(Par Thierno Ibrahima Barry Américain)

Dans l’histoire récente de la Guinée et du Monde, le mois de septembre n’est pas un mois qui laisse indifférent ; je suis tenté de dire que ce n’est pas un mois comme les autres, tant il nous a livré d’évènements marquants, événements tantôt très malheureux, tantôt très heureux.

Les évènements malheureux : le 1er septembre 1939, début de la Seconde Guerre Mondiale suite à l’envahissement de la Pologne par Hitler ; le 12 septembre 1970 aussi appelé  « Septembre Noir* », début du conflit entre l’OLP de Yasser Arafat et la Jordanie qui fait plus de 10 000 morts ; le 11 septembre 2001, la plus grande puissance du monde, les Etats-Unis d’Amérique, subit la plus spectaculaire des attaques terroristes avec comme point d’orgue les images troublantes des tours jumelles qui s’effondrent comme des châteaux de cartes ; le 28 septembre 2009, les massacres, tueries et viols perpétrés en plein jour au Stade du 28 septembre de Conakry, par les forces de l’ordre, sur des citoyens chantant et dansant pour exprimer leur soif de démocratie  et de justice.

Les évènements heureux : 28 Septembre 1958, la Guinée dit NON à la « Communauté » franco-africaine et OUI à l’Indépendance. Ceci représente le coup d’envoi des indépendances des colonies françaises d’Afrique. Le 5 septembre 2021- date désormais historique- l’armée guinéenne met fin à la barbarie instaurée le pro-faussaire Alpha Condé. En passant, Avis d’appel d’offres aux médias pour nom à cet évènement. Pour aider cinq exemples : «Printemps de la forêt des arbres construits » ; « L’assaut final à Sékoutoureyah » ; « Fin de récré pour le barbare de Mandela de l’Afrique de l’Ouest » ; « Fin de la mafia du gré à gré » ; « Guinée, enfin la Liberté ! » 

Après l’arrestation et l’assignation à résidence surveillée du « Prési pilleur », frappant est le soulagement des Guinéens, toutes ethnies et régions confondues. Les langues commencent à se délier, ça n’en finit pas de dévoiler toutes les entreprises machiavéliques ourdies du côté de « SékouTouréyah* ».

Dans les quartiers et bureaux, il se dit que « quel que soit ce qui se passera, rien ne pourra être pire que ce que la Guinée et les Guinéens ont vécu, ces 10 dernières années la situation était devenue d’autant insupportable qu’elle était supportée par une grande partie de la Communauté internationale.  

Chut : faut pas que le CNRD l’entende il risquerait de dérouler un programme minimaliste !

Allez, c’était juste une boutade. Nous osons croire que le CNRD, qui a déjà lancé des signaux forts, nourrit de nobles ambitions pour notre pays.

Parmi ces signaux, deux suscite l’adhésion des Guinéens et des observateurs internationaux : le recueillement du CNRD au cimetière de Bambéto (cimetière des victimes des manifestations pacifiques récurrentes sur l’axe Cosa-Bambéto appelé l’axe du mal ou axe de la démocratie, c’est selon), ensuite au Stade du 28-Septembre où sont tombés près de 160 hommes, femmes et adolescents. Ces gestes prouvent la détermination du CNRD à rompre avec les pratiques du passé, à faire de la « justice sa boussole », à construire un État de droit, à réconcilier les Guinéens. Tous les régimes qui se sont succédé depuis 1984 n’ont pas du tout fait cette rupture ou l’ont faite de manière diluée.

Qu’on se le dise, les deux autres signaux lancés par le CNRD (la visite du mausolée de Camayenne sur la tombe de Sékou Touré et celle de Bourémaya sur la tombe du Général Conté) ont été diversement compris. Les uns y ont vu une sorte d’allégeance, de reconnaissance ou de « blanchiment » de ces deux anciens présidents.  D’autres, plutôt une volonté de retour à nos valeurs culturelles : la tolérance, le respect des aînés et des anciens.

Quoiqu’il en soit, la forme de la démarche du CNRD ne laisse pas indifférent. Au-delà d’une certaine « élégance », la modestie et l’humilité ont prédominé.

La photo avec Hadja Andrée Touré a ému: on voit le colonel Mamadi, béret rouge ôté, une petite fille sur ses genoux, écoutant avec beaucoup d’attention la première Première Dame. Cela n’est pas courant dans la sphère des premiers magistrats des pays africains !

