Ancien homme fort de l’Algérie, Abdelaziz Bouteflika est décédé le vendredi 17 septembre dernier à l’âge de 84 ans. Omniprésent dans la vie politique algérienne durant des décennies, mais devenu quasi-invisible depuis un accident vasculaire cérébral (AVC) en 2013, Bouteflika n’avait donné aucun signe de vie depuis que le mouvement de contestation populaire du « Hirak » et l’armée l’ont contraint à la démission.
En effet, en avril 2019, il avait renoncé au pouvoir sous la pression de l’armée et de la rue. Sa chute était devenue inéluctable après des semaines de manifestations massives contre sa volonté de briguer un cinquième quinquennat, après 20 ans au pouvoir, malgré sa maladie.
Et depuis 2019 et sa chute spectaculaire, il vivait retranché dans la solitude dans sa résidence médicalisée de Zeralda, à l’ouest d’Alger.
Parcours politique
À l’indépendance de l’Algérie, en septembre 1962, il devient, à 25 ans, ministre de la Jeunesse et du Tourisme dans le gouvernement du président Ahmed Ben Bella. Membre de l’Assemblée nationale constituante, il est élu député de Tlemcen aux première et deuxième Assemblées législatives. Après le congrès du FLN d’avril, il est nommé membre du Comité central et du bureau politique du FLN17.
Septième président de la République démocratique et populaire d’Algérie, Bouteflika est l’homme politique qui a exercé le plus long mandat à la tête de l’État. Son itinéraire se confond avec l’histoire récente du pays, depuis la lutte pour l’indépendance jusqu’à son projet phare de réconciliation nationale.
À partir de l’année 1963, il est appelé à effectuer de nombreuses missions à l’étranger comme ministre des Affaires étrangères par intérim. En juin 1963, il est confirmé dans ses fonctions, qu’il conserve jusqu’à la mort du président Houari Boumédiène. Après son limogeage, le 28 mai 1965, par le président Ahmed Ben Bella, il est partie prenante du coup d’État du 19 juin 1965. Trois ans après, il conclut avec la France, au nom de la République algérienne, l’accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, pierre angulaire de la politique de grande émigration algérienne.
Pendant son mandat, Bouteflika — plus jeune ministre des Affaires étrangères au monde à l’époque — fait de l’Algérie un pays porte-parole du tiers monde et l’interlocuteur privilégié dans les rapports entre le Nord et le Sud. Au cours de la même période, il obtient sa plus grande consécration en présidant la 29e session de l’Assemblée générale des Nations unies en 1974.
Président de la République
En décembre 1998, il fait part de sa décision de se présenter, en qualité de candidat « indépendant », à l’élection présidentielle anticipée de 1999. Bouteflika est élu président de la République avec 73,8 % des voix à l’issue d’un scrutin au cours duquel tous ses adversaires se retirent pour dénoncer les conditions d’organisation du vote. Il succède ainsi à Liamine Zéroual, le 27 avril 1999.
Il est réélu en 2004, au premier tour de scrutin, avec 84,99 % des voix.
Le Parlement algérien vote à main levée, le 12 novembre 2008, la modification de la Constitution (500 oui, 21 non, 8 abstentions). Parmi les changements figure le retrait de la limite de deux mandats consécutifs qu’un président peut exercer. Abdelaziz Bouteflika annonce lors d’un rassemblement à Alger, le 12 février 2009, qu’il est candidat à sa succession lors de la prochaine élection présidentielle. Il est réélu pour un troisième mandat dès le premier tour, le 9 avril 2009, avec 90,24 % des voix.
Après ses divers problèmes médicaux, les observateurs politiques estiment que Bouteflika quittera le pouvoir au terme de son troisième mandat, qui s’achève en 2014. Mais la perspective que Bouteflika se présente à l’élection présidentielle de 2014 refait surface début septembre 2013, lorsqu’il entreprend un remaniement ministériel au bénéfice de proches et démantèle les puissants services de renseignements (DRS) en leur retirant plusieurs secteurs stratégiques (information, communication, sécurité de l’armée, etc.), désormais rattachés à la justice militaire. Désigné candidat du FLN en novembre 2013, il est réélu pour un quatrième mandat le 17 avril 2014, avec 81,5 % des suffrages exprimés ; son principal rival, Ali Benflis, recueille 12,3 % des suffrages.
En dépit de son état de santé, pris en otage par son clan, qui avait la réalité du pouvoir, Bouteflika brigua un cinquième mandat contesté par les Algériens. Et comme l’histoire se fiche pas mal de certaines contingences, l’impotent président devait se rendre à l’évidence pour démissionner. Triste fin pour un homme, qui à un moment donné força l’admiration de toute l’Afrique.
Thierno Saïdou Diakité