Le Colonel Mamadi Doumbouya semble avoir plus de chance que le Colonel Lansana Conté en 1984 et le Capitaine Moussa Dadis Camara en 2008 sur un point au moins. Ces derniers avaient perpétré leur putsch contre des présidents décédés, si on pouvait vraiment appeler cela coups d’État.

Les partisans ou soutiens de ces deux anciens présidents dont les régimes ont été renversés à leur mort ne pouvaient entreprendre aucune action ou organiser aucun mouvement de soutien, pour demander leur retour au pouvoir, puisqu’ils étaient déjà morts et que toute initiative dans ce sens était sans objet. Ils n’avaient d’autre choix que de prendre acte de la nouvelle donne et de s’y inscrire de manière sincère ou non, au risque d’être abandonné sur le quai.

Le Président du CNRD a quant à lui renversé un Président au pouvoir qu’il tient d’ailleurs en captivité.

Il a sans doute constaté la rapidité et la facilité avec lesquelles les partisans du Président déchu ont, pour la plupart d’entre eux, retourné leurs vestes et ont adapté leurs discours à la nouvelle situation ; certains cherchant même à en tirer profit. Ils font semblant d’avoir oublié qu’il y a quelque temps, ils juraient par le nom d’Alpha Condé. Un d’entre eux avait même déclaré qu’il se suiciderait si celui-ci n’était pas élu pour un troisième mandat. Tout porte à croire qu’il n’est pas prêt à mettre fin à ses jours à la suite de la chute de son champion.

Le Président du CNRD a dû se rendre compte qu’il n’a pas intérêt à se prendre pour un demi-dieu ou un homme irremplaçable, car le jour où il ne serait plus aux affaires, même ses partisans les plus engagés pourraient tourner sa page aussi rapidement que ceux d’Alpha Condé ont tourné la sienne.

Quand on entend aujourd’hui certains ergoter sur les défauts d’Alpha Condé, on se demande s’ils sont des guinéens venus d’ailleurs et s’ils ne sont pas de ceux qui le magnifiaient et le glorifiaient il y a juste un mois.

Tirant les leçons du cas Alpha Condé, le Colonel Mamadi Doumbouya sera peut-être moins sensible aux discours des flagorneurs. Il sait qu’en cas de changement, ce sont les mêmes qui le cloueront au pilori. Un adage de chez nous dit que c’est en voyant la façon dont la poule est déplumée que la perdrix se rend compte du traitement qui pourrait lui être réservé.

Alpha Condé est tombé le 5 septembre. Même un chat n’a pas bougé et on a entendu les mouches voler. Qui l’eut cru, avec tous les discours qu’on entendait ? Hormis quelques jeunes qui se sont exprimés en France et au siège du RPG et dont le nombre était extraordinairement infime, personne ne semble regretter la chute brutale de celui qu’on appelait avec emphase il y a juste quelques semaines le «Professeur ». Pourtant, l’on avait tenté maintes fois de lui faire comprendre que personne n’est indispensable. Un mois après qu’il a été délogé du Palais « Sékhoutoureya», la Guinée reste debout.

Le Colonel Mamadi Doumbouya ne pourra donc commettre la même faute que lui en pensant qu’il est un homme providentiel. C’est du moins ce qu’on espère, dans son propre intérêt et celui des millions de guinéens qui semblent fonder un grand espoir en lui.

Me Mohamed Traoré