(Par Alpha Sidoux Barry)
Philosophe, analyste politique et professeur au Cégep de Saint-Hyacinthe au Canada, Amadou Sadjo Barry, 36 ans, a publié un ouvrage intitulé «Rupture», un «essai sur la fondation politique de la Guinée», préfacé par Mohamed Béavogui, ancien sous-secrétaire général des Nations unies et actuel Premier ministre guinéen du gouvernement de la Transition depuis le 6 octobre 2021.
Paru en mars 2021 aux éditions L’Harmattan (1), cet ouvrage, qui analyse les ressorts de la mécanique autoritaire du pouvoir en Guinée depuis son accession à l’indépendance il y a 63 ans, arrive à point nommé, à l’heure où les Guinéens s’interrogent sur la Transition engagée à la suite du renversement de la dictature d’Alpha Condé, le 5 septembre 2021, par le colonel Mamadi Doumbouya, commandant des Forces spéciales, l’unité d’élite de l’Armée nationale.
De fait, les questions qui brûlent les lèvres de tous les Guinéens depuis de nombreuses années portent sur le type de société, l’organisation du pouvoir et la nature du régime politique à mettre en œuvre pour en finir définitivement avec l’arbitraire comme mode de gouvernance et sortir du refus de l’alternance politique, questions qui sont plus que jamais d’actualité à l’heure de la troisième transition (après celles de 1984 et de 2008) qui s’est ouverte depuis le 5 septembre dernier. C’est exactement pour répondre à ces interrogations que se propose l’essai « Rupture » d’Amadou Sadjo Barry.
Son analyse s’articule en trois parties : dans la première, il expose les mécanismes qui ont conduit à la confiscation du pouvoir en Guinée depuis 63 ans et qui débouche sur l’incapacité de créer une véritable nation ; la deuxième examine les raisons de la survivance de l’autoritarisme politique malgré l’adoption en 1990 d’une Loi fondamentale visant à instaurer la démocratie, en d’autres termes, l’instrumentalisation autoritaire de celle-ci ; la troisième propose les bases politiques de la future société guinéenne visant à transcender le refus de l’alternance démocratique et à instaurer la démocratie dans le pays.
Amadou Sadjo ne parle pas de refondation, mais de fondation politique car avant tout il faut procéder à une rupture – d’où le titre de son livre – avec « la confiscation du pouvoir devenue le paradigme normal de la gouvernance », en somme émanciper le pouvoir de la tutelle des personnes qui l’exercent.
L’idée de fondation politique correspond à « un commencement radical, qui consiste, ex nihilo, à créer et à inventer ce qui n’existe pas encore ». Les Guinéens doivent prendre l’engagement réciproque à fonder la vie commune sur l’autorité d’un « contrat moral » qui est un ensemble de principes normatifs respectant la vie d’autrui, l’égalité morale entre les individus, de même qu’entre les communautés ethnoculturelles, le refus de la violence et le partage équitable du produit de l’exploitation des ressources naturelles du pays.
Mais cela ne suffit pas. Il faut en plus donner à ce contrat moral une force contraignante créant un «espace public» affranchi de la volonté arbitraire des individus. Cet espace public est à ériger en lieu par excellence de l’intérêt général. Cela doit aller de pair avec une réorganisation administrative du pays sur laquelle nous allons revenir plus loin.
Tout a commencé avec la pensée politique du premier président guinéen, Sékou Touré, dont le socialisme révolutionnaire était fondé sur la dilution de l’individu dans la collectivité, en raison d’une conception quasi mystique du peuple. La réalité individuelle était dissoute dans le tout indivisible qui définissait le peuple. Et la personne du président s’identifiait au peuple. Celui-ci était considéré comme un, c’est-à-dire une unité totale excluant la diversité sous toutes ses formes.
On était dans une fiction, celle d’une société non conflictuelle où les individus pensaient et voulaient la même chose. L’autorité qui incarnait le pouvoir, en l’occurrence Sékou Touré, était considérée comme étant le lieu de convergence des aspirations du peuple. L’unité du peuple consacrait l’unité des pouvoirs dans la seule personne du président. En somme, la souveraineté du peuple était transférée dans la personne qui l’incarnait, le responsable suprême de la révolution, Sékou Touré. L’exercice du pouvoir devenait total et absolu. Le président disposait de tous les pouvoirs : armée, justice, nomination à tous les postes, politique étrangère.
