpha Fodé Camara, qui n’avait pas respecté la distanciation indiquée. Le matériel qui sert au nettoyage prend environ 12 m de dimension, s’il avait respecté cette distance, il aurait pu être sauvé. Quand l’accident est survenu, il portait les EPI (Equipements de protection individuel). C’est pourquoi il n’a pas succombé sur le coup. C’est après deux jours d’hospitalisation à l’hôpital qu’il a rendu l’âme».
Des défaillances
L’inspectrice a dénoncé néanmoins des défaillances au niveau de l’entreprise : «Il y a eu des défaillances comme la tenue régulière des équipements de sécurité avant de commencer les travaux. Après les enquêtes, nous allons faire des recommandations pour ne pas que cela se répète». Quid des sanctions ? «Après les enquêtes qui sont en cours, s’il s’avère que la société est responsable de la mort du jeune, elle sera sanctionnée», a martelé Hawa Diabaté.
A la suite de l’inspectrice, Benno Haba, responsable de la cellule santé et sécurité s’est aussi confié à FIM FM. « Hier (mardi 29 juin Ndlr), nous avons trouvé que l’entreprise a été fermée. Nous n’avons donc pas pu terminer les enquêtes à cause de l’absence des témoins. Nous avons échangé avec la Direction générale, qui va nous mettre en contact avec les témoins pour l’évolution des enquêtes afin de tirer les conclusions. Le lieu de l’accident a été balisé et nous continuons les enquêtes. Il y a eu des accidents antérieurs au sein de l’entreprise ODHAV, mais il faut aussi souligner qu’il y a eu beaucoup d’améliorations après nos recommandations».
Versions contradictoires ?
Le 29 juin, Alsény Sylla, le Secrétaire général du ministère de l’Industrie, a donné deux versions différentes sur les circonstances de la mort du jeune Alpha Fodé Camara. Pour un premier temps, il indique que la victime était au téléphone quand il a été en contact avec le fer fondu à 380°C. «J’ai interrogé le Directeur général de l’ODHAV, qui m’a dit que c’est un ouvrier du nom d’Alpha Fodé Camara, qui était sur une ligne, où après la fusion du fer, il y a la coulée de cette fusion qui circule sur une bande. Le monsieur était au téléphone, entre-temps, il s’est retrouvé en face de la coulée qui est à 380°. Il a donc eu des brûlures graves et en est mort après trois jours d’hospitalisation», a-t-il déclaré dans l’émission Mirador de FIM FM.
Plus tard, il dira avoir obtenu de nouvelles informations sur les circonstances du drame. « Dans le schéma de production, il y a deux marmites où il y a des fonderies. Le métal est fondu dans une première marmite, il passe par un treuil pour aller se déverser dans la deuxième marmite. Et pendant ce trajet-là, il y a toujours une sonnerie qui retentit le long du trajet. Et quand il y a cette sonnerie, il est demandé à tous les travailleurs de quitter la zone. Malheureusement, Alpha Fodé Camara n’a pas porté attention à cette sonnerie. Et là, nous sommes face à une solution qui est de 1500°C ».
ODHAV multi-industries, aux multiples problèmes
En décembre 2018, une explosion au sein de la même unité industrielle, spécialisée dans la fabrication de fer à béton, pointes, fils d’attache, avait fait trois morts et une dizaine de blessés parmi le personnel. Outre ces accidents mortels, les travailleurs se plaignent régulièrement des conditions de travail que leur impose la direction d’ODHAV Multi-industrie. En mai 2019, ils s’étaient transportés au ministère de l’Industrie et des PME pour exprimer leur colère à Tibou Kamara. «Nous sommes venus dire au ministre d’intervenir rapidement entre nous et la direction générale. Au cours d’une récente visite de terrain, le ministre a été suffisamment informé de ce qui se passe là-bas et des efforts fournis pour rapprocher les différentes positions. Mais jusqu’à présent, la direction générale n’arrive pas à respecter ses engagements vis-à-vis des travailleurs que nous sommes. Elle s’est en outre livrée actuellement à des arrestations de nos collègues pour des raisons que nous ne connaissons pas. Aujourd’hui, plus de 20 des nôtres sont emprisonnés à Dubréka. Nous sommes venus donc dire au ministre d’intervenir le plus rapidement possible», avait déclaré à l’occasion le porte-parole des travailleurs mécontents.
Attendons de voir si pour une fois les enquêtes iront à terme.
Baïlo Diallo