Hommage à la presse guinéenne qui a rendu hommage à votre serviteur. A l’occasion de la cérémonie de reconnaissance et d’hommage que la presse guinéenne nous a rendu le 29 octobre, nous publions le témoignage d’un ami, Bernard Cesari, un africaniste de nationalité française.
Il est naturel qu’un ami de quarante ans prenne la plume pour complimenter celui qui s’est battu sans relâche pour la liberté de la presse dans son pays et sur tout le continent. Mais, je voudrais saisir l’occasion pour aller au-delà des paroles un peu rituelles que l’on adresse dans ces moments-là.
Vous qui avez décidé de cet hommage, vous savez mieux que moi – qui suis étranger – tous les combats que Souleymane Diallo a menés et qu’il a gagnés. Vous savez mieux que moi ce qu’il lui en a coûté : non seulement, à plusieurs reprises, sa propre liberté, mais aussi parfois – je l’imagine – l’amitié ou la considération de certains qui étaient moins courageux que lui.
Mais la victoire n’est jamais orpheline : ceux-là mêmes qui pouvaient le trouver téméraire et lui conseillaient de se calmer ou de se taire sont aujourd’hui heureux de bénéficier de cette liberté. Et je suis sûr qu’il n’est pas malheureux qu’ils en bénéficient. Car la liberté de la presse, tout comme la Liberté tout court, ne se divise pas : elle est pour tous, même pour ceux dont on ne partage pas les opinions. Les démocraties occidentales veulent croire que la liberté de la presse est leur apanage, leur privilège. Elles ont tort. Qui peut prétendre que la liberté de la presse devrait être un luxe de riches ou de je ne sais quelle évolution sociale ou historique ?
À l’inverse, des pouvoirs autoproclamés qui se voudraient forts pensent que museler la presse permet de masquer leur faiblesse congénitale. Ils ont tort aussi. Leurs moyens de propagande devraient suffire à les rassurer quant à leur pouvoir sur les idées. La liberté de la presse ne correspond qu’à une forme publique de la liberté d’expression, elle-même découlant de la liberté de penser. Chaque homme, quelle que soit sa condition a sa liberté de penser. Nul ne peut la lui ôter. Et chaque société doit permettre à ses membres d’exprimer leur pensée, faute de quoi ils ne font pas société.
Mais aujourd’hui le développement des réseaux sociaux met à mal la censure, et en même temps lance un énorme défi à la presse. L’immédiateté de l’information transmise dans les réseaux sociaux risque de prendre de court la presse qui se doit de contrôler ses sources, et qui est soumise aux contraintes de la parution. Pour maintenir sa raison d’être face aux réseaux sociaux, la presse doit prouver sa crédibilité, c’est-à-dire affirmer face à son public une éthique sans faille.
Dès le début, Souleymane Diallo a fait comprendre à ses collaborateurs que la réussite d’un journal, même satirique, tenait moins à ses scoops qu’à la rigueur de ses informations. Et tout au long de ces années, il a su assurer à ses journaux une parution régulière, ce qui n’est pas une petite affaire dans les conditions locales d’impression et de diffusion. Dans ces circonstances qui demandent éthique, rigueur et ténacité, Souleymane est un modèle pour tous.
Mais, ne nous trompons pas : derrière le combat pour la liberté de la presse, Souleymane Diallo a mené un combat éthique pour la liberté de chacun et de tous. Qu’il en soit remercié et que dans ces temps difficiles, sa leçon soit retenue.
Bernard Cesari