Le Guinéen manque d’humilité, même devant l’évidence, il prend toujours son courage à deux mains pour justifier l’injustifiable. Lors de la prestation de serment du prési de la Transition, le Colonel Mamadi Doumbouya, Laye-M’a-dit, le prési de la Basse cour suprême a dénoncé la modification constitutionnelle de mars 2020 et dépeint le simulacre d’élection présidentielle qui en est résulté le 18 octobre 2020. Un ancien commissaire sans grade de la CENI dissoute, maître d’œuvre de cette mascarade, a essayé de douter et de faire douter avec lui les Guinéens, des propos tenus par le premier prési de la Basse Cour suprême. Quelle ineptie !

Devant le prési de la Transition, le prési de la Basse Cour suprême a rappelé ceci : «La modification contestée de la constitution de 2010 a permis, malgré une opposition farouche et généralisée, l’élection présidentielle controversée de 2020 pour un troisième mandat indésiré dont la conséquence a été la douloureuse crise postélectorale qui a occasionné le déchirement atroce du tissu social guinéen. Cette élection présidentielle de 2020 s’est déroulée dans un climat politique et social délétère, nous imposant les spectacles affligeants et d’actes intolérables consécutifs de graves infractions ayants entraîné de nombreuses pertes en vies humaines et de destructions de biens publics et privés. L’irrégularité qui a marqué le scrutin a été d’une amplitude telle qu’elle a altéré sa sincérité et sa crédibilité et a donné lieu au déferlement de contestation et de passion si possessive que l’unité nationale, la solidarité séculaire entre les ethnies et les familles, l’espoir des jeunes et des femmes, la volonté d’émergence économique et de progrès social s’en sont trouvés annihilées». Toc ! Syma aura résumé le hold-up électoral du 18 octobre 2020. Alpha Grimpeur, le prisonnier VIP du Colonel-présient et ses partisans, regrettent sûrement leur institution aux ordres qu’était la Cour Constitutionnelle de Mohamed Lamine Bangoura.

Chez nos confrères de FIM FM, le 4 octobre, Mamady 3 Kaba, ancien porte-voix de la CENI, a essayé de se blanchir et en même temps sauver l’honneur, s’il existe, de l’institution électorale qu’est la CENI. «Je n’ai posé aucun acte à la CENI qui soit contraire à la loi et je suis prêt que la contradiction me soit apportée et que j’ai le droit de me défendre», a martelé Mamady 3 Kaba. Même que si c’est à reprendre, il reprendra avec plus de motivation parce que c’est pour servir la Guinée. «A la CENI, j’étais animé de deux courages : premièrement, c’est servir ma nation avec dévouement ; deuxièmement, c’est par souci de responsabilité. Je ne négocie pas ces deux aspects là». Mon œil ! Sauf que ses multiples casquettes ne plaident pas en sa faveur. Avant qu’il soit à la CENI, il a défendu bec et ongles l’adoption d’une nouvelle constitution au point de bénéficier d’une promotion à l’Assemblée nationale COVID-19 de Damaronron.

Est-ce que les résultats publiés par la CENI reflétaient parfaitement ceux sortis des urnes ? «Je l’affirme, on peut ne pas me croire mais je donne des preuves. Premièrement, ce sont les bureaux de vote, ensuite ce sont les CACV, puis c’est la Commission nationale de centralisation des votes. Le processus, c’est à ces niveaux. Dans les bureaux de vote, chaque candidat a un délégué ou est représenté, dans les CACV, dans la commission nationale de centralisation des votes qui est à la CENI, qui reçoit tous les PV des 38 CACV au plan national et des sept CACV, au plan externe. Dans cette commission, tous les candidats étaient représentés. D’ailleurs, nous avons fait violence sur nous d’ouvrir cette commission à d’autres personnes qui ne devraient pas y être. Simplement parce que nous avons voulu que ce processus soit caractérisé par une transparence absolue. Je vous fais une confidence, le dernier jour de cette commission de centralisation, les délégués des partis politiques qui étaient présents ont témoigné de ce qu’ils ont vécu, ils ont témoigné que le processus qui s’est déroulé en leur présence mérite d’être salué. Ces délégués peuvent témoigner de leurs propos en toute honnêteté». Sur la victoire annoncée d’Alpha Grimpeur, il est sans ambages : «Je le dis haut et fort, je l’assume. C’est Alpha qui l’a gagné».

Sur les propos de Syma, il a bégayé en ces termes : «J’ai vraiment un grand respect pour ce monsieur, ce grand magistrat. Cependant, je voulais juste que ces irrégularités soient quand même citées dans ce discours. Parce que quand c’est dit ainsi, moi je reste sur mes attentes parce que j’aurais quand même souhaité que quelques unes de ces irrégularités soient posées. En tout état de cause, j’ai un grand respect pour Syma qui ne date d’aujourd’hui. Il ne faut pas qu’on oublie qu’on avait une autre institution constitutionnelle qu’est la Cour constitutionnelle dont je ne peux absolument rien dire en ce qui la concerne. Ce que je veux dire, c’est que c’est une institution constitutionnelle qu’est la Cour constitutionnelle qui a été saisie du contentieux de cette élection présidentielle, qui a examiné et qui a proclamé. Parce que l’arrêt de la Cour constitutionnelle comporte soit l’annulation du scrutin, soit la proclamation des résultats définitifs. Donc, c’est la Cour constitutionnelle qui a agi ainsi. Nullement, on peut imputer ça à la CENI».

Ce que Kabako ne dit pas !

L’ancien porte-voix de la CENI n’a pas eu le courage ou l’honnêteté d’avouer que certains de ses collègues commissaires s’étaient retirés de la Commission nationale de centralisation des votes, basée à la CENI, pour dénoncer les graves anomalies constatées dans l’organisation de l’élection présidentielle du 18 octobre 2020. Ils estimaient que ces anomalies affectaient la sincérité des résultats provisoires proclamés par la CENI. Ceux-ci avaient même fait part aux autres commissaires, dont lui Mamadi 3 Kabako, de leur préoccupation. Ces anomalies citées sont entre autres : la mauvaise foi dans l’interprétation des textes de loi, notamment la Loi 044 et la loi portant Code électoral révisé ; l’implication de l’administration dans tout le processus, au point d’en être en réalité, le principal organisateur des élections en Guinée en lieu et place de la CENI qui en porte le chapeau. La CENI bis pilotée par Kirdi Kirdi Bangoura et le fameux Kakoro à la Cité des Nations en est la preuve. Ils avaient aussi dénoncé le manque de recours contre les mauvaises décisions de la CENI ; le chronogramme qui a volontairement annulé l’affichage des listes électorales ; la cartographie électoral qui a pénalisé de nombreux électeurs privés de leur droit de vote ; la conception, la confection et la gestion des documents électoraux en dehors de la CENI et hélas en son nom.

Lors de la totalisation des votes au niveau de la CENI centrale, ils avaient démontré que des PV étaient introuvables et leur situation n’était pas connue parce qu’ils n’ont été ni écartés, ni annulés. Cela concernait beaucoup de circonscriptions électorales comme Matam avec 18 PV de bureaux de vote, Matoto avec 10 PV de bureaux de vote, etc. Des écarts ont été également constatés entre le nombre total de suffrages exprimés et la somme des suffrages obtenus par l’ensemble des candidats, sans justification sérieuse de ces écarts qui ont d’ailleurs été déversés sans aucune base juridique et légale sur le nombre de bulletins nuls ; le seul but étant de faire correspondre les chiffres afin d’obtenir un pourcentage de 100%. Les exemples d’écart de 352 pour Matam et 4 229 pour Matoto sont l’illustration. Pour masquer les anomalies liées à la non correspondance des chiffres entre le nombre total de BV, le nombre de BV pris en charge et le nombre de BV écartés, la CENI a décidé au deuxième jour des travaux de totalisation, de déverser le nombre de BV dont les PV sont introuvables dans le total des BV pris en charge, à tort. Ce qui est anormal et sans base juridique.

Un autre constat, les résultats issus des fameuses CACV présentaient des données très effrayantes, difficiles à expliquer pour certaines. Il y a plusieurs préfectures pour lesquelles plusieurs dizaines de BV n’ont pas été pris en charge, annulant ainsi le droit de vote de tous les électeurs ayant voté dans ces bureaux de vote. La préfecture de Boké était en tête de cette liste avec 104 bureaux de vote non pris en compte, en prenant une moyenne de 500 électeurs par BV, cela faisait 52 000 électeurs dont le vote a été annulé par la non prise en charge de leur bureau. C’est un secret de polichinelle qu’écarter un bureau de vote était l’arme pour faire gagner ou inverser des résultats parce que cette technique était très utilisée par les CACV pour écarter les PV des BV où un candidat (autre que celui du RPG) a gagné.

Le taux de participation de l’intérieur de la Guinée était de 79,63%. Ce qui démontre la forte mobilisation des Guinéens pour cette élection présidentielle. Sauf que ce taux de participation était très différent d’une circonscription à une autre, certaines régions affichaient des taux insolents tandis que d’autres se trouvaient autour de la moyenne. On note les 10 circonscriptions avec les taux de participation les plus élevés : Faranah, 100,14% ; Kouroussa, 99,98% ; Siguiri, 99,00% ; Mandiana, 98,91% ; Kérouané, 98,74% ; Beyla, 90,02% ; Kissidougou, 89,46% ; Macenta, 89,34% ; Kankan, 89,23% et Labé avec 88,56%.

Ces quelques manquements cités ci-haut prouvaient que le scrutin du 18 octobre 2020 souffrait de trop d’anomalies pour garantir la fiabilité et la sincérité des résultats provisoires que la CENI a proclamés. L’ancien porte-voix de cette CENI aurait dû reconnaitre ces manquements que certains de ses collègues avaient soulevés. Hélas ! Puisque les Guinéens n’ont pas la mémoire courte, ils savent bien qu’avant la naissance de la Cour constitutionnelle, c’est la Basse Cour suprême qui gérait les contentieux électoraux et proclamait les résultats définitifs. Mamadi Sylla alias Syma, qui est son premier prési, est reconnu pour sa probité morale. Donc, quand il parle d’irrégularités dans l’élection présidentielle du 18 octobre 2020, il sait de quoi il parle et parce qu’il en a géré plusieurs avant la création de la Cour constitutionnelle que Mamadi 3 Kabako brandit. D’ailleurs la non-réhabilitation de Cour constitutionnelle par la junte du CNRD est la preuve qu’elle n’était pas crédible. Car l’ancien prési de la Cour constitutionnelle, Mohamed Lamine Bangoura, est l’incarnation de la soumission des magistrats au prési déchu Alpha Grimpeur. Les magistrats viennent de faire leur mea culpa devant le Colonel Mamadi Doumbouya alias Laye-M’a-dit qu’ils étaient sous la pression du régime Alpha Grimpeur. Et dans les dossiers judiciaires et dans le traitement des contentieux électoraux. Parce que les fameuses CACV dont Mamadi 3 Kabako parle sont présidées par les magistrats ; ils sont secondés par un cadre du ministère de l’Administration du territoire.

L’ancien porte-voix de la CENI a tout simplement manqué l’occasion de se taire par rapport à l’élection présidentielle du 18 octobre 2020. Il faut qu’il comprenne que son accréditation de facilitateur d’atelier BRIDGE n’efface pas les irrégularités de la mascarade électorale qui a permis à Alpha Grimpeur de s’octroyer un troisième mandat illégal.

Abdoulaye S. Camara