La Journée mondiale de la santé mentale, qui est célébrée le 10 octobre de chaque année, nous offre l’occasion de susciter un regain d’intérêt à l’égard des maladies mentales dont la charge ne cesse de s’accroître en Afrique, principalement chez les enfants et les adolescents. Le thème retenu pour l’édition de cette année, à savoir « Faire de la santé mentale pour tous une priorité mondiale », nous rappelle qu’en à peine trois ans, l’isolement social, la peur de la maladie et de la mort, ainsi que les difficultés socioéconomiques associées à la pandémie de maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) ont occasionné une hausse d’environ 25 % des troubles liés à la dépression et à l’anxiété à l’échelle mondiale.
Avant la pandémie, on estimait déjà à plus de 116 millions le nombre de personnes qui vivent avec des troubles mentaux dans la Région africaine. Les taux de suicide restent particulièrement préoccupants, tout comme l’augmentation exponentielle du taux de consommation et d’abus d’alcool chez les adolescents âgés d’à peine 13 ans.
Nous devons de toute urgence renforcer les systèmes de réglementation afin de combler les failles qui permettent à de si jeunes gens de se procurer de l’alcool aussi facilement, et qui donnent lieu à une hausse des taux de consommation occasionnelle de fortes quantités d’alcool, lesquels taux grimpent parfois jusqu’à 80 % chez les adolescents âgés de 15 à 19 ans. Cette situation fait peser une grave menace sur l’éducation de ces jeunes et les expose à une vie d’alcoolique, sans oublier les risques associés aux maladies non transmissibles et à d’autres affections.
Le faible niveau du financement consacré à la santé mentale demeure un défi majeur qui sape les efforts consentis pour accroître les effectifs des agents de santé mentale en Afrique. À ce jour, on compte moins de deux agents de santé mentale pour 100 000 habitants, et l’essentiel de cet effectif est constitué de personnel infirmier spécialisé en psychiatrie et d’aides-soignants en santé mentale. Une telle carence en ressources dans les grands établissements psychiatriques des centres urbains se traduit par une couverture extrêmement faible sur le plan communautaire comme au niveau des soins de santé primaires. À titre d’exemple, tandis que deux tiers des États Membres affirment qu’ils disposent de lignes directrices visant à intégrer la santé mentale dans les soins de santé primaires, moins de 11 % d’entre eux proposent des interventions pharmacologiques et psychologiques à ce niveau. Il convient néanmoins de signaler pour s’en féliciter que 82 % des États Membres de notre Région accueillent une formation sur la prise en charge des troubles mentaux au niveau des soins de santé primaires et que, dans 74 % d’entre eux, des spécialistes participent à la formation et à la supervision des professionnels des soins de santé primaires. Les gouvernements africains ont aussi accompli des progrès en ce qui concerne les dépenses en soins de santé mentale, qui ont été portées à 46 centimes de dollar É.-U. par habitant. Cependant, ce chiffre reste bien en deçà du montant recommandé, à savoir deux dollars É.-U. par habitant, car les soins de santé mentale ne sont pas inclus dans les régimes nationaux d’assurance-maladie.
En vue de relever ce défi, les États Membres doivent impérativement honorer les engagements qu’ils ont pris en août 2022 au cours de la session du Comité régional de l’OMS pour l’Afrique, lorsqu’ils ont approuvé le Cadre pour renforcer la mise en œuvre du Plan d’action global pour la santé mentale 2013-2030 dans la Région africaine de l’OMS. Ce document de référence met en lumière les graves pénuries observées sur le continent au niveau des services de santé mentale, et formule des recommandations concernant les mesures que les États Membres doivent prendre pour y remédier. Les États Membres peuvent se féliciter d’un certain nombre d’avancées, au nombre desquelles le lancement, par le Ghana et le Zimbabwe, de l’Initiative spéciale en faveur des cadres pour la santé mentale. Cette initiative soutenue par l’OMS vise à renforcer les services pertinents aux niveaux inférieurs de soins.
L’OMS dans la Région africaine apporte aussi un appui à des pays tels que le Burkina Faso, l’Éthiopie, le Ghana, le Mali, le Niger et le Nigéria pour qu’ils puissent effectuer le partage des tâches et intégrer la santé mentale dans des programmes multisectoriels. On peut citer à cet effet les programmes conjoints de santé mentale et de lutte contre la tuberculose mis en œuvre au Ghana et au Kenya, et l’action conjointe contre les maladies tropicales négligées et les troubles mentaux au Nigéria. En outre, le Kenya, l’Ouganda et le Zimbabwe bénéficient d’un appui pour parachever leurs argumentaires d’investissement en faveur de la santé mentale. Ces efforts constituent un précieux levier pour justifier des investissements accrus en faveur de ce parent pauvre de nos systèmes de santé. En vue de faire progresser l’action menée à l’échelle continentale pour un accès équitable aux soins de santé mentale et neurologique et à la prise en charge des cas d’abus de substances psychoactives, je saisis l’occasion que m’offre cette Journée pour exhorter les États Membres à ériger au rang de priorité l’application du Cadre pour renforcer la mise en œuvre du Plan d’action global pour la santé mentale dans la Région africaine de l’OMS. Une telle démarche passe notamment par le relèvement des dépenses publiques consacrées aux services concernés et par la mobilisation des ressources auprès de partenaires. Plus spécifiquement, les pays doivent renforcer les interventions psychosociales et de santé mentale dans le contexte de l’action humanitaire d’urgence, notamment face à la COVID-19 et à la maladie à virus Ebola, dont les effets sont particulièrement néfastes sur les enfants d’âge scolaire et sur les agents de santé. La santé mentale et le soutien psychosocial sont des facteurs déterminants du succès de toute riposte.
À l’occasion de la Journée mondiale de la santé mentale que nous célébrons aujourd’hui, engageons-nous tous à œuvrer de concert pour accorder à la santé mentale l’attention qu’elle mérite, pour restructurer les facteurs ayant un impact négatif sur la santé mentale et pour renforcer les systèmes de soins afin de rendre la santé mentale plus accessible à tous les Africains.