Le procès des présumés ravisseurs d’El Hadj Abdourahmane Diallo dit El Hadj Doura a continué le 22 décembre au tribunal de première instance de Dixinn. Pour l’audience de ce mercredi, la parole était à la partie civile.

Ce procès qui a démarré depuis le mois de mars dernier, tire vers la fin. Après la vingtaine de personnes accusées d’avoir kidnappé et tué l’opérateur économique, El Hadj Doura Diallo, c’est le tour de la partie civile de relater sa version des faits. Thierno Boubacar Diallo, fils de la victime, a fait la déposition. Il a commencé d’entrée par nuancer certaines informations qui laissaient croire que son père ne se portait déjà pas bien : «Au moment de son kidnapping, mon papa avait 77 ans, il n’était pas du tout malade. Il se portait très bien et n’avait pas de diabète ». Puis il se lance dans une longue narration de la journée du 5 décembre 2017, date à laquelle, son père a été enlevé : « Maman m’a appelé en pleurant, elle disait c’est ton père, c’est ton père. J’ai pensé qu’il a fait une crise cardiaque. Quand je suis arrivé à Hamdallaye, ils m’ont dit qu’il a été enlevé sur le chemin de la mosquée. Nous avons alerté les autorités sécuritaires. »

La famille d’El Hadj Doura s’est rendue à la DPJ pour porter plainte contre X quand le premier appel des ravisseurs est tombé : «Quelqu’un a appelé mon frère, pour lui dire qu’ils détiennent notre père. Il a demandé 200 millions de francs guinéens comme  rançon. Un peu plus tard, il nous a dit que c’est 500 000 dollars.  Dans la soirée, ils ont demandé un million de dollars. Nous avons voulu négocier et payer 20 000 dollars. Il a menacé de découper notre père, de le mettre dans un sac et le ramener à la maison (…) »

Prise de panique, voyant l’enquête traîner au niveau des services de sécurité, la famille décide de payer la rançon. Cinq jours plus tard, Thierno Boubacar Diallo se fera balader un peu partout dans la commune de Ratoma : «Nous avons convenu de payer 100 000 dollars. Aux alentours de 19h, ils m’ont dit d’aller à l’aéroport, puis à Bambéto, Cosa, T6… Ils m’ont retourné à Lambanyi. J’ai marché jusqu’au Carrefour-canadien (Lambanyi). Ils m’ont fait faire plus de 10 allers-retours entre Lambanyi et Carrefour-Canadien, de 19h à 00h. J’ai déposé l’argent au carrefour Canadien. »

Quand le Président Alpha Condé intervient

Depuis le paiement de la rançon, les ravisseurs n’appellaient plus la famille. Les agents de la police judiciaire et de la gendarmerie critiquent la décision de payer. Abdoul Malick Kôné, à l’époque Directeur central de la DPJ, privilégie la traque des ravisseurs… Lama Kaba (un des ravisseurs), en solo, contacte Thierno Boubacar Diallo, lui dit qu’El Hadj Mamadou et ses amis n’ont pas voulu partager la rançon. Il lui assure qu’il peut l’aider à faire libérer son père, lui cite Ibro, El Hadj Mamadou Diallo et Thierno Ciré Sow alias Kams, comme étant les principaux ravisseurs de son père : «Pour me convaincre, Lama Kaba m’a dit que Kams avait perdu sa mère que l’enterrement se passait à Hamdallaye. Nous avons vérifié, c’était vrai. Il m’a soutiré jusqu’à 80 millions de francs guinéens. J’ai informé Malick Kôné, il m’a dit que Kams ne peut pas faire ça. Nous avons suivi Kams jusqu’au quartier Petit-Simbaya, il est entré dans un immeuble. J’ai appelé Malick Kôné, la gendarmerie de Hamdallaye, ils m’ont dit qu’ils viennent. De 16h, c’est à 20h ils sont venus, ils ont fouillé et m’ont dit qu’il n’y était pas. Plus tard, j’ai appris que Malick Kôné l’avait fait sortir de l’immeuble. »

Entre temps, le Président Alpha Condé prend le dossier à bras-le-corps. Il a reçu la famille au Palais Sékhoutouréya, lui a demandé où en était l’enquête : «J’ai répondu que l’enquête se faisait très mal. Je lui ai expliqué ce qui se passait entre Malick Kôné et Kams. Il a fait venir le général Ibrahima Baldé, j’ai répété la même chose devant ce dernier. Le Président était très en colère, il nous a dit d’aller à la DPJ. Nous y sommes allés trouver Kams confortablement assis dans le bureau de Malick Kôné. Quand nous nous sommes retournés au Palais Sékhoutouréya, le Président a ordonné d’arrêter tous les suspects, qui qu’ils soient. C’est après cet épisode que l’enquête a évolué », explique Thierno Boubacar Diallo.

Des doutes sur Thierno Boubacar Diallo ?

Les jours qui ont suivi le dépôt des 100 000 dollars au Carrefour-Canadien à Lambanyi ont été durs pour Thierno Boubacar Diallo. La gendarmerie doutait que la famille puisse verser une telle somme en si peu de temps. Au sein même de sa famille, certains se demandaient si Thierno Boubacar Diallo n’a pas caché les 100 000 dollars, surtout que le vieux Doura était toujours dans les mains de ses ravisseurs : « Le général Baldé m’a dit qu’il a appris que je n’ai pas versé l’argent. Je sais qu’il y a beaucoup de choses qui se sont racontées sur moi au sein même de la famille. 100 000 dollars, c’est un joli montant, mais c’est le sort de mon père qui me préoccupait.»

L’audience reprendra le 10 janvier 2022, pour les plaidoiries et réquisitions.

Yacine Diallo