Alors qu’une partie du pays est placée en état de siège depuis début mai, un journaliste directeur de radio a été menacé à son domicile pour avoir diffusé un reportage sur les exactions perpétrées à l’encontre des civils par les forces armées. Reporters sans frontières (RSF) exprime sa plus vive inquiétude face à cette tentative d’intimidation qui marque un nouveau recul en matière de sécurité des journalistes dans le pays.

Cela fait près de deux semaines que Parfait Katoto, directeur de la radio communautaire de Biakato, se cache. Le 29 mai au soir, quelques heures seulement après avoir diffusé un reportage sur les vols commis par les forces armées présentes à Biakato dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) depuis le début de l’état de siège le 6 mai, un militaire est entré par effraction à son domicile alors que le journaliste venait de rentrer. Selon le journaliste joint par RSF, le militaire portait une tenue similaire à celle arborée par les forces armées de de la RDC (FARDC). Le soldat lui a volé son téléphone, des documents d’identité et un peu d’argent, avant de le menacer de mort pour avoir diffusé le reportage. 

Le journaliste a indiqué ne pas être retourné chez lui ou dans les locaux de son média depuis par peur de représailles. Il n’a pas souhaité porter plainte en raison du contexte local actuel. La zone de Biakato est située dans l’Ituri, une des deux provinces soumises à l’état de siège où un système de justice militaire est en place depuis plus d’un mois et jusqu’à fin juin au moins en raison du climat de violence qui règne dans la région. 

Joint par RSF, John Bebwa, le commandant FARDC de Biakato, a indiqué ne pas être informé de la situation du journaliste et estimé que les «accusations» portées contre les militaires par son média étaient «sans fondement.»

«L’état de siège ne doit ni nourrir un sentiment d’impunité chez les militaires, ni servir de prétexte pour réduire au silence un journaliste qui travaille déjà dans un contexte sécuritaire très précaire dans l’est de la RDC, déclare le responsable du bureau Afrique de RSF, Arnaud Froger. RSF condamne fermement les menaces proférées à l’encontre de Parfait Katoto et tient les autorités militaires locales responsables de son sort et de sa sécurité.»

Les atteintes à la liberté de la presse et à la sécurité des journalistes sont fréquentes dans cette partie du pays. En 2019, dans la province d’Ituri, Papy Mahamba Mumbere, présentateur de la radio communautaire de Lwemba, avait été assassiné sous les yeux de sa femme après avoir animé une émission sur la riposte contre la maladie à virus Ebola (MVE).  En février 2021, Nanou Kazaku, journaliste pour la radio UB-FM à Goma dans la province du Nord-Kivu, a été blessée par balle alors qu’elle couvrait une manifestation. Plus récemment, en mai dernier, le général Aba Van Ang avait demandé à ses troupes de retrouver le journaliste Paluku Riky pour le «fouetter» et le «punir» pour une publication sur sa page Facebook évoquant des tirs de militaires sur un civil dans cette province du Nord-Kivu.

La RDC occupe actuellement la 149e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2021.

Reporters Sans Frontière