Cette conception s’exprimait par l’instauration du régime du parti-Etat dans lequel le pouvoir était concentré entre les mains des seuls cadres du parti au pouvoir (le Parti Démocratique de Guinée, le PDG), à l’exclusion de l’opposition, soit une autorité qui émanait uniquement de ce parti et qui se superposait à celle du gouvernement. Ce qui a instauré en Guinée une culture politique autoritaire et régressive qui a atteint son paroxysme avec le « goulag tropical » et ses milliers de victimes, ainsi que l’interdiction de toute opposition.
L’érection de l’arbitraire en mode de gouvernance politique et l’usurpation de la souveraineté populaire ont fait avorter l’émergence d’une nation en Guinée. Un constat terrible qui contredit une croyance très répandue.
« Le pouvoir absolu sur les autres ne peut bâtir une nation »
L’action politique de Sékou Touré a fait de sa personne le lieu d’expression de la nation guinéenne. Or, celle-ci ne peut s’incarner en un individu. Le pouvoir absolu sur les autres ne peut bâtir une nation car celle-ci doit être pensée comme « une communauté de destin politiquement constituée », fondée sur un contrat moral et politique qui organise la vie collective.
Au-delà de la définition de la nation tant rabâchée d’Ernest Renan fondée sur la communauté de territoire, de langue et d’histoire, l’auteur de « Rupture » apporte donc une nouvelle approche du concept de nation. Celle-ci résulte d’une discussion concertée sur les principes normatifs destinés à régir la vie collective, alors que tous les régimes qui se sont succédé en Guinée ont imposé leur credo d’en haut sans dialogue collectif. Pour forger une nation, un pays doit disposer d’une instance supérieure contraignante capable d’arbitrer objectivement les conflits qui naissent de la lutte pour la conquête du pouvoir, soutient Amadou Sadjo.
Pour se constituer en nation, les populations guinéennes doivent s’engager à fonder leur vie commune sous l’autorité d’un cadre normatif commun, discuté et accepté par tous. La Guinée doit devenir « une société de peuple», pour employer l’expression favorite d’Amadou Sadjo, c’est-à-dire une communauté politique de semblables qui ne soient pas identiques mais qui fondent leur vie commune sous l’autorité d’un système de contraintes mutuelles.
En somme, la nation est le résultat de l’organisation du vivre ensemble. S’engager à vivre ensemble, c’est vouloir que les relations entre les hommes ne soient pas contrôlées et dominées par un seul partenaire.
L’ordre totalitaire imposé par Sékou Touré était par nature fragile et voué à disparaître avec lui. Ce qui ne manqua pas d’arriver à sa mort, de même que le parti politique qui prônait cette doctrine. Mais la tyrannie qu’il a instaurée a favorisé « l’épanouissement d’une culture politique autoritaire, prétorienne, néo-patrimoniale et nihiliste» qui, fortement enracinée, s’est perpétuée après lui. C’est pourquoi, «depuis les indépendances, la Guinée a connu un seul régime politique, celui né des entrailles du PDG», estime Amadou Sadjo.
Dans la deuxième partie de son ouvrage, l’auteur rappelle que durant le régime du général Lansana Conté qui a succédé à Sékou Touré, le pouvoir politique a tiré sa légitimité du bon vouloir de l’armée. Et depuis 1984, s’est renforcée la souveraineté absolue de l’autorité du président. L’ombre du premier président a continué à planer sur l’espace public : le refus de l’alternance au pouvoir est resté le paradigme normal de la gouvernance.
Malgré l’adoption de la Loi fondamentale du 23 décembre 1990 qui a instauré le pluralisme politique, l’autoritarisme a continué de survivre et ce, jusqu’à nos jours, 37 ans après la disparition de Sékou Touré. Sous Lansana Conté, L’avènement des prétoriens a conduit à un régime hybride alliant le formalisme démocratique (reconnaissance des partis d’opposition, élections régulières) et le contrôle exclusif du pouvoir.
