Sadou Bah, jeune mannequin et acteur de 26 ans influencé par Arnold Schwarzenegger dont il raffolait les films d’action projetés dans les vidéos clubs de Timbi-Tounni (Pita), rêve d’Hollywood. Alors que la réalisatrice Aïcha Diaby, 28 ans, savoure la sélection de son court-métrage, « Douleur silencieuse », au Short Film Corner du Festival de Cannes 2022. Deux admirables étoiles guinéennes de France.
Tout petit, comme la plupart des gamins de son âge, Sadou Bah avait élu domicile dans les vidéos clubs de Timbi-Tounni, sa sous-préfecture d’origine qui est à une vingtaine de kilomètres du centre-ville de Pita (Moyenne Guinée). Il y est né le 21 novembre 1996, d’un enseignant et d’une restauratrice. Dans ces salles de cinéma en baraques, Sadou a plusieurs fois sursauté, crié, applaudi pour les célèbres grands écarts ou coups de pied retournés du Belge Jean-Claude Van Damme ou de l’Américain Carlos Ray Norris alias Chuck Norris…L’ado fut également émerveillé par Sylvester Stallone (Rambo). Mais c’est Arnold Schwarzenegger, désigné dans les contrées comme Timbi sous la dénomination de l’un de ses films célèbres, Commando, qui influencera le plus Sadou Bah. « Mes parents m’ont toujours fait chanter avec les vidéos clubs : ‘’Tu réussis cet examen, je te laisse voir ce film…’’, me disaient-ils. C’était leur arme de manipulation, car je ne pouvais pas me passer de cinéma », se souvient le jeune acteur.
Conquérir Hollywood, son rêve de gosse
Mué par l’envie de mener une vie qui tranche avec la précarité de ses parents, Sadou Bah réalise à 19 ans son obsession de faire des bonnes études. Après le primaire et le secondaire en Guinée, et partiellement à Mbour (Sénégal), il débarque en France en 2016. Où il passe un baccalauréat professionnel en informatique, obtient un master de technicien supérieur, multiplie les certifications professionnelles dans le secteur du numérique, travaille comme consultant de Microsoft Cloud, décroche un poste d’ingénieur chez Amazon à 23 ans, selon sa biographie.
Mais son rêve de gosse ne le quitte pas. En décembre 2018, il décide de quitter Paris pour Los Angeles. La lecture de Total Recall, le livre dans lequel Arnold, son héros d’enfance, raconte sa vie, son parcours lui donne des idées plus claires. Le principal enseignement qu’il en a tiré : il lui faut de l’argent pour financer son rêve de cinéaste, voyager et nouer des contacts. En effet, avant d’être un célèbre acteur, Schwarzenegger a fait fortune dans l’immobilier. Millionnaire et rentier, « l’argent lui a ouvert les portes d’Hollywood et de l’industrie cinématographique », croit Sadou Bah qui, depuis, multiplie les boulots pour réaliser son objectif. Il pose comme mannequin pour certaines agences en France et aux USA et a investi dans une ferme de dix mille poulets à Mbour, où il se rend régulièrement.
Filmographie
Dans son parcours de jeune acteur, Sadou Bah a joué des rôles de figuration dans The Runner et Bad Impulse de Michelle Danner, une actrice, réalisatrice, productrice, coach artistique et professeure de théâtre américaine. Dans le premier, « j’ai tenu le rôle de l’officier Lee, un policier de la brigade locale. Le détective principal dans le film est Cameron Douglas (Detective Wall), l’acteur principal, Edouard Philipponnat (Aiden). Sur l’affiche du film (sur Google), je menotte Aiden sur une voiture de police lors d’une arrestation ». Alors que dans Bad Impulse, renchérit le jeune acteur, « j’apparais comme lycéen. J’avais rencontré aussi Edouard sur ce tournage. Nous n’avions pas bien apparu, il s’agissait d’une figuration de jeunes étudiant ».
Avant, le jeune ingénieur informaticien travaillait comme administrateur systèmes de « All In Films », la maison de production de Michelle Danner. Désormais, il rêve d’émerveiller à son tour les cinéphiles de Timbi-Tounni et du monde.
Violences sexuelles à l’écran
Agée de 28 ans, Aïcha Diaby, l’autre étoile, a quant à elle déjà un court-métrage dans sa jeune carrière de réalisatrice : Douleur silencieuse, produit en février dernier. Coup d’essai, coup de maître ! L’œuvre cinématographie a été retenue au Short Film Corner du 75e Festival de Cannes 2022, prévu du 17 au 28 mai prochain en France : un catalogue des court-métrages les plus prometteurs venus du monde entier à destination des programmateurs, distributeurs, producteurs et acheteurs présents lors du festival de Cannes. À cette occasion, le court-métrage sera projeté le mercredi 25 mai. « Douleur silencieuse lève le voile sur le sujet délicat des violences sexuelles intrafamiliales au sein des familles africaines. Une thématique universelle qui demeure le quotidien de nombreuses jeunes filles dans nos sociétés modernes », explique Aïcha Diaby.
Cette dernière partage avec Sadou la passion pour le cinéma (africain pour Aïcha) depuis son jeune âge. Elle a réalisé une première série documentaire dénommée « Welcome to Conakry » qui présentait la capitale guinéenne autrement, stigmatisée pendant l’épidémie Ebola. Vice-commissaire chargée de la communication de l’évènement littéraire « Conakry, Capitale Mondiale du Livre 2017 », organisé par la maison d’édition l’Harmattan Guinée, Aïcha en plus d’être entrepreneuse a été responsable de la salle Canal Olympia de la Bluezone de Kaloum, avec pour objectif de transmettre aux jeunes guinéens l’amour d’aller au cinéma qui animait autrefois leurs aînés. Avec Douleur silencieuse, elle va leur donner désormais quoi regarder.
Diawo Labboyah Barry