Vers la fin mars 1968, les Présidents Léopold Sédar Senghor du Sénégal, Mouctar Ould Dada de la Mauritanie, Modibo Kéïta du Mali et Ahmed Sékou Touré de la Guinée créaient l’OERS (Organisation des Etats riverains du fleuve Sénégal), dans la commune urbaine de Labé, chef-lieu de la région du Fouta Djallon. Suite à «l’agression du 22 novembre 1970», la Guinée se retira. N’empêche ! Les trois autres Etats se sont retrouvés à Nouakchott. Ils y ont décidé de continuer l’aventure en créant le 11 mars 1972, l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal. Depuis, l’eau a coulé sous le pont. Si au Sénégal, au Mali et en Mauritanie, des chefs d’œuvre importants ont été réalisés, en Guinée le centre de l’OERS, est resté quasiment à l’abandon, même après la réintégration du pays au sein de l’OMVS en mars 2006. C’est pourquoi, dans le cadre de son cinquantenaire prévu en mars prochain, l’OMVS l’a rénové. Le centre s’appellera désormais Centre de Documentation et d’archivage environnemental de l’ex-OERS de Labé, pour, entre autres, freiner les effets contre le Massif du Fouta Djallon qui abrite le « Château d’eau de l’Afrique de l’Ouest ».

Le 19 février, le Haut-commissaire de l’OMVS, Hamed Diane Semega, accompagné du ministre de l’Energie, de l’Hydraulique et des Hydrocarbures, Ibrahima Abe Sylla, le Directeur de la Cellule guinéenne de l’OMVS, Soufiane Dabo, le Directeur de la SOGEOH (Société de Gestion de l’Énergie des Ouvrages du Haut Bassin du Fleuve Sénégal en Guinée), Souleymane Davré, ont procédé à l’inauguration des infrastructures de l’ex-OERS, ce père de l’OMVS. Le projet fait partie de l’initiative de la SOGEOH, pour une série de visites des réalisations et des futurs chantiers de l’OMVS en Guinée.

L’ex centre OERS de Labé, sur une superficie de 56 658 m², est composé principalement de trois cases, une salle de conférence. Les infrastructures ont été entièrement réhabilitées, les cases serviront de bureaux du centre de Documentation et d’archivage environnemental du Massif du Fouta Djallon. Le réseau électrique, celui d’adduction d’eau potable ont été aussi rénovés. Désormais l’eau provient d’un château connecté à un forage équipé de panneaux solaires. En annexe, un parking, cinq blocs latrines extérieures ont été aussi construits. Le bisou est sécurisé par une cour d’un kilomètre de périmètre, complètement reconstruite, surmontée de barbelés. L’investissement a valu quelque 5 milliards de francs guinéens, selon l’organisation, reconnue à travers le monde comme meilleur organisme de bassin en termes de coopération sur des eaux transfrontalières.

Une vue d’une des infrastructures rénovées

La cérémonie d’inauguration a réuni des cadres de l’OMVS, du PGIRE II (Projet de gestion intégrée des ressources en eau du bassin du fleuve Sénégal), venus de Dakar, Mauritanie, Mali ainsi que des guinéens. Ils ont rendu un hommage appuyé aux présidents fondateurs de l’Organisation.

Attention, le château d’eau est menacé

Le Directeur de cabinet du Gouvernorat de Labé, Aboubacar Tounkara, a souhaité la bienvenue aux hôtes de la Cité de Karamoko Alpha Mo Labé. Il a rappelé que c’est du fait de son potentiel hydraulique que la région de la Moyenne-Guinée est considérée comme le «Château d’eau de l’Afrique occidentale». Elle donne naissance à un grand réseau hydraulique dont les plus importants sont le bassin du Kounkouré, le bassin de la Gambie, le bassin du fleuve Sénégal formé de plusieurs cours d’eau dont Téné, Dombélé, Kioma, Falémé, affluents du Bafing. Mais le château d’eau est fortement menacé par l’Homme, indique M. Tounkara. «Le potentiel hydrographique est grandement menacé aujourd’hui à cause des actions anthropiques telles que la coupe abusive du bois à la tête des sources, les feux de brousse, des briqueteries artisanales tout le long des cours d’eau, la carbonisation, l’ensablement des cours d’eau. » Il s’est dit heureux de recevoir le ministre de l’Hydraulique, au moment où les «idées sont orientées vers la recherche de solutions à cet épineux problème.» La mise en place de l’Observatoire du Massif du Fouta Djallon contribuera, espère le Dir-Cab, à la baisse surtout de la coupe abusive du bois et à la baisse progressive de la carbonisation, étant entendu que la moitié de la population du Massif utilise, au quotidien, le bois ou le charbon.

Le Directeur de cabinet du Gouvernorat de Labé a su gré au ministère de l’Hydraulique, aux partenaires et surtout à l’OMVS, pour ce « geste magnanime, gravé dans les mémoires des populations qui se sont engagées à protéger le centre, au bénéfice de tous.

Défis

Pour le Haut-commissaire de l’OMVS, Hamed Diane Semega, la cérémonie d’inauguration représente, au-delà de son caractère symbolique, «un évènement majeur», parce qu’il témoigne de la «volonté commune réaffirmée» des pères fondateurs de l’Organisation. C’est aussi un élan d’espoir qui prouve que l’intégration en Afrique est possible.

Hamed Diane Semega, Haut-commissaire de l’OMVS avec à sa gauche Souleymane Davré de la SOGEOH

Sauf que les «quelques problèmes» du massif soulevés par le Dir-Cab du Gouvernorat de Labé sont «d’une gravité telle que si nous ne les affrontons pas avec beaucoup plus ‘’d’engagement’’, il y a fort à parier que les dégâts sur l’environnement sont irréversibles.» C’est pourquoi, l’un des objectifs du centre d’Observation sera de lutter, entre autres, contre la carbonisation, la déforestation, les feux de brousse au Fouta Djallon. Le Haut-commissaire a enfin réaffirmé sa reconnaissance aux autorités guinéennes et au peuple de Guinée pour leur soutien constant à l’OMVS.

Aider l’OMVS

Le ministre de l’Hydraulique, parlant d’une «occasion heureuse et belle», a lancé des fleurs à M. Semega qui va bientôt finir son mandat unique de quatre ans à la tête de l’organisation. Selon Ibrahima Abe Sylla, le Haut-commissaire mérite confiance, pour avoir réussi à restaurer « le centre historique de l’OERS ». Il a demandé aux habitants de la Moyenne-Guinée de mettre fin aux feux de brousse, d’entretenir les fleuves, d’aider l’OMVS à atteindre ses objectifs dont la réduction de la vulnérabilité de l’économie des Etats membres face aux aléas climatiques et aux facteurs externes, la préservation des écosystèmes du bassin, la contribution à l’autosuffisance alimentaire, la sécurisation et l’amélioration des revenus des populations. Celles-ci devraient se rappeler de leur responsabilité à prévenir le désastre écologique qui menace le bassin.

Photo de famille sur le site des sapins plantés par Sékou Touré, Léopold Sédar Senghor, Modibo Kéïta et Mouctar Ould Dada

La cérémonie s’est achevée par la visite des infrastructures et du site où Sékou Touré et ses hôtes avaient planté quatre sapins dont les feuilles rappellent, chaque jour, la « lourde responsabilité » des pays membres à « tenir haut », le flambeau allumé un jour de mars de 1968.

Mamadou Siré Diallo

Envoyé spécial