La transition, qui a duré neuf ans (de 1984 à 1993), au lieu de conduire vers une société démocratique, a été amputée de sa légitimité par le corps militaire. Le pouvoir comme bien commun n’a pas fait l’objet d’une discussion collective par le peuple.
De même, la deuxième transition de 2008-2010 s’est conclue subrepticement par les Accords de Ouagadougou du 15 janvier 2010, presque en catimini, sans faire l’objet d’une délibération publique. La question du fondement objectif du pouvoir a été évacuée, de même que celle du monopole du parti qui va arriver au pouvoir sur l’appareil d’Etat.
« En Guinée, la compétition politique oppose les personnes et non les programmes »
L’opposition, qui est l’autre modalité de l’action politique, face au gouvernement, devrait prendre à bras le corps les questions liées à l’intérêt général, en l’occurrence l’éducation, la santé, le logement, la famille et la sécurité. Mais, en Guinée, la compétition politique oppose les personnes et non les programmes. L’exercice du pouvoir et le contrôle de l’appareil d’Etat sont la finalité ultime de l’action politique. Tout s’organise autour du prestige et des privilèges liés au pouvoir.
Une fois parvenu à ses fins, c’est-à-dire au pouvoir, l’opposant cherche à s’y maintenir vaille que vaille, ce qui explique la pratique récurrente du changement constitutionnel pour faire sauter le verrou des deux mandats et s’en octroyer un troisième. Témoin, Lansana Conté en 2001 et Alpha Condé en 2020.
L’absence de contre-pouvoirs permet de concentrer tous les pouvoirs sur la personne du président. Ce qui explique que la Cour constitutionnelle se déclare incompétente pour statuer sur le caractère légal des actes préparatoires au référendum de modification de la Constitution. De telle sorte que la nation guinéenne attend de naître et ce, depuis 1958.
La renaissance de la Guinée ne viendra pas par la voie électorale pour des raisons évidentes : instrumentalisation de la souveraineté du peuple pour légitimer des régimes autoritaires, tutelle du président sur la commission électorale qui empêche d’avoir des élections crédibles et transparentes, absence d’institutions capables d’arbitrer pacifiquement la lutte pour la conquête du pouvoir
Dans la troisième partie de son livre, Amadou Sadjo entre dans le vif du sujet. En Guinée, et le pouvoir et l’opposition en appellent tous deux au peuple dans leurs revendications. Mais, dans notre histoire politique, le peuple n’a jamais existé. Celui-ci n’est pas la foule. Ce n’est pas la somme des individus qui vivent sur le territoire. «Un peuple se reconnaît à l’existence d’un Etat qui organise l’espace commun selon des principes de justice qui ont fait l’objet d’une discussion et d’un compromis entre les individus ou les communautés qui cohabitent au sein d’un territoire», écrit Amadou Sadjo.
D’où, deux notions fondamentales : celle du « commun » et celle de l’existence de « principes normatifs contraignants et non arbitraires » que manifeste cette conception normative du peuple. C’est clair, la Guinée se caractérise par l’absence d’un peuple politiquement constitué, ce qui rend possible la confiscation du pouvoir.
Pour sortir des interminables contestations électorales, il faut organiser la société et le jeu politique sur un contrat moral et politique fondateur des institutions politiques et sociales pour affranchir la Guinée des pesanteurs de l’autoritarisme et de la tyrannie de la volonté individuelle.
Comment y parvenir ?
Amadou Sadjo Barry répond clairement à cette question fondamentale. Les populations guinéennes partagent un même espace géographique et une histoire commune (l’esclavage, le colonialisme, ainsi que les précarités économiques engendrées par les régimes politiques successifs). L’enjeu est d’amener les individus ou les personnes à se constituer en une communauté politique. Celle-ci est dite politique en ce sens qu’elle résulte de la nécessité d’organiser les relations entre les individus en vue d’un avantage réciproque.
Par nature, la communauté politique lie les hommes d’une manière qui rende possible la conscience d’un destin commun faisant converger les intérêts particuliers vers l’intérêt général. Le désir de vivre ensemble doit conduire à la mise en œuvre de principes normatifs communs minimalement acceptés et contraignants. On peut ajouter à cette norme, des identifiants comme la mémoire, la langue, les mœurs et coutumes, la culture et l’histoire. Cette norme et ces identifiants fondent la nation.