Malheureusement, le discours de circonstance sous forme de conseils de veuve du premier Président guinéen, loin d’être complet, a occulté la période sombre du règne de son défunt mari. Nulle mention des dérapages, des assassinats, de l’arbitraire et du décalage entre le discours et la réalité. Elle s’est cantonnée à la période où « Prési » nous faisait rêver, des rêves de révolutionnaires. Quoi de plus beau en effet pour un ado ! collégiens et lycéens de Conakry et Labé avaient « côtoyé » bon nombre des grands de ce monde en visite en Guinée : le Che, Belafonte, Myriam Makeba, Stockely Carmichael, pas moins de 15 chefs d’Etats africains de l’époque, et Abdel Aziz Bouteflika. J’ouvre une parenthèse sur ce dernier, à l’époque, il dégageait autre que les images de l’homme diminué et obsédé du pouvoir. Ce jeune et élégant ministre des Affaires étrangères, ses discours faisaient la fierté de l’Algérie et l’Afrique. Si seulement, … si seulement… (merci Édith Lefel) l’Homme du 28 Septembre 1958 n’avait pas dévié de la ligne de Panafricaniste défenseur sourcilleux des intérêts des peuples du Continent ! Hélas ! il s’est embourbé dans « les complots permanents » pour éliminer tous ceux de ses compagnons osant lui donner un avis. Il a donné carte blanche à des princes machiavéliques et cyniques comme Ismaël Touré, exécuteurs des sales besognes perpétrées dans le tristement célèbre Camp Boiro. Non, on ne peut pas passer tout cela sous silence, par respect pour toutes les familles endeuillées et les millions de Guinéens exilés !

Voici quelques conseils qu’Hadja Andrée Touré’ aurait dû prodiguer au Colonel Mamadi : « En ce moment, tu es certainement animé de bonne volonté pour le bien de la Guinée, mais tu dois prendre garde ne pas t’égarer comme mon mari. En effet, la route est parsemée d’embûches : égo, désinformation, obstination, pressions, tentation de se placer au-dessus des lois, instrumentalisation des Institutions et autres dérives »

Les Guinéens de l’époque ont vécu des événements qui pourraient être de la fiction comme les fameuses « Conférence de la bouche ouverte » organisées par le Responsable Suprême de la Révolution. Le principe de ces conférences étant de pouvoir tout dire, sur tout et sur n’importe qui ; en théorie la parole donnée au Peuple. J’ai justement eu l’occasion de participer à une conférence qui se tenait à Labé. A cette occasion, près de 11 intervenants sur 15 ont dénoncé les agissements, les abus et le comportement arrogant et méprisant d’un certain Emile Cissé, véritable génie du mal. Le Principal du Collège de Labé faisait et défaisait les ministres, enrôlait et abusait de toutes les filles qui lui plaisaient.

Le Prési avait tourné en dérision et en bourrique tous les intervenants qui avaient osé dénoncer M. Émile Cissé ou se plaindre de lui. Résultat : M. Emile Cissé a pris des galons, a continué de plus belle sa sale besogne. Et un jour, le système, le trouvant désormais trop encombrant, l’arrêta et le tua.

Dans les prochaines semaines, les Guinéens vont très certainement aborder le processus de la Réconciliation Nationale. J’ose croire que cette fois ci nous accepterons de nous remettre en question-mes frères, nous en avons besoin-, de reconnaitre nos erreurs, de présenter des excuses, si nécessaire, de panser les plaies ouvertes, enfin, de nous réconcilier. Nous pourrons ainsi affronter les défis du développement économique et social tant souhaité.

Le CNRD vient de promulguer la Charte de la TRANSITION. On dit que chat échaudé craint l’eau froide. Les Guinéens ne sont pas des chats mais échaudés par les différents régimes et transitions qui se sont succédé, ils n’achètent plus chat en poche. Pour éclairer notre lanterne sur certaines de ces questions, «Mme Septembre »  a daigné nous accorder une petite interview dont un extrait :

TIB : Mme Septembre, la question qui fâche : Le CNRD sera-t-il encore aux commandes en septembre 2022 ?

Mme Septembre : Oui ! En septembre 2022, le CNRD sera aux commandes, vous comprendrez qu’un an est un minimum pour atteindre les objectifs assignés : réformer, remodelage le Guinéen qui ne sera plus ethnocentriste, égoïste, opportuniste ; il faudra poser les bases d’un État de droit où prévalent la justice et l’équité ; préparer et «réparer » les Institutions (CENI, Assemblée Nationale, Cour Constitutionnelle, etc.) pour qu’elles ne soient plus manipulables, ce qui est essentiel pour la bonne gouvernance. Souvenez-vous de la prestation de serment tronquée d’Alpha Condé suivie de l’éviction et du lâchage par ses pairs de Kéléfa Sall, alors Président de la Cour Constitutionnelle. 

TIB : Mme Septembre, excusez-moi de vous interrompre, avant que vous n’abordiez le volet économique du chantier du CNRD et des Guinéens, je souhaiterais votre réponse sur la durée précise de la transition. Je conviens que la Guinée est un pays en ruine : pas de routes (même dans Kaloum au cœur de la capitale), pas d’électricité, pas d’eau. Manger des fruits et des légumes est un luxe, les prix de ces denrées ont flambé. Mais revenons à la durée de la transition.

Mme Septembre : Vous insistez. Nous sommes aujourd’hui le 1er octobre 2021, je vais donner les coordonnées email et WhatsApp de mon frère Octobre, il pourra peut-être vous répondre. Au revoir et à bientôt.