Par Thierno Ibrahima Barry Américain

Mercredi 6 octobre 2021, un décret du Colonel Mamadi Doumbouya a mis fin au suspens long long et aux moult supputations sur le nom du Premier ministre post 5 septembre. 

L’heureux élu s’appelle Mohamed Béavogui. Son pédigrée est impressionnant et il partait largement favori dans les « sondages » des bureaux et des quartiers. Il est décrit comme un cadre intègre et rigoureux, rompu aux rouages des organisations internationales, particulièrement des Nations Unies. Il a également la réputation d’être un travailleur acharné et méthodique. Nous espérons qu’il « déteindra » sur ses collègues et qu’il ne tombera pas dans les travers et pièges qui pourrissent notre Administration depuis des décennies.

Pour la petite histoire, en 2007, quand le Général Conté a voulu nommer un nouveau PM, Mohamed Béavogui était sur la « shortlist ». A l’entretien, Conté de lui parler à peu près en ces termes : « toi mon frère, en te voyant, on sent que tu es propre et pas corrompu. Nous ici, on est tous des voyous, des corrompus, moi y compris » ; Conté, fidèle à lui-même : langage direct et cru !

Autre temps, autre mœurs. Nous amorçons désormais une nouvelle dynamique et les critères d’éligibilité ont changé ! Now, you are on board !

Monsieur le PM, nous espérons que vous mesurez l’ampleur des tâches et des chantiers qui vous attendent. Vous n’avez pas droit à l’erreur car l’avenir de la Guinée en dépend. L’issue de la TRANSITION restera gravée dans notre histoire et le succès passera obligatoirement par la réconciliation des Guinéens. Ayez à l’esprit que le travail pour réconcilier les Guinéens et pour sortir notre pays de la pauvreté ne pourra se faire que si la Justice et l’État de droit sont restaurés.

Vous avez certes l’expérience et l’expertise pour gérer des programmes, pour coordonner et superviser des équipes pluridisciplinaires et multi culturelles mais n’oubliez jamais que vous aurez à faire à des compatriotes qui ont été façonnés par les pratiques de la «mal gouvernance». Les «délivrables» qui semblent votre boussole sont malheureusement le dernier de leurs soucis, leur leitmotiv est «se servir» au-lieu de «servir».

Dès le départ, il faudrait qu’ils sachent que c’est fini ces pratiques ! A bara gnon ! A bara Ban ! Oh tchou ! Lanni ! Aa-kpé, Ebeugha ! Finish !

Nous rêvons tous d’une Guinée où le citoyen qui vit aux fins fonds de Yomou, de Timbi Touny/Madina, de Karfamoriah ou de Benty bénéficie des retombées de l’exploitation de nos ressources naturelles. Tout au moins qu’il puisse s’atteler à son agriculture et à son élevage pour s’auto-suffire sur le plan alimentaire ou qu’il gagne sa vie dignement. On parle souvent de la Guinée comme d’un « scandale géologique ». J’ajouterai que la Guinée est aussi une « aberration agricole ».

Qui ose prétendre que nous sommes actuellement une Nation, une Nation où règnent la dignité et le respect des droits humains ? lève la main !

Mais il est rassurant et motivant de voir des populations si optimistes, si déterminées à aller de l’avant. L’atteste la liesse populaire qu’a suscitée le 63è anniversaire de l’accession de notre pays à l’Indépendance, le 2 Octobre.

La Réconciliation nationale, c’est donc possible ! Elle ne se fera pas sur un coup de baguette magique ou avec des slogans. La réconciliation nécessite l’adhésion de tous, elle ne peut contourner ces étapes : la justice pour décider du sort des bourreaux, l’écoute de l’autre, la reconnaissance des faits, la vérité, l’impartialité, le pardon ou la sanction.

Ah, j’oubliais un ingrédient important,  le piment ou le sel dans la sauce : «la remise en question» et la reconnaissance de sa part de responsabilité dans les dérives. Il ne s’agira pas que de pointer le rôle néfaste des leaders, il y a toujours eu parmi nous des zélés, des assoiffés, des opportunistes, des pyromanes ou des mercenaires qui ont contribué fortement à alourdir la « note » des abus et excès que nous condamnons aujourd’hui. Une note bien salée, c’est le cas de le dire !

Dès le lendemain de votre nomination, les envoyés spéciaux du Lynx dans les Régions font le constat suivant : « Devant les bureaux d’état-civil de Kankan, Kaloum et N’Zérékoré, il y a une foule compacte de citoyens qui attendent d’être reçus ; ce phénomène n’est pas observé à Labé. Mystère ! fait d’autant plus étrange que d’habitude à la veille des nominations, ces files sont observés chez les marabouts qui sont même « surbookés ». Cette fois-ci, pas du tout, les marabouts ont été obligés de faire des annonces sur des banderoles du genre : « El Hadj Ybaid grand voyant médium, résout tous vos problèmes : Argent, Amour, surtout Travail et nominations à des Hauts Postes ». MINSE NANYIKI ?