Le préalable à la fondation politique de la Guinée est l’existence de règles de vie commune et contraignante qui permettent de soumettre à l’arbitrage d’un juge commun les inévitables conflits qui naissent de la vie sociale. C’est alors qu’on aborde les questions de gouvernance et d’organisation du pouvoir.
Les partis politiques qui se sont succédé au pouvoir en Guinée, du PDG au PUP puis au RPG, ont un dénominateur commun, leur incapacité à fonder une communauté politique. Mais à quelque chose malheur est bon car la pauvreté, le chômage et la précarité qu’ils ont instaurés donnent aux Guinéens des raisons objectives de se forger la conscience d’un destin commun se traduisant dans l’institutionnalisation de cette communauté politique.
Premier impératif : il faut que les populations guinéennes s’entendent sur la nature de la société qu’elles aspirent à fonder. L’histoire et la géographie font que le pays comprend quatre régions regroupant quatre grandes communautés ethnoculturelles. Ainsi, entre la communauté et l’individu, quelle doit être l’unité normative sur laquelle s’appuiera le contrat moral ?
Société des communautés ou société des individus ?
Après avoir examiné de manière approfondie la question de la communauté ethnoculturelle (l’ethnie tout simplement), de même que celle de la liberté individuelle, Amadou Sadjo procède à une critique serrée de la raison communautaire pour prôner l’intercommunautaire.
La question est de savoir comment des communautés aux structures normatives différentes peuvent coexister afin que la vie de chacun soit sécurisée. En somme, il faut définir les valeurs morales sur lesquelles les communautés doivent s’entendre en vue du bien commun, ce qui revient à exclure de l’entente toutes les considérations arbitraires et contingentes.
Il s’agit de conclure un « pacte d’humanité » dans lequel l’origine communautaire est sans importance et est susceptible de faire l’objet d’une négociation. Sont donc nulles et non avenues toutes les logiques exclusives et les considérations communautaires partisanes.
Il ne s’agit pas de nier l’identité ethnique, mais de la disqualifier comme critère pertinent dans l’élaboration du contrat moral et politique fondateur de la société des communautés. De ce fait, on établit un espace moral commun qui reconnaît et rend possible le pluralisme communautaire.
Le contrat moral et politique doit réguler non seulement la sphère intercommunautaire mais aussi avoir droit de regard sur ce qui se passe au sein des communautés. Reste à définir la nature du pouvoir commun à mettre en place qui soit une instance neutre devant veiller au respect dû à chaque individu, indépendamment de son appartenance ethnoculturelle.
Les règles qui doivent organiser les interdépendances entre les individus et les communautés doivent être définies par tous et donner les moyens efficaces de contestation publique pour défendre leurs intérêts. Pour cela, il faut empêcher que le pouvoir politique soit soumis à l’autorité d’une personne ou d’une communauté ethnoculturelle. Il doit donc être nécessairement un bien commun.
Les valeurs fondatrices de la vie collective doivent être la justice, l’égalité et la liberté. Si l’exercice du pouvoir est non conforme à ces valeurs, il doit être contesté et jugé illégitime par des autorités publiques chargées de faire respecter les principes fondateurs de la communauté politique.
Le pouvoir étant une institution commune, son exercice requiert une source de légitimité consensuelle, ainsi que des mécanismes de surveillance et de contrôle pour lutter contre le risque de corruption et d’usure auquel il est confronté. De même, celui qui l’exerce doit rendre des comptes à la société.
Car la gouvernance de l’espace public est intimement liée à la notion de la responsabilité. Le pouvoir doit ainsi être jugé et évalué à la lumière des principes normatifs discutés et acceptés par tous (le contrat moral et politique). C’est la première étape vers la constitution d’un espace public affranchi de l’arbitraire des volontés individuelles, qui devient donc autonome.
Le principe de la responsabilité permet à la société de jouer son rôle de vigile du politique mais aussi de revendiquer son droit de participer aux décisions qui touchent à la gouvernance de la sphère publique. Ses organes représentatifs peuvent alors s’ériger en véritables contre-pouvoirs.
Les futures institutions politiques et juridiques guinéennes devront être organisées de manière à soumettre les responsables politiques à quatre exigences fondamentales :
– Expliquer leurs décisions en lien avec toutes les politiques publiques ;
– Se faire interroger sur la manière dont ils gèrent la part du domaine public qui leur est confiée ;
– Donner accès aux informations qui permettent de vérifier que le choix des politiques publiques ne vise pas la satisfaction des intérêts personnels ;
– Faciliter la vérification, par une instance, de la conformité de l’usage des ressources et des appareils publics aux fins d’intérêt général.
L’objectif est d’amener le fonctionnaire ou l’élu à être conscient de la nature publique de ses obligations et de la responsabilité qu’entraînent celles-ci. Il s’agira de contraindre le président ou ses ministres à expliquer et à justifier la façon dont ils administrent la charge publique, ce qui permettra de substituer à la culture de l’impunité une culture de la responsabilité. D’où l’existence d’un pouvoir coercitif qui exige des comptes, mais aussi sanctionne et devient l’expression du contrat fondateur de la coexistence sociale.
Toutefois, ce n’est pas tout. Les populations doivent pouvoir contester les décisions publiques parce que celles-ci ont un impact sur leur vie. En tant que parties prenantes de la relation contractuelle, elles sont censées approuver ou désapprouver toutes les décisions et actions qui les concernent. Elles peuvent le faire par la voie d’un représentant ou au moyen de manifestations, voire d’actes de désobéissance civile.
La future communauté politique donnera ainsi à ses citoyens le pouvoir de contester l’autorité publique, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. L’organisation non autoritaire et non dominante du pouvoir nécessitera la vigilance des citoyens. Les futurs sociétaires guinéens devront œuvrer à façonner un citoyen capable en matière de gouvernance publique. Ce qui nécessite sa formation politique.
La contribution citoyenne au gouvernement de la société devra s’accompagner d’une réflexion sur l’administration du territoire guinéen. En l’état actuel d’un pouvoir trop centralisé et d’une administration anarchique, les régions et leurs populations sont marginalisées : Conakry résume l’essentiel de la vie politique, économique et sociale du pays.
La décentralisation du pouvoir (annoncée au début de ce texte) s’avère indispensable pour encourager une gestion responsable et efficace de la vie sociale. Il faut redéfinir les relations entre la capitale et les régions sur la base du partage des compétences sous la forme d’une semi-autonomie accordée aux régions.
On pourrait choisir une forme d’organisation politique composée consistant en l’existence d’un Etat central avec quatre administrations régionales semi-autonomes. Il ne s’agit nullement d’une fédération d’Etats liés par une autorité centrale, comme dans le cas des länders allemands. Mais plutôt d’établir à l’échelle de chaque région une administration dotée de garanties par une Constitution commune.
L’Etat central serait doté de compétences nationales : monnaie, défense et politique étrangère. Les régions bénéficieraient de pouvoirs dans l’administration des charges liées à l’éducation, au transport, à l’assainissement des villes et à la promotion de la culture. On inscrirait chaque organisation politique régionale à l’intérieur d’un cadre institutionnel et juridique central, donc trans-ethnique.
L’objectif est d’autonomiser partiellement chacune des quatre régions afin de promouvoir une redistribution efficace du pouvoir et une décentralisation de l’administration publique apte à satisfaire aux besoins des populations guinéennes. Les régions seraient soumises aux exigences du contrat moral fondateur de la société guinéenne et le pouvoir central à l’engagement de combler les disparités naturelles et économiques régionales.
Cela laisse entendre qu’il sera mis en place des mécanismes de justice distributive et de représentativité politique permettant d’accorder un traitement équitable des quatre régions naturelles.
L’œuvre de fondation politique de la Guinée pourrait s’assurer que la future Assemblée nationale ou la Cour constitutionnelle, par exemple, ne soient jamais composées ni dirigées par des personnes appartenant à une même communauté ethnoculturelle. Ainsi, la nécessité que les institutions nationales soient inclusives devient un impératif politique.
Alpha Sidoux Barry
Président de Conseil & Communication International (C&CI)