Le 24 et le 25 mars, au Chapiteau du Palais du peuple, a eu lieu le premier congrès international de médecine légale et santé au travail de la République de Guinée. Un rendez-vous scientifique qui a réuni de grands médecins du pays et du continent africain venus notamment du Sénégal, du Congo Brazzaville, de la Côte D’Ivoire. Pendant deux jours, les débats ont tourné autour de la problématique de la prise en charge des violences sexuelles, la prévention des risques professionnels en milieu de travail et le Covid-19 en milieu de travail.
Professeur Hassane Bah, médecin légiste, président du congrès, a indiqué que la dernière étude réalisée par l’UNFPA en 2019 montre que 80% des femmes sont victimes de violences conjugales en Guinée. Les agressions sexuelles représentent plus de 30% des consultations de victimologie en médecine légale et 70% de ces victimes ont moins de 12 ans. Il note que l’âge pré pubère de ces enfants les expose à des complications anatomiques (déchirures et quelques fois des perforations recto-vaginales mais aussi infectieuses, bactérienne et virale, y compris le VIH). « Les victimes d’accident de travail dans les sociétés de manutention et les sociétés minières avec un polytraumatisme grave qui nécessite souvent des soins à l’étranger coûtent très cher à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale et aux employeurs.
La pandémie au COVID-19 a endeuillé les Guinéens avec 440 décès hospitaliers et a réduit considérablement la productivité et le rendement dans les entreprises ».
Le Représentant résident de l’OMS en Guinée, Dr Manengou a indiqué qu’en dépit des progrès accomplis autour des enjeux de violences sexuelles, il reste encore un long chemin à parcourir. Selon lui, les données de l’EDS 2018 montrent que 95% parmi les femmes et les filles de 15 à 49 ans ont été victimes de mutilation génitale féminine et 30% chez les moins de 15 ans. Presque la moitié des femmes près de 46% sont mariées avant leurs 18 ans, six femmes meurent par jour en donnant la vie selon l’enquête mix 2007. « Ainsi je voudrais profiter de ce premier congrès pour rappeler le premier principe énoncé par l’OMS à savoir la santé est aussi un état de bien être complet physique, mentale sociale et ne consiste pas seulement à l’absence de maladie ou d’infertilité ».
De la mise en place d’un Institut médecine légale
Dansa Kourouma, président du Conseil National de Transition s’est engagé à voter de « bonnes lois » qui seront en phase avec les préoccupations des Guinéens et qui répondent aux défis. «Ces lois doivent nous permettre de renforcer les mesures de prévention, de détection et de répression contre les violences faites aux femmes et aux filles de notre pays. Nous ne manquons pas de lois, parfois nous avons de très bonnes lois, mais à cause du manque de volonté politique pour l’application stricte des lois, nous amenons les Guinéens à l’hésitation qui a amené une crise de confiance entre nous et les citoyens ».
Pour mettre fin aux violences faites aux femmes, le président du CNT rappelle que le colonel Mamadi Doumbouya a promis, dans un discours officiel, une tolérance zéro contre le phénomène. « En plus de cette volonté politique, j’en rajoute la nôtre, celle du Parlement de la transition, composé de plus de 30% de femmes et d’éminentes personnalités, championnes de la lutte contre les violences sexuelles. Il faut que nous soyons amenés à prendre des actions, des actions responsables, efficaces, coordonnées, pour éviter la cacophonie, afin d’avoir plus d’impact dans notre action de lutte contre les violences, notamment celles faites aux femmes et aux filles de la Guinée».
Auparavant, Dansa Kourouma avait dénoncé la banalité par laquelle les problématiques de violences sexuelles sont traitées en Guinée. « Mais entre honneur et préoccupation, je place le curseur au niveau de notre responsabilité commune ».
Dans tous les discours, les professionnels de la santé ont réclamé un Institut de médecine légale, le président du CNT croit à sa réalisation. « Permettez-moi de vous dire qu’avec la volonté du colonel Mamadi Doumbouya, cette promesse sera une réalité pendant cette transition, parce qu’il attache du prix à la problématique de la protection des femmes et des filles en Guinée».
Des recommandations
Après deux jours d’échanges, notamment des panels et des tables rondes, les participants au congrès ont recommandé la création de l’Institut de médecine légale avec un personnel formé pour la prise en charge médicale, psychologique, médicolégal et l’accompagnement des victimes des violences basées sur le genre. Un équipement de laboratoire pour la réalisation des tests ADN et en imagerie, la formation des médecins légistes en collaboration avec leurs collègues de la sous-région Ouest africaine. La décentralisation de la médecine légale à l’intérieur du pays afin que chaque région et chaque préfecture soient couvertes par la une équipe médicolégales. Sur le plan de la médecine du travail, les Congressistes ont noté que les textes à la nomenclature des maladies professionnelles doivent être révisés. C’est pourquoi ils sollicitent la mise en place d’une commission nationale de travail pour l’élaboration et ou la révision des tableaux des maladies professionnelles. Le renforcement d’un cadre de concertations et d’actions communes entre les acteurs au niveau central. Le soutien à la formation des médecins de travail pour le renforcement de leurs capacités. La mise en place d’un laboratoire de médecine de travail et d’unité de pathologie professionnelle.
Ibn Adama