Pour élucider ce mystère, nous avons contacté des vieux briscards de la politique et des observateurs avisés de la place.

Un fidèle lecteur, qui peut se targuer de connaître du bled et de la sous-région lève le lièvre:

«MAMADI a tiré MOHAMED et MOHAMED doit tirer un prénom qui commence par M. Autrement dit, dans le nouveau tandem Mamadi-Mohamed, pour faire partie du Gouvernement, il faut avoir un Prénom (je dis bien un Prénom pas un Nom) qui commence par la lettre M ; de préférence, il faut que le prénom entier se rapproche de MAMADY ou de MOHAMED, par exemple MAMADOU. A ce jeu, les Foutaniens n’ont pas de problèmes, des MAMADOU il y en a à revendre. Constat : l’état civil de Labé n’en est pas envahi à l’instar des autres Régions.»

Vous ne serez pas non plus coopté pour un poste à la faveur de votre appartenance à une secte ou une congrégation comme «la franc-maçonnerie» ou «la Rose Croix», «le Rotary Club» ou «le Lion’s Club» pour ne citer que ceux-là. Ne vous étonnez plus si votre ami Albert se prénomme désormais Malbert ou que Abdoulaye troque son prénom contre Mabdoulaye !

Du déjà vu, à Kampala en Ouganda, un ami qui s’appelle Moussa à sa naissance, a changé son nom en Moïse pour être admis à l’école de son village. A l’époque, on ne pouvait être admis dans une école ougandaise avec un nom musulman. Signalons que pour d’autres raisons, des Moïse aussi sont redevenus Moussa (mariage avec une musulmane) ; dans les deux cas, c’est excessif, c’est même bitin, même bagay. Ce n’est pas toujours facile, le vivre-ensemble. On est d’accord.

Reconnaissons que c’est un progrès, on ne vous nomme plus en fonction de votre patronyme, KABA, BANGOURA, DIALLO, CONDE, KAMANO, DIANE, GUILAVOGUI, SOW, SOUMAH. (Ah, les CAMARA, vous êtes des petits malins, on vous retrouve dans toutes les ethnies du pays). Fini donc la stigmatisation et la discrimination ethnique ou régionale dans les nominations.

Après la nomination des Ministres et Secrétaires d’État, on s’attaquera aux Hauts postes, plus techniques que politiques ou honorifiques, les SG, les DG, etc. Là en revanche, le tandem Mamadi-Mohamed est capable d’organiser des entretiens d’embauche de haut vol. Les éventuels candidats sont invités à revisiter ou à visiter leurs cours de Microéconomie, d’Architecture, de Mécanique des fluides, de Machinisme agricole, de Physique quantique ou de Chimie Coloîdale (Bonjour Prof. Ibrahima Bah Kaba, votre ancien étudiant en Agronomie à l’IPK, serait heureux de vous revoir après tant d’années). 

Candidats, assurez-vous d’avoir en mémoire certains classiques:

–  la Loi de la relativité restreinte de Einstein (E = mc²) qui exprime l’égalité entre l’énergie E et le produit de la masse M par le carré de la vitesse de la lumière (c=300 000 km/s) ;

 –  le principe fondamental de la dynamique appelée 2ème loi de Newton (F = mY) où m = masse, Y l’accélération, F les forces.

Ces formules expliquent des phénomènes simples de l’univers. Je ne sais plus trop pourquoi Einstein disait : «Ce qui est incompréhensible, c’est que la Terre soit compréhensible». J’avais été intrigué de voir, même à l’échelle de la galaxie, des «empêcheurs tourner en rond», c’est le cas de la planète Mercure qui n’obéit pas scrupuleusement aux lois de la gravitation. Vous avez sûrement entendu parler des fameux «trous noirs» et de toutes les théories au tour de leur formation. 

Monsieur le Premier ministre,

Des «Mercures», vous allez en rencontrer des masses au sein de l’équipe que vous aurez à diriger: des «Réfractaires au changement». Dès qu’ils se manifesteront, vous devrez les interpeller, s’ils persistent, il vous faudra les sanctionner.

 Dans une prochaine rubrique, nous débattrons de Discrimination positive, d’équilibre ethnique et régional, ces toxines pourraient infecter les nominations. L’option est malaisée, les coaches de «l’homme qu’il faut à la place qu’il faut» ne manquent pas d’arguments.

Pour l’heure, « MAMADI a tiré MOHAMED. MOHAMED tirera-t-il M… ou tirera-t-il X… dans le Gouvernement qu’il est appelé à former ?»

Quoiqu’il advienne, nous ne souhaitons pas, monsieur le Premier ministre, que ce ne sera pas du «Toto tire Nama, Nama tire Toto».

Par Thierno Ibrahima Barry Américain