Le réalisateur Jean-Luc Godard a eu recours au suicide assisté, une pratique légale en Suisse, « suite à de multiples pathologies invalidantes, selon les termes du rapport médical », a expliqué Patrick Jeanneret, le conseiller de la famille. En Suisse, l’aide au suicide à laquelle a eu recours le cinéaste est autorisée sans être réglementée de façon spécifique. Un article du code pénal suisse stipule que celui qui prête assistance au suicide ne doit pas être poussé par un « motif égoïste », une notion qui reste néanmoins suffisamment floue pour que plusieurs associations suisses comme Exit ou Dignitas proposent d’aider ceux qui le souhaitent à mourir en toute légalité En revanche, inciter une personne au suicide dans le but d’obtenir un avantage est puni de cinq ans de prison ou d’une amende. La capacité de discernement de la personne concernée doit être intacte. Aucune influence extérieure ne peut être tolérée. Et le candidat a l’obligation de s’administrer seul le poison.

Vers une « interruption volontaire de vieillesse » ?

L’année dernière, près de 1 400 personnes ont été accompagnées vers la mort en Suisse. Un chiffre en constante hausse depuis près de 20 ans. Pour sa part, le réalisateur souffrait de multiples « pathologies invalidantes ». Il n’était pas mourant, mais « juste fatigué ». Si on en croit les déclarations du conseiller de sa famille, alors Jean-Luc Godard pouvait donc en effet prétendre à l’aide au suicide. En 2014 déjà, il ne cachait pas être favorable au procédé. Il s’était même renseigné auprès de son médecin, comme il le disait à la RTS, la Radio télévision suisse.

Huit ans plus tard, il faut croire que des médecins ont jugé qu’il pouvait bénéficier d’un suicide assisté. Mais la législation reste encore floue en Suisse. Certains, parmi les défenseurs du droit à mourir dans la dignité, demandent l’extension de la pratique aux personnes non malades, sorte d’interruption volontaire de vieillesse. D’autres, y compris dans les associations d’aide au suicide, redoutent une potentielle dérive. Un médecin a été poursuivi par la justice suisse pour avoir aidé une octogénaire en bonne santé qui voulait mourir avec son mari. 

Le suicide assisté, un vaste débat en Europe

Cette annonce de la mort du réalisateur franco-suisse survient alors que le débat vient tout juste de ressurgir suite à un avis rendu mardi 13 septembre, par le Comité consultatif national français d’éthique (CCNE). « Il existe une voie pour une application éthique d’une aide active à mourir, à certaines conditions strictes avec lesquelles il apparaît inacceptable de transiger », explique dans ce document Alain Claeys, l’un des rapporteurs de l’avis. Parmi ces conditions strictes, le comité souligne notamment que l’assistance au suicide devra être ouverte aux personnes majeures, atteintes de maladies graves et incurables provoquant des souffrances physiques ou psychiques, réfractaires et dont le pronostic vital est engagé à moyen terme. Autre préconisation : accompagner la volonté de la personne. C’est-à-dire qu’il « faudra s’assurer que cette demande soit :  ferme, éclairée, constante et motivée. »

Les membres de l’instance pointent par ailleurs des situations inacceptables sur la mise en œuvre des soins palliatifs sur l’ensemble du territoire français. Un problème qui, selon les huit membres du CCNE qui émettent une réserve sur cet avis, pourrait pousser certaines personnes à se tourner vers la mort assistée, à défaut de soins palliatifs adaptés.

« Cet avis insiste d’abord sur le fait que la loi Leonetti doit être mieux connue et mieux appliquée. Il faut qu’il y ait des moyens supplémentaires pour l’ensemble des soins palliatifs en France, c’est fondamental », estime le docteur Jean-François Delfraissy, président du CCNE.

Il existe un certain nombre de situations où la loi Leonetti ne répond pas complètement. En particulier, il s’agit de patients qui sont dans une situation de fin de vie à moyen terme, quelques semaines ou quelques mois. Ceci pose la question : est-ce que notre mort nous appartient et est-ce qu’on peut décider des conditions dans lesquelles on souhaite, dans certaines circonstances, une aide à mourir ? Le CCNE met sur la table ces questions extrêmement difficiles pour essayer d’avancer sur un sujet aussi complexe.

Avec RFI