Le 28 septembre, dans un réceptif hôtelier de Conakry, l’Organisation pour le dialogue pour l’avortement sécurisé en Afrique de l’Ouest, ODAS, a officiellement lancé ses activités en Guinée. La cérémonie a regroupé des cadres du ministère de la Santé, des féministes et des ONGs qui militent dans le domaine de la santé reproductive. La rencontre a pour objectif de promouvoir les bonnes pratiques, notamment les soins médicaux après l’avortement, afin de réduire les risques de complications, de renforcer les mouvements féministes dans leur perpétuelle lutte pour l’accès gratuit au service de santé.
Kadiatou Konaté, directrice exécutive des Jeunes filles leaders de Guinée, a rappelé que selon l’OMS, 16 millions de jeunes filles entre 15 et 19 ans accouchent chaque année dans le monde, que 95% de ces naissances surviennent dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Selon elle, en Afrique de l’Ouest francophone, les enquêtes démographiques et de santé montrent que la fécondité des adolescentes est importante dans la fécondité globale. «En effet, cette fécondité atteint 128 naissances vivantes pour 1 000 adolescentes en Afrique de l’Ouest et du centre et 103 en Afrique subsaharienne. Ce qui traduit l’ampleur du problème dans cette région du monde. Selon les références nationales, 52,3% soit 5 jeunes filles sur 10 entre 15 et 19 ans ont au moins 1 enfant en Guinée. Cette recrudescence des grossesses précoces et non désirées chez les adolescentes est due à un manque crucial d’informations fiables sur la santé de la reproduction, aux nombreux cas de mariages précoces, aux difficultés d’accès à des services de santé de la reproduction de qualité dans un contexte marqué par des normes sociales et un cadre juridique peu favorable. Pourtant, il faut savoir que les mères adolescentes âgées de 10 à 19 ans font face à des risques plus élevés de complications liées à la grossesse et à l’accouchement qui représentent les principales causes de décès. C’est au vu de toutes ces problématiques que ODAS (Organisation d’un dialogue pour l’avortement sécurisé) ouvre ses portes en Afrique de l’Ouest et du Centre, afin de renforcer les mouvements féministes dans la région tout en prônant la mutualisation des efforts, la transparence ainsi que le leadership partagé».
Kadiatou Konaté dit que l’ODAS met un accent particulier sur le renforcement des capacités des femmes et des jeunes filles afin d’accroître leur service d’avortement tel qu’encadré par les organes et traités internationaux et droits humains. Même que cette activité va permettre de faire la promotion de ce Centre dans tous les pays de la région et à tous les niveaux.
Mme Rouguiatou Baldé, Directrice régionale de l’ODAS, a rappelé que la vision du Centre est, entre autres, construire un réseau dynamique dirigé par les femmes et les jeunes de la région, renforcer le mouvement féministe en Afrique francophone et l’appropriation par les droits des DSSR, construire de nouvelles alliances inter sectionnelles aux niveaux national et régional qui catalysent les droits des femmes à l’autonomie corporelle, y compris le droit à des services d’avortement.
Parlant des perspectives, Mme Baldé affirme que le Centre ODAS veut mettre en place des communautés de pratique, notamment : définir et mettre en place un cadre de suivi des indicateurs directeurs du programme commun ; faciliter les opportunités d’échange continu au sein de la communauté ; partager les leçons apprises et les avancées dans la mise en œuvre du programme commun et de ses huit priorités, faciliter la collaboration et le dialogue interrégionaux à travers un partenariat renouvelé et innovant; assurer le suivi de l’agenda commun.
Pour Dr Dieney Kaba, Directrice nationale de la santé, de la famille et de la nutrition et Point focal du Partenariat de Ouagadougou pour la Guinée, estime que ODAS, Centre de dialogue pour l’avortement sécurisé, est une entité dont le rôle est de contribuer, entre autres, à coordonner les actions régionales et à fédérer le mouvement qui prône l’avortement sécurisé en Afrique francophone. «Selon l’OMS, rappelle-t-elle, un avortement sur deux est réalisé dans de mauvaises conditions dans le monde. Ce qui expose les filles et les femmes concernées au risque de complications graves et de décès. Les complications dues à ces avortements à risque pourraient être évitées, prévenues au moyen d’une contraception efficace, grâce à l’accès d’un avortement sécurisé et à la prise en charge rapide des soins après avortement approprié. L’accès à la contraception et aux soins liés à l’avortement sécurisé dans la mesure où la loi l’autorise, ainsi qu’à d’autres services de santé de la reproduction sexuelle font partie des droits pour les filles et les femmes, conformément à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relative aux droits de la femme en Afrique.»
La Guinée, à l’instar d’autres pays, a ratifié le Protocole de Maputo, principal instrument juridique relatif aux droits des femmes en Afrique garantissant de façon spécifique en son article 14, le droit à la santé et au contrôle des fonctions reproductives qui comprennent notamment, le droit pour les filles et les femmes d’exercer un contrôle sur leur fécondité et décider de leur maternité, du nombre d’enfants et de l’espacement de naissance, du droit de choisir librement la méthode de planification familiale et du droit à l’éducation sur la planification. Selon Mme Kaba, le ministère de la Santé accompagne le Centre ODAS et « toutes les autres initiatives visant le respect des droits des filles et des femmes, notamment leur droit à l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive ».
Mamadou Adama Diallo