Accusé de vol et écroué à l’Hôtel cinq étoiles de Coronthie avec deux membres du Groupement des forces spéciales, Adjudant-chef Jacques Zakama Koïvogui libéré nuitamment le 20 avril dernier, a été largué à Yimbérin (Mali) où il doit désormais servir. Pendant ce temps, son procès se tient au Tribunal militaire permanent en son absence. Ses avocats dénoncent une entorse à la loi.
Le 7 septembre 2021, une certaine Saran Chérif, comptable du Centre Médico-communal, CMC de Matam, quitte Kaloum avec une misère de 246 millions de francs glissants dans le coffre de son tacot, stoppé net à l’échangeur de Moussoudougou, dépossédé de ses sous et déposé au Chapiteau près du siège des Forces spéciales.
Adjudant Jacques Zakama Koïvogui, officier de police judiciaire, proche du CNRD, est chargé d’auditionner la dame pour connaître l’origine de la fortune. Il s’exécute. Sauf que dans la soirée, deux membres du Groupement des forces spéciales disparaissent avec le magot. Ils sont traqués et emprisonnés avec Jacques Zakama, au grand dam de son avocat. Maître David Béavogui et ses confrères, «convaincus que leur client n’a rien à rien voir avec le vol », ont attaqué la procédure devant la Chambre de contrôle de l’instruction, ils ont obtenu gain de cause. Jacques Zakama bénéficie d’un non-lieu partiel début décembre 2021.
Devant la Chambre correctionnelle de la Cour d’appel de Cona-cris, Jacques Zakama Koïvogui a comparu, malgré tout, sous mandat de dépôt. La Cour d’appel a enjoint le Pro-crieur général d’exécuter le non-lieu : « Entre le 6 décembre 2021 et le 20 avril 2022, notre client a fait l’objet de détention arbitraire. Il n’y avait aucun titre de détention qui pouvait le maintenir en prison », affirme Maitre David Béavogui, un des avocats de l’accusé. Finalement le 20 avril dernier, après plusieurs atermoiements, Zakama Koïvogui et cinq autres seront libérés.
Quelle libération ! « Il a été libéré nuitamment vers 1heure du matin. Il a été, avec ses amis, mis dans deux pick-up en direction de l’intérieur du pays. On les largue à Mamou comme des colis, on lui tend un arrêté de mutation à Yembérin (préfecture de Mali), avec interdiction formelle de mettre pieds à Conakry, alors que la procédure est pendante devant la justice. Cela ne vient pas d’un juge, même un procureur ne peut pas faire ça », ajoute l’avocat.
Malgré sa «déportation » vers l’intérieur du pays, Jacques Zakama est jugé à son insu devant le tribunal militaire permanent à Cona-cris. Son avocat dénonce : « Nous avons été surpris de constater l’enrôlement du dossier le 4 mai. Le parquet a même eu le courage de requérir, dans cette affaire, en l’absence de Jacques Zakama Koïvogui (…), un an de prison contre lui, malgré la pression exercée sur les témoins. »
Maître David Béavogui tacle le Parquet général près la Cour d’appel et le Parquet près le tribunal militaire et le Haut commandant de la gendarmerie : « Le Parquet général montre que nous ne sommes pas dans la recherche de la vérité, mais dans une logique de condamnation. Nous avions des soupçons d’ingérence dans cette affaire ; cela se confirme, parce que quand nous avions eu l’arrêt de la Cour d’appel…à 22h 30, le Haut commandant de la gendarmerie est allé à la Maison centrale extraire mon client, lui demander de présenter des excuses à la hiérarchie, ce dernier n’a pas obtempéré. Il n’est pas poursuivi pour une infraction militaire pour présenter des excuses. Sans parler des conditions de sa mutation. Nous dénonçons cela ». L’avocat (sans vinaigrette) craint désormais une radiation de son client dans les effectifs de la gendarmerie : « Il n’est pas là, il ne peut pas se défendre, ses avocats n’ont pas droit à la parole, parce que nous sommes en matière pénale. Quand il est condamné, c’est la radiation. Nous n’allons pas permettre cela. Nous allons alerter l’opinion nationale et internationale ».
Adjudant-chef Zakama, qui, entre temps, devenu sous-lieutenant, médite sur son sort dans la préfecture de Mali, en Moyenne-Guinée.
Yacine Diallo