Depuis le retour de la Guinée en mars 2006 au sein de l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS), de grands projets dans le secteur de l’énergie sont annoncés. Le plus important est celui de l’aménagement hydroélectrique de Koukoutamba (PAHK en territoire guinéen). Il est sur les lèvres, depuis un demi-siècle. On n’a jamais été si proche de sa réalisation que maintenant.
Les quatre Etats membres de l’OMVS (Sénégal, Mali, Mauritanie et Guinée) veulent « dynamiser la mobilisation des ressources hydrauliques disponibles dans le haut bassin du fleuve Sénégal en Guinée, afin de favoriser la croissance économique et réduire le taux de pauvreté tout en diminuant la part des énergies fossiles au profit de la production hydroélectrique. » Extrait d’une note de la Direction générale de la SOGEOH, Société de gestion et d’exploitation des ouvrages de l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS) en Guinée, qui tient à la « valorisation du potentiel hydroélectrique du fleuve Sénégal », comme la prunelle de ses yeux. La SOGEOH a inscrit, comme priorité, l’aménagement hydroélectrique du site de Koukoutamba pour atteindre les objectifs de croissance économique et de développement local. Des étapes décisives auraient été franchies ces dernières années en vue du démarrage du projet, qui pourrait avoir lieu durant le premier trimestre de 2023. D’où le safari de la Direction générale de la SOGEOH à Tougué le 20 et le 21 février sur le site du futur barrage.
L’objectif est de « rassurer les autorités locales et les populations de son engagement et de sa détermination à réaliser l’aménagement hydroélectrique de Koukoutamba», situé sur le fleuve Bafing en Moyenne Guinée, à 570 km au nord-est de Cona-cris, dans la région administrative de Labé, buisson de Tougué. Amen !
Préoccupations
Dès l’arrivée de la mission pilotée par le Prési du Conseil d’administration de la SOGEOH et de son dirlo le 20 février, le préfet de Tougué, colonel Ibrahima Souley Camara, a donné le ton des préoccupations et attentes du populo. Après son souhait de bienvenue, il n’a pas mâché ses maux : «La venue de cette mission nous réjouit à plus d’un titre. Parce qu’il y a des années et des années, avant que je ne sois à ce poste, on ne parle que du projet Koukoutamba. Nous avons toujours été reçus par la population. Mais parler chaque fois d’une chose que le citoyen lambda ne voit pas, ça va créer un doute dans sa tête. Mais peut-être, avec l’arrivée du CNRD le 5 septembre, la population, dans sa majorité, nourrit l’espoir par rapport au changement positif. Votre mission va peut-être, je le pense et je l’espère, rassurer la population de Tougué que le projet tant attendu, verra le jour sous peu. C’est pourquoi, je me réjouis de votre arrivée », a déclaré le préfet. Il a enchaîné qu’il revient à la délégation de rassurer le populo. Lui, il ne va ni anticiper ni le faire à sa place.
Le maire de la commune urbaine de Tougué, Mamadou Diaby, n’a pas démenti le préfet, souhaitant, par ailleurs la relance de certains projets de l’OMVS destinés aux agriculteurs, groupements féminins et jeunots du buisson.
La visite de la SOGEOH apaise la colère et suscite l’espoir du populo de Kollet
La délégation de la SOGEOH a été reçue avec faste dans la commune rurale de Kollet à 18 kilomètres, à l’ouest de la ville de Tougué. Ibrahima Ta-Baldé, le maire de la commune rurale qui abrite le site de Koukoutamba à 45 km, plus à l’est dans le village éponyme, a exprimé le « sentiment de reconnaissance et de gratitude » à l’OMVS et à la SOGEOH, pour leurs réalisations : adduction d’eau potable, trois forages, aménagement de 97 ha de plaines et de bas-fonds à Kollet-centre, Mosquée, Dabalaya, Tambarin. Si les impacts de ces réalisations avaient suscité beaucoup d’espoirs de la part des communautés, l’adduction d’eau a cessé de fonctionner un mois seulement après sa réception provisoire, dénonce le maire de la commune rurale. Les travaux d’aménagement des bas-fonds ont été également interrompus depuis 2020.
Pour raviver les espoirs, Ibrahima Kollet Ta-Baldé, plaide auprès du Haut-commissariat de l’OMVS, pour la remise effective de l’adduction d’eau, la relance d’aménagement des bas-fonds, l’extension des bornes fontaines dans le centre de la commune rurale tout comme dans les 13 autres districts, la dotation des machines pileuses et motos-pompes pour les activités ménagères et potagères en faveur des groupements féminins. Excusez du peu ! Et d’évoquer le projet Koukoutamba. « Depuis les premières heures du premier régime, la construction du barrage de Koukoutamba a été envisagée. Cinquante ans après (…), le blocage persiste. Néanmoins, nous pouvons affirmer, sans risque de nous tromper, que l’arrivée de cette importante mission transformera nos rêves en réalité. » Ibrahima Ta-Baldé a dit au Préfet de rassurer les partenaires nationaux et internationaux de la « ferme détermination » de Kollet à lutter pour la préservation constante de la biodiversité qui préoccupe aujourd’hui le monde. Autrement dit, la cohabitation est possible entre le barrage de Koukoutamba, le Parc national du Moyen Bafing (très peuplé d’animaux sauvages, notamment de chimpanzés) et les exploitations minières. C’est pourquoi le maire Ta-Baldé a dit stop aux « allégations » distillées fréquemment sur les «réseaux sociaux de nature à compromettre la réalisation de tel et tel projet» lié au futur barrage hydroélectrique de Koukoutamba. Selon lui, le populo désire vivre le «lancement proche des travaux de réalisation du barrage hydroélectrique de Koukoutamba, synonyme de multiples bonheurs» et s’engage à protéger la faune et la flore.
Les assurances de la SOGEOH
Le message semble avoir été reçu cinq cinq par la délégation dont le Prési du Conseil d’administration de la SOGEOH, Mousto Kane, ancien ministre mauritanien de l’Energie et de l’Hydraulique, en visite à Kollet, malgré le poids de l’âge, accompagné notamment de sa douce-moitié. Au populo de Tougué en général, celui de Kollet en particulier, le Kane dit comprendre leur impatience. Il a rassuré : « Nous sommes venus pour vous rassurer ». Lui, le DG et le personnel de la SOGEOH, bien qu’ils n’aient pris leurs fonctions qu’en octobre 2021, ont pour seul objectif, de « réaliser, au plus vite, le barrage hydroélectrique de Koukoutamba. C’est une tâche ardue, puisqu’il s’agit de mobiliser plus d’un milliard de dollar pour réaliser toutes les composantes du projet et faire en sorte qu’il n’y ait que du positif. Cela explique le temps de préparation, le temps de concertation et le temps de coordination. » Selon lui, même si lui et le DG de la SOGEOH sont à leur première visite de Tougué, ils sont « gênés de tout ce retard et de frustrer toutes les attentes » que le préfet et sa population ont pour l’ouvrage, qui va « probablement donner une impulsion formidable à l’OMVS ». Moustapha Kane assure que l’équipe actuelle de la SOGEOH est au service de Koukoutamba, jour et nuit, pour « faire avancer le dossier ». Pour rappel, indique-t-il, alors que la société chinoise avait été choisie en 2019, le contrat commercial signé, patatras, la pandémie Covid-19 est venue tout plomber. «Mais Dieu merci, le plus dur du Covid-19 est derrière nous et l’activité de mise en place du financement est relancée avec beaucoup d’entrain, beaucoup d’enthousiasme du côté de l’OMVS que du côté du partenaire chinois et des ambassadeurs de Chine dans les quatre pays. Tout ce qui doit être fait pour accélérer la mise en place des financements, est en train d’être mis en œuvre au niveau de la Direction générale de la SOGEOH et au niveau des ministères de l’Energie dans les quatre pays. Nous avons bon espoir qu’en suivant la procédure édictée par le gouvernement chinois, nous arriverons au bout de cette tâche titanesque qui consiste à réunir plus d’un milliard de dollars pour réaliser Koukoutamba (…) et on ne reculera devant aucun sacrifice pour sa réalisation», s’est engagé le Prési du Conseil d’administration de la SOGEOH, afin que les chefs d’Etat des quatre pays puissent poser la première pierre de l’ouvrage « au plus tard, dans le premier trimestre de 2023 . C’est ambitieux, c’est faisable avec l’aide de Dieu ». Amen encore ! El Hadj Alpha Boubacar Diallo, ancien Coordinateur de la Cellule nationale de l’OMVS, Souleymane DRAVE, dirlo de la SOGEOH et Soufiana Dabo, actuel patron de la Cellule nationale de l’OMVS, n’ont pas dit le contraire. Paraît que, c’est fini avec les paroles, les actes vont bientôt commencer. Qui vieillira, verra !
La mission mixte, en retour, a obtenu l’engagement des autorités locales pour la Com et la sensibilisation du populo sur les avantages du développement du PAHK. Les délégués ont fait un saut sur le site qui abritera le futur bijou de Koukoutamba, le 21 février, avant de reprendre le chemin du retour à Cona-cris.
Koukoutamba en chiffres
Le projet de Koukoutamba, c’est près d’un 1 milliards 200 millions de dollars ricains à investir pour construire le barrage en quatre ans, produire 294 MW d’électricité et près d’un millier de Gigawatt heure par an, économiser jusqu’à 200 mille tonnes de fuel par an pour les quatre pays. C’est le bitumage de la route Labé-Koukoutamba, de près de 150 kilomètres. Cerise sur le gâteau, le PAHK permettra la non-émission de près de 600 mille tonnes de dioxyde de carbone par an. Les défenseurs de l’environnement pourraient rire sous cape. Koukoutamba rapportera à l’OMVS entre 80 et 90 millions de dollars de recettes par an. Côté populations riveraines, en plus de l’électrification de leurs foyers, s’y ajouteront : emplois, recours aux sous-traitants locaux, financements de projets de développement socioéconomiques.
Mamadou Siré Diallo,
Envoyé